Environnement

Empreinte environnementale des médicaments

La France est le second plus gros consommateur de médicaments en Europe. L’absorption de comprimés ou de toute autre forme galénique agit sur nos écosystèmes. En effet, de nombreuses études prouvent l’existence de substances chimiques dans les eaux usées. Comment pouvons-nous diminuer l’empreinte environnementale des médicaments ?

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De la fabrication du médicament à son excrétion

De la recherche des principes actifs (substances qui confèrent les propriétés thérapeutiques) à sa mise sur le marché, analysons ensemble le cycle de vie d’un médicament. Notre environnement subit depuis plusieurs décennies un stress anthropique (dû aux activités humaines) résultant en partie de l’excrétion des principes actifs métabolisés. En combinaison avec d’autres méthodologies, plusieurs analyses concluent que certains résidus pharmaceutiques ne sont pas filtrés par les stations d’épuration classiques.

► Un parcours aux quatre coins du globe

De sa conception à sa fabrication, de sa production à sa distribution, le parcours du médicament emprunte des chemins aux quatre coins du globe. Les principales industries productrices des substances actives sont basées en Chine et en Inde. Parfois, les matières premières sont transportées puis conditionnées dans un pays tiers. Malgré la dénonciation par l’Académie de Pharmacie de ce cycle de commercialisation, l’industrie pharmaceutique européenne reste dépendante des fournisseurs asiatiques comme la Chine. Un exemple flagrant a été vécu après l’arrêt de l’activité des zones industrielles de Pékin, en 2017, où s’ensuivit une pénurie d’Augmentin®.

La solution de long-terme pour éviter les pénuries dans nos pharmacies, c’est bien de retrouver des usines. Et c’est ce que nous sommes en train de faire pour de très nombreux médicaments. tweet d’Emmanuel Macron.

Les annonces d’Emmanuel Macron de 2023, portant sur la production pharmaceutique par la seraient favorables. Ces perspectives amélioreraient les ruptures d’approvisionnement, l’économie de la santé et l’empreinte écologique. En France, l’industrie pharmaceutique produirait 49 millions de tonnes équivalent CO2 et l’empreinte carbone serait en augmentation de 8 %.

► Devenir du médicament après son administration

Conçus pour être actifs et résistants, les composés actifs traversent plusieurs étapes dans l’organisme. Elles varient en fonction de la voie utilisée : orale, intraveineuse, dermique, rectale, etc. Prenons l’exemple d’un comprimé et de son devenir qui passe par quatre phases :

  • une absorption (passage à travers les membranes biologiques) ;
  • une distribution (liaison aux protéines plasmatiques) ;
  • une métabolisation (transformation par le système enzymatique) ;
  • une élimination (excrétion de l’organisme par l’urine ou les selles).

La dernière phase concerne entre 30 et 90 % des principes actifs. En 2019, l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) émet un rapport révélant que 10 % des produits pharmaceutiques représentent un risque pour l’environnement.

Les étapes de la fabrication du médicament à son excrétion dans l’environnement sont difficiles à quantifier. Il existe cependant des organismes privés ou publics qui fournissent quelques chiffres clés.

► Les chiffres clés de la consommation médicamenteuse en France

En moins de trente ans, le marché pharmaceutique et le chiffre d’affaires des officines ont été multipliés par trois. La consommation médicamenteuse en France c’est :

  • 44 % des Français qui sont concernés.
  • une consommation totale qui atteint les 37,8 milliards d’euros en 2017.
  • un gaspillage de 71 mille tonnes d’emballages en 2022.

Les trois grandes catégories de substances chimiques impliquées sont :

  • les antibiotiques (augmentation de leur prescription) ;
  • les anxiolytiques et les antidépresseurs (13,4 % de la population a consommé au moins une fois une benzodiazépine) ;
  • les antalgiques (amélioration de la prise en charge de la douleur).

De 2016 à 2022, la tonne collectées par année est en diminution. Cette tendance s’explique par :

  • une meilleure communication de Cyclamed (organisme de récupération et de tri des déchets pharmaceutiques) ;
  • le rôle des professionnels de santé dans la sensibilisation au tri des déchets ;
  • les français qui deviennent de plus en plus éco responsables.
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Trois exemples de micropolluants médicamenteux

L’impact des micropolluants sur la biocénose, c’est-à-dire l’ensemble des êtres vivants d’un espace écologique donné, est bien réel. Les molécules se dégradent en métabolites qui se combinent souvent avec d’autres substances. Notre environnement endure une cascade de réactions chimiques difficilement quantifiable sur le long terme.

Néanmoins, notre connaissance s’est améliorée grâce :

  • à l’exploration du milieu aquatique ;
  • à l’analyse des eaux ;
  • au développement des techniques analytiques.

De plus, les stations d’épuration ne sont pas équipées pour filtrer ces micropolluants. Une dose de l’ordre du nanogramme par litre est suffisante pour intoxiquer la flore et la faune aquatique, impactant ainsi toute la chaîne alimentaire.

La plupart des études ont porté sur les carbamazépines, le diclofénac, le paracétamol, l’irbésartan et le naproxène. Elles ont toutes démontré un effet génotoxique sur les mollusques. Les hormones, les antalgiques, les antibiotiques, les anticancéreux ou les antidépresseurs qui ont un fort indice de solubilité sont les plus à risque.

Découvrons trois exemples de micro-pollution.

► La néphrotoxicité chez les vautours

Le vautour est une espèce de charognard qui joue un rôle majeur au sein de la chaîne alimentaire. Leur système digestif digère les microorganismes présents dans les cadavres, contribuant ainsi au nettoyage de l’environnement. Le diclofénac, un anti-inflammatoire non stéroïdien, a été massivement utilisé sur le bétail en Inde dans les années 90. En Inde, la carcasse de la vache est laissée à l’abandon car cet animal est sacré. Une concentration de diclofénac aussi faible que 1 % aurait suffi à décimer 60 % de la population des vautours. Cette extinction a entraîné une pullulation de chiens errants et de rats vecteurs de maladies causant  la mort de milliers de personnes.

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► La pollution des cours d’eau

Les pilules contraceptives rejetées dans les cours d’eau agissent comme des perturbateurs endocriniens et peuvent féminiser les poissons. En 2014, une étude menée sur la côte basque a  révélé que 20 % des mulets mâles à grosse lèvre présentent des caractères féminins lorsqu’ils sont exposés aux hormones. À Montréal, le fleuve Saint-Laurent est contaminé par des résidus pharmaceutiques évacués par les urines. Seule l’ozonation semble être une méthode efficace pour détruire les bactéries, métaux et antibiotiques dans les stations d’épuration.

► La résistance aux antibiotiques

La découverte et l’usage des antibiotiques ont été une révolution, permettant l’allongement de la durée de vie. Cependant, il n’est pas rare que certaines bactéries, souvent d’origine fécale, deviennent multirésistantes. Cette résistance est causée par l’excrétion dans les selles de résidus d’antibiotiques. L’impact environnemental de cette famille chimique devient un enjeu de santé publique international.

Quelques solutions pour préserver l’environnement

Il est possible de mettre en œuvre des solutions pour préserver l’environnement. Elles sont nombreuses, bien que la liste présentée ne soit pas exhaustive.

► Mieux vaut prévenir que guérir

Prévenir l’apparition des maladies passe avant tout par une bonne hygiène de vie. Pratiquer une activité physique régulièrement, veiller à éviter certains aliments… Toutes ces pratiques se font indépendamment de l’âge. La Suisse, pays à l’avant-garde dans le domaine médical, privilégie parfois des alternatives non médicamenteuses. Sans pour autant céder aux théories complotistes et anti-biomédecine, il est évident que la médecine dite « non conventionnelle » aboutit à des résultats thérapeutiques intéressants. La phytothérapie, l’homéopathie, la médecine traditionnelle chinoise, l’hypnose médicale et la micronutrition sont des solutions alternatives aux thérapies conventionnelles.

► Les conseils de Cyclamed

Cyclamed est un organisme de collecte et de tri des déchets pharmaceutiques. Deux types de poubelles sont mises à disposition des pharmacies. L’une pour la récupération des médicaments non utilisés (MNU), l’autre pour la récolte des produits souillés par le sang. Voici les conseils pour le tri des MNU ou périmés par Cyclamed :

  • Faites le tri de votre armoire à pharmacie.
  • Séparez les notices et les emballages.
  • Ne rapportez pas tous les produits.
  • Ne mettez pas les seringues avec les MNU.
  • Rapportez les MNU en pharmacie.
  • Protégez l’environnement et la santé publique.
  • Valorisez les MNU dans les Unités de Valorisation Énergétique (UVE).

Les UVE sont des systèmes d’incinération industrielle qui aboutissent à une gestion écoresponsable. Les polluants, les germes, les agents pathogènes sont éliminés à haute température en toute sécurité. L’énergie produite par ce processus est utilisée par le service public pour l’alimentation électrique.

► Comment prendre en charge les déchets pharmaceutiques

Le retour des périmés et leur tri est une étape clé pour préserver l’environnement. Il est également nécessaire d’améliorer les systèmes d’épuration qui ne permettent pas de filtrer la totalité des résidus. Malheureusement, cette pollution insidieuse est double et difficile à contrôler. Elle s’effectue en aval comme en amont du consommateur. Les industries pharmaceutiques ont également un rôle à jouer pour une utilisation plus efficace de l’eau et de l’énergie.

👉 Rapportez vos MNU ou périmés à la pharmacie pour agir de manière écoresponsable.

En outre, l’OCDE propose un certains nombres de mesures pour une meilleure prise en charge des déchets pharmaceutiques :

 

  • la mise en place d’un label sur les boîtes pour indiquer au consommateur le niveau de toxicité environnementale ;
  • la vente à l’unité ;
  • la mise en place d’un traitement des effluents dans certaines zones à risque comme les  Établissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) ;
  • l’élaboration d’une stratégie globale par la commission européenne.
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Face à l’empreinte environnementale des médicaments, de nombreux leviers existent. Tous les professionnels de santé ont un rôle à jouer dans l’éducation de leurs patients. Changer les pratiques de prescription et de délivrance, réfléchir à un système de soin européen qualitatif, faire la promotion de l’approche « One Health », toutes ces mesures prendront du temps car les produits pharmaceutiques restent et resteront sous étroite surveillance.

Cyrille Magnac

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