Environnement

Voici pourquoi la renouée du Japon est unique

La renouée du Japon, tout le monde la connaît. On l’a tous croisé au moins une fois sans pouvoir la nommer, la reconnaître. Elle est là, partout, sur les bords de nos routes et de nos rivières, dans nos friches industrielles et dans nos jardins. Nombreux sont ceux qui la haïssent pour sa prolifération inexorable et nombre d’autres lui consacrent un temps considérable en vertu des qualités qu’elle peut apporter. Elle pullule, mais elle nourrit. Elle assainit nos sols, mais écrase toute concurrence. Alors? Amie ou ennemie ? Quoiqu’il en soit voici en quelques points pourquoi la renouée du Japon est unique.

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Renouée du Japon

La renouée du Japon, une plante “pionnière” étonnante

Cette plante est tout d’abord une herbacée de la grande famille des Polygonacées. Elle a de nombreux atouts qui font d’elles une variété très particulière comme sa polyploïdie pour commencer. C’est à dire posséder au moins 3 lots de chromosomes complets (l’homme n’en a que deux). Même si ce n’est pas rare dans le monde végétal, cette dernière lui apporte une vaste diversité génétique. Elle facilite l’hybridation entre espèces proches et peut ainsi favoriser certains caractères tel le gigantisme. Elle dispose également d’une capacité à s’implanter durablement, de 2 à 3 mètres de profondeur et s’étendre jusqu’à 20 mètres latéralement.

Ceci lui permet de se procurer plus aisément des nutriments ainsi qu’une protection contre l’arrachage.

C’est une plante dite « pionnière » étonnante. Elle s’implante en première sur des zones impropres aux végétaux, prolifère, prépare le terrain en l’assainissant. Auparavant, elle s’épanouissait sur les flancs de volcans, riche en métaux dont elle raffole. Au bout d’un certain cycle (trop long pour nous les humains) arbres et arbustes reprennent le dessus.

Elle dispose, grâce à sa génétique étonnante et sa réserve de nutriments enfouie dans ses racines, d’une capacité de régénération considérable. Elle est en mesure de soigner ses tissus ou faire repartir une nouvelle pousse à partir d’un morceau insignifiant. L’étude de Broke and Wade (1992) a montré que 70% des rhizomes de 4,39g ont généré un autre individu. Et que le poids minimum d’un rhizome qui permet le développement est de 0,7g. Rappelons qu’elles peuvent produire des quantités énormes de biomasses aussi bien racinaires (environ 16 tonnes par hectares) qu’aériennes (environ 13 tonnes par hectare). Ça laisse rêveur.

Renouée sur berge avec anciennes tiges - Le blog du hérisson
Renouée sur berge avec anciennes tiges

D’où vient la renouée ?

Une plante si étonnante, on peut se poser des questions. Alors d’où nous vient cette renouée ?

Oui celle-ci : la Fallopia Japonica. Donc si certains pensent qu’elle provient de l’espace, on sait que la renouée nous arrive du lointain Orient tout comme sa cousine, Reynoutria Sachalinensis.

Depuis les îles d’où elle est issue, sur les flancs des volcans japonais, elle a voyagé de nombreuses fois vers l’Europe et le monde. Sur les routes de la soie au Moyen-âge, elle est rapportée par les caravanes et cultivée pour ses grandes qualités fourragères. Imaginez une plante qui pousse de plus de 4 cm par jour, monte jusqu’à 4 mètres de haut et n’a pas besoin d’être replantée. Une aubaine à l’époque.

Plus tard, c’est un Hollandais, Philip von Siebolt, grand amateur de plantes exotiques et médecin de la Compagnie hollandaise des Indes en poste au Japon qui la ramènera en son pays pour égayer son parc des multitudes de fleurs qu’offre la renouée.

En 1847, la ville d’Utrecht, aux Pays-Bas, décerna par le biais de son association d’agriculture et d’horticulture une médaille d’or à la renouée du Japon, pour la splendeur de son feuillage et de ses fleurs. Alors, portée aux nues des hautes sociétés pour ses grandes qualités ornementales, elle s’implante dans tous les jardins à la mode. On connaît la suite.

La renouée est-elle utile ?

Cette plante qui aujourd’hui est plus regardée avec horreur et colère possède de nombreuses caractéristiques que beaucoup ignorent. La renouée peut-elle être utile ? Si pour certains s’en débarrasser est une obligation, pour d’autres elle demeure une bénédiction.

• Mellifère

Déjà, c’est une variété mellifère des plus intéressante pour deux points.

  • C’est une plante tardive qui fleurit à la fin de l’été alors que la plupart des inflorescences sont fanées.
  • Grâce à sa capacité de production florale massive, elle devient une source de pollen pour les abeilles en quête de nourriture. Aux USA, des apiculteurs entretiennent la renouée du Japon pour produire ce qu’il nomme « miel de bambou ».
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Inflorescences

• Metallophyte

En outre, elle a gardé une qualité qui lui vient de ses origines volcaniques. Habituée alors à ces sols chargés de métaux elle en a conservé un goût immodéré. La renouée est métallophyte, elle se nourrit des nutriments classiques, mais également de métaux lourds. C’est pourquoi on la retrouve aisément sur les friches industrielles. Elle a même un petit penchant pour l’aluminium.

Elle est devenue pour nous une excellente indicatrice de pollution des terrains.

• Productrice de polyphénol pour les laboratoires

Enfin, les laboratoires pharmaceutiques l’apprécient énormément pour sa production de resvératrol, un polyphénol de la classe des stilbènes que l’on trouve aussi dans le raisin, les mûres ou bien aussi les cacahuètes. La médecine chinoise en fait l’usage depuis des siècles pour ces qualité anti-oxydantes et son action cardio-vasculaire. De toutes les plantes au monde, c’est encore la renouée du Japon qui remporte la palme d’or en terme de richesse et de production.

Resveratrol - Le blog du hérisson
Resveratrol

Pourquoi se débarrasser de la renouée

Quelques pousses de ce bambou taché de rouge se trouvent à l’orée de votre jardin ? Vous ne souhaitez absolument pas de cette invitée surprise dans vos massifs ? Mais pourquoi donc vouloir s’en débarrasser ?

La renouée malgré ses grandes qualités possède de sacrés inconvénients qui peuvent la faire paraître horrible voire monstrueuse. Oui, elle est invasive et ce n’est pas peu dire.

Outre sa propension à coloniser rapidement à peu près tous les biomes, elle emmène avec elle son cortège néfaste.

• Plus grande et plus rapide

Elle pousse vite et fort, écrasant de sa supériorité en termes de masse et de hauteur les plantes natives. Ces dernières se retrouvent sous la vaste canopée de la renouée qui absorbe à elle seule tout le bénéfice du soleil. La photosynthèse essentielle, vitale, ne se réalisant plus qu’à un rythme très ralenti, les autres dépérissent.

Puissante renouée - Le blog du hérisson
Puissante renouée ©wisknotweed.com

• Toxique pour la concurrence

De plus, histoire d’être seule sur place, la renouée du Japon libère par son système racinaire des molécules toxiques, des dérivés phénoliques. Ces derniers seront absorbés par les rhizomes des plantes voisines qui se nécroseront.

• Elle œuvre en duo pour conquérir

À cela, on peut rajouter qu’elle ne vient pas seule. Elle est depuis son importation accompagnée de Lasius Neglectus, une fourmi d’Asie mineure qui se délecte de son nectaire produit à la base des feuilles. Et cette dernière apparaît comme la renouée : agressive, compétitive et ne supporte pas la présence des autres. Ces deux là, combinées, sont un danger pour tout un biome, déstabilisant faune et flore locale afin d’imposer leur propre environnement.

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Lasius neglectus

Comment se débarrasser de la renouée du Japon

Quand la prolifération effrénée de la renouée est à juguler, les procédés demeurent variées, difficiles et rarement efficaces tant l’adversaire reste coriace.

L’enracinement doit être anticipé et il faut évaluer à quel niveau elle s’est propagée ou non. Désormais, on la connaît mieux. Voici quelques méthodes déjà appliquées contre la renouée actuellement.

Arrachage mécanique sur berge - Le blog du hérisson
Arrachage mécanique sur berge

Comment se débarrasser de la renouée du Japon, suivez le guide.

  • Le déterrage précoce sur les rives afin d’empêcher sa dissémination rivulaire. Il nécessite un repérage, puis retirer précautionneusement jeunes pousses et rhizomes. Ce qui reste bien plus aisé que devoir tout retourner sur un hectare. Les tests en la matière sont éloquents tout comme l’économie financière que cela représente.
  • L’éradication mécanique n’est pas la méthode la plus efficace. Elle est même souvent décrite comme un des facteurs de propagation. La fauche des tiges provoque la dispersion de la plante. Arracher tout le rhizome est fastidieux, onéreux et utopique. Cette plante d’ailleurs régénère ses tissus endommagés en quelques jours. Les débris doivent être incinérés sinon ils repartiront. Des tests et de nouvelles méthodes sont toujours en cours et évaluations.
  • Le bâchage au sol reste une technique classique très efficace mais seulement sur des petites parcelles isolées.
  • Le génie végétal est un procédé consistant à travailler sur la compétitivité des espèces indigènes. Des variétés capables de lutter contre cet adversaire redoutable sont plantées sur les zones cibles. Certaines résistent à ses toxines, d’autres sont plus grandes, grimpent sur ses bambous, l’étouffent… Il faut savoir jouer avec la nature et les cartes qu’elle donne.
  • L’éco-pâturage ovin et caprin est une option des plus appréciées, car elle limite la repousse des renouées déjà enracinées tout en nourrissant les animaux qui la trouvent bien à leur goût. De plus en plus de collectivités recourent à cette méthode surtout pour les lieux escarpés ou difficiles d’accès.
  • La lutte biologique, c’est à dire retrouver un prédateur naturel est en cours d’étude et pour le moment rien n’est concluant.
  • L’usage de produits chimiques, ou phytosanitaires est très compliqué, voire impossible, de par la législation en France qui l’interdit formellement à moins de 5m d’un cours d’eau.
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Bachage

La renouée est-elle comestible ?

Une autre façon de se débarrasser de la renouée : c’est de la déguster !

Elle a de sacrés défauts certes, mais elle est comestible et a bon goût ! Une petite saveur acidulée de rhubarbe de par sa teneur en acide oxalique.

Évidemment, sa nature de plante métallophyte fait qu’il vaudra mieux faire attention où vous la cueillerez. Ne prenez que les jeunes pousses et non les racines qui accumulent les éléments toxiques ingérés par ladite plante. Choisissez uniquement celles qui ne sont pas encore développées avec des feuilles.

Les espèces invasives telles la renouée du Japon ont cela de bien que la récolte sera toujours abondante.

Comment la découvrir dans son assiette. Voici quelques savoureuses idées.

  • Vous pouvez la préparer tel un fruit, la découper en morceaux après l’avoir épluché. Mais aussi la presser pour en obtenir un jus très goûteux.
  • Vous pouvez également les faire bouillir, cuisinées comme des asperges. Elles perdront de leur croquant, mais gagneront en moelleux, voire fondant. L’acidité en sera d’ailleurs amoindrie.
  • Une tarte à la renouée est succulente et elle se concocte de la même manière qu’avec de la rhubarbe.
  • En sorbet avec un peu de gingembre, un délice.
  • Les folioles de renouées peuvent aussi servir telles des feuilles de vignes pour envelopper des farces comme les dolmades grecques.
  • Et en confiture bien entendu.

Attention toutefois : en raison de sa haute teneur en acide oxalique, les personnes souffrantes d’arthrite ou de calcul rénaux ne doivent pas en abuser.

Tarte à la Renouée issue - Le blog du hérisson
Tarte à la Renouée issue ©cueilleurs-sauvages.ch

Une plante qui ne laisse personne indifférent

Comme nous l’avons vu, la renouée du Japon ou Fallopia Japonica est loin d’être une plante ordinaire. Elle est dotée d’une génétique hors du commun. Une étude d’ampleur européenne et américaine a démontré que les renouées de nos deux continents sont vraisemblablement un seul et même clone. Et sans doute le plus grand de la planète.

Bien sûr, elle demeure invasive, elle perturbe les biotopes existants et écrase la flore et la faune native. Mais elle reste un atout pour nos abeilles, elle est comestible, elle dépollue nos sols et friches industrielles.

Elle fait dorénavant partie intégrante de notre paysage, de nos plantes européennes. Elle ne sera pas délogée, c’est utopique. Il faudra faire avec. Alors autant bien la connaître et reconnaître aussi tous ses bienfaits comme on l’accuse de tous ses travers.

Et si vous ne pouvez toujours pas la supporter… Mangez-là !

Nicolas Seguineau

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Renouée sur berge

4 réflexions sur “Voici pourquoi la renouée du Japon est unique

  • Bonjour,
    Vous parlez de son acide oxalique, et cela lui donne un autre avantage : à savoir la possibilité de mordancer les fibres avant teinture végétale. Ainsi on évite d’utiliser de l’alun. De plus la renouée a des propriétés tinctoriales.
    Merci pour votre article. Ce serait une idée de proposer de la consommer aux habitants ( hommes comme bétail) !

    Répondre
  • Je ne suis pas sûr de comprendre pourquoi vous dites qu’elle dépollue. Une fois la plante morte les métaux lourds sont rendus à la terre, à moins que la plante soit évacuée vers une décharge prévue pour les métaux lourds, ce qui n’est majoritairement pas fait je pense. Peut être pourrait on même dire que la plante contribue à faire remonter à la surface les métaux lourds qui étaient enfouis.
    Mais sinon j’ai une question. Est il possible de simplement plier les tiges de renouée à la base à chaque repousse pour s’en débarrasser avec le temps, ou bien est ce que cela peut quand même contribuer à la propagation de ses fragments ?

    Répondre

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