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Visiter Tolède : la ville aux trois cultures

Si vous préparez un voyage à Madrid, ne ratez surtout pas l’occasion de visiter Tolède : la ville aux trois cultures. Tolède est une magnifique ville médiévale située à quelques 70 km au sud de Madrid. Elle a été pendant des siècles la capitale de la péninsule ibérique, avant d’être remplacée au 16e siècle par Madrid, sous la volonté du roi Philippe II. Romains, Wisigoths, Arabes, juifs et chrétiens ont sculpté au fil des siècles cette ville au charme incontestable.

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Ancienne murail de Tolède

Tolède possède en effet un patrimoine unique où se mêlent harmonieusement influences chrétiennes, judaïques et musulmanes, ce qui lui a valu son surnom de “ville aux trois cultures”. Petit tour d’horizon à travers 5 monuments emblématiques.

1. Les Grottes d’Hercules : le berceau romain de la ville

À Tolède, comme de nombreuses villes historiques, ne vous fiez pas seulement à ce qui est visible ! Les souterrains de la ville regorgent de surprises. C’est le cas notamment des Grottes d’Hercules. Oublié pendant des siècles, cet espace n’a été que récemment restauré et ouvert au public.

Déclarées Bien d’Intérêt Culturel en 2008, les Grottes d’Hercules ont été construites par les Romains pour en faire une des principales réserves d’eau de la ville de Toletum. Creusées au milieu du 1er siècle apr. J.-C., ces “grottes” renferment une citerne de 6 m sur 11,50 m et de 4 m de hauteur. Vous pourrez également admirer ses grands arcs de granit et ses voûtes en calcaire blanc qui confèrent à l’endroit un aspect cérémonial.

Plus tard, les Wisigoths puis les musulmans et enfin les chrétiens ont érigé au-dessus des édifices religieux. Raison pour laquelle ce site archéologique n’a été redécouvert que récemment.  Les Grottes d’Hercules ont inspiré depuis l’époque médiévale de nombreuses légendes dont il nous reste aujourd’hui des écrits. Elles auraient été le palais d’Hercules, constructeur de la ville, mais aussi un lieu de magie et de malédiction. Et on serait bien tenté d’y croire ! Parcourir ce site sous la lumière tamisée des projecteurs est une expérience qui ne laisse pas indifférent.

N´hésitez pas à les visiter avec un guide, certains vous proposent des tours complets de la ville. Ils vous fourniront des explications précieuses pour comprendre la richesse de ce site.

2. La mosquée du Christ de la Lumière : la symbiose entre art musulman et chrétien

Cet édifice au nom curieux est un emblème de l’architecture hispano-musulmane. Situé tout près des anciennes murailles de la ville, ce petit monument d’époque califale a été transformé ensuite en église. C’est un exemple de l’art mudéjar, un style artistique seulement visible dans certaines villes d’Espagne où cultures musulmanes et chrétiennes ont cohabité pendant des siècles.

Construite en l’an 999, la mosquée du Christ de la Lumière révèle des traces de construction antérieure : des chapiteaux d’époque wisigothique (des chrétiens ariens qui ont occupé Tolède avant la conquête musulmane) et une paroi sculptée dans la roche d’époque paléochrétienne (3e siècle apr. J.-C.). Bien que de petite taille, ce monument surprend par sa composition et ses lignes délicates. Influencée par le style de la mosquée de Cordoue (construite seulement 30 ans plus tôt), l’ancienne mosquée de Tolède conserve également au niveau du presbytère des peintures romanes et gothiques.

L’extérieur de l’édifice n’en est pas moins surprenant ! Recouvert de briques rouges et érigé au niveau d’un des principaux axes de la ville romaine, le site possède également un ancien jardin de l’époque Al-andalus. Et son souterrain, me direz-vous ? Vous avez bien compris ! Les archéologues ont récemment retrouvé sous l’abside actuelle les restes probables d’une ancienne carrière romaine.

On conseille encore une fois de visiter ce site en compagnie d’un guide qui saura vous aider à déchiffrer ce patrimoine millénaire.

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Mosquée du Christ de la Lumière @David Blázquez

3. La synagogue de Santa Maria La Blanca : témoignage des juifs venus d’Orient

Un mystère entoure la date de construction de la synagogue de Santa Maria La Blanca. Certains optent pour le 12e siècle, d’autres pour le 14e siècle. Quoi qu’il en soit, cet édifice majestueux serait ce qu’il nous reste de la Grande Synagogue de Tolède.

Les caractéristiques architecturales du monument s’apparentent aux constructions médiévales hispaniques, mais sa décoration riche et complexe nous rappelle l’Orient. Observez ses chapiteaux de stuc qui surmontent les piliers de la synagogue, décorés de volutes et d’ananas, symbole de l’unité du peuple d’Israël. Vous y verrez aussi des motifs végétaux et géométriques qui représentent le travail du Créateur sur terre et dans l’univers. Un thème très présent dans la culture judaïque et musulmane. Les coquilles Saint-Jacques sculptées en hauteur sont aussi très utilisées dans les ornementations orientales, métaphore récurrente de l’eau et de la vie.

Ne soyez pas surpris d’apprendre que le monument ait aussi servi d’église ! Un siècle avant l’expulsion des juifs de Tolède en 1492, la synagogue est devenue l’église de Santa Maria La Blanca. Il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui ce lieu est un témoignage précieux de l’histoire du judaïsme en Occident. Persécutée par les Almoravides et les Almohades (dynasties venues du Maroc), la population juive émigre vers les royaumes chrétiens au 12e siècle. Employés dans l’administration et les finances, ils retrouvent alors un statut légal en échange de taxes fiscales. C’est de cette époque que date la construction de la synagogue. Une période de prospérité qui prendra fin lors de l’apparition de la peste en Europe.

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Synagogue de Santa Maria La Blanca ©David Blázquez

4. Le monastère de San Juan de los Reyes : L’âge d’or de l’empire espagnol

Construit au 15e siècle, le monastère San Juan de Los Reyes est une merveille de l’art gothique espagnol. Son style appelé hispano-flamand est influencé par l’art flamand, allemand et français.

Vous vous perdrez vite dans la hauteur de ses voûtes de pierre et ses riches décorations en plâtre et en bois directement héritées de l’art mudéjar. Mais allez surtout faire un tour au niveau du cloître. Symbole du paradis sur terre, le cloître a été conçu pour évoquer le jardin d’Eden. Cyprès, orangers et grenadiers apportent couleurs et parfums à cet espace qui prête à la méditation.

Observez aussi au niveau supérieur les gargouilles, toutes différentes, qui représentent souvent des animaux fantastiques. Certaines sont des clins d’œil humoristiques, comme ce prêtre penché dans le vide dont la barbe et le chapelet flottent dans les airs. N´hésitez pas à nous envoyer une photo si vous l’apercevez, on ne s’en lasse pas !

Témoin remarquable de l’âge d’or de l’empire espagnol, ce monastère a aussi été le lieu de tournage de nombreux films. Allez-y tôt si vous le pouvez, pour profiter de la lumière matinale et du silence avant l’arrivée des groupes de touristes. Vérifiez aussi l’heure des messes pour ne pas déranger les fidèles, ô combien nombreux en Espagne ! À faire absolument.

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Monastère San Juan de Los Reyes ©David Blázquez

5. L’église de Santo Tomé : l’art du Greco au service de la Contre-Réforme

L’Enterrement du Comte d’Orgaz peint par Le Greco est ce qui motive principalement la visite de l’église de Santo Tomé. Le tableau, de style maniériste, représente un miracle qui serait survenu dans cette église en 1323 ; le comte Gonzalo Ruiz de Toledo, dit seigneur d’Orgaz, est alors un riche aristocrate qui participe par ses dons à la restauration de plusieurs églises de la région. Peu avant sa mort, le comte aurait ajouté à son testament une dernière volonté : que ses descendants continuent à poursuivre son œuvre de charité. En reconnaissance à sa fidélité à l’Église, Saint Augustin et Saint Étienne seraient descendus du ciel le jour de ses obsèques pour enterrer eux-mêmes le corps du défunt.

Des années plus tard, les descendants du comte d’Orgaz auraient souhaité mettre fin à cette subvention. Décision qui n’a pas plu au curé Nuñez qui a entamé une procédure en justice… et qui a gagné !

Pourquoi ce tableau maintenant ? En 1586, lorsque la commande a été faite au Greco, les conflits entre protestants et catholiques sont grands. Les protestants ne considèrent pas que la charité soit déterminante pour la salvation de l’âme. L’Église catholique, soucieuse de continuer à percevoir des dons, entame alors une véritable campagne de communication ! Ce tableau est un exemple typique de la Contre-Réforme catholique. Observez par ailleurs ses personnages aux visages allongés et ce jeu de lumière et de couleurs si chers à l’artiste. Pour ceux qui admirent particulièrement ses œuvres, vous pourrez aussi avoir le plaisir de visiter la maison du Greco à quelques mètres seulement de cette église.

Convaincus ? Oui, Tolède est une destination incontournable si vous venez faire un séjour en Espagne. Vous pouvez y accéder en voiture ou en train depuis Madrid. N’hésitez pas à utiliser Blablacar qui fonctionne aussi très bien ici. Enfin, on ne vous a pas parlé de la spécialité de la ville… La pâte d’amande ! À déguster sous toutes ses formes, accompagné d’un café en terrasse pour reprendre des forces entre deux visites. Plaisir garanti ! Envie d’autres inspirations de voyage ? Consultez nos autres destinations par ici.

Ambre Voirin

2 réflexions sur “Visiter Tolède : la ville aux trois cultures

  • Arbreo - Arbre de vie

    Je reviens tout juste de Tolède, et je peux confirmer que tous ce qui est mentionné est vrai ! cette ville est juste magnifique

    Répondre

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