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Nos langues françaises, recueil engagé

À l’occasion de l’ouverture de la Cité internationale de la langue française au Château de Villers-Cotterêts, Leïla Slimani a invité douze personnalités à témoigner de leur rapport personnel au français dans “Nos langues françaises”, recueil engagé.

Nos langues françaises, recueil engagé - Le blog du hérisson
©Éditions du Patrimoine / Centre des monuments nationaux, Paris 2022 et Institut Français NL

Leïla Slimani : une francophonie engagée

Leïla Slimani, écrivaine et journaliste née à Rabat, a reçu le Prix Goncourt pour son roman “Chanson Douce” en 2016. Depuis novembre 2017, elle est nommée représentante personnelle du chef de l’Etat au Conseil permanent de la Francophonie. Celui-ci s’occupe du Sommet bisannuel de la Francophonie. La XIX° édition a lieu les 4 et 5 octobre 2024 au Château de Villers-Cotterêts.

L’écrivaine n’hésite pas à briser les tabous autour des sujets polémiques et d’actualité en France et au Maroc comme l’amour, le corps féminin, le sexe et le colonialisme. Saluée par les associations LGBTQIA+ marocaines, elle critique la pénalisation de l’homosexualité et le contrôle du corps de la femme.

Son parcours linguistique a été progressif et parsemé de questionnements comme tout un chacun au Maroc. Pour l’auteur, l’éducation est un vecteur d’émancipation qui devrait être accessible à tous. Enfant, elle comprenait les décalages et les inégalités vécus par sa grand-mère quand :

elle se mettait en colère quand elle entendait ses enfants s’exprimer dans cette langue.

Leïla Slimani défend une langue sans barrière ni frontière où chacun a sa place et s’identifie. Elle ne l’envisage pas de manière isolée mais sous forme d’une francophonie multiculturelle. Dans son livre, elle regroupe des témoignages singuliers où chacun porte un amour particulier à la langue francophone.

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©Mauril

► Dai Sijie

Comme nombre d’artistes sinophones, Dai Sijie n’avait pas accès à la culture du monde pour comprendre les autres peuples. Presque personne ne pouvait l’initier à la culture francophone. Durant sa jeunesse, celle-ci était inaccessible en raison du régime politique.

Monsieur Liu a su donner le goût de la langue française à Dai Sijie et l’a tellement marqué qu’il souhaiterait le recroiser à nouveau.
À cette époque, parler autre chose que le mandarin est presque de l’ordre du secret. Les enregistrements sur des cassettes lui ont permis de garder des traces de leur rencontre. Pour rendre hommage au français, Monsieur Liu lui avait évoqué “l’esprit de la France”.

► Angélique Kidjo

Originaire du royaume du Dahomey, Angélique Kidjo est la preuve vivante de la diversité culturelle. Comme beaucoup de binationaux, la chanteuse n’a pas toujours su utiliser à bon escient ses diverses langues.
Pour les jeunes citoyens, celle-ci est un échappatoire et un idéal exotique. Mais, ils ne sont pas confrontés à la réalité de la vie en métropole. La culture et l’histoire locales sont absentes des enseignements fondamentaux transmis puisque les manuels scolaires proviennent de France.

En raison de la situation dans son pays, la chanteuse s’exile en France pour continuer sa carrière à l’international. Une fois sur place à Paris, elle prend conscience de la notion de liberté même si l’égalité et la fraternité sont absentes de sa vie. Qui n’a jamais vécu la dictature, ne pourra pas comprendre ce qu’elle a vécu. Malgré les difficultés rencontrées, il s’avère pour elle qu’habiter en France est plaisant.

Elle trouve en France l’occasion de croiser sa culture africaine avec celle de son nouveau pays et se construit progressivement une nouvelle identité qu’elle exprime en musique.

► Alexandre Duval-Stalla

Aujourd’hui avocat et enseignant à Sciences Po Paris, Alexandre Duval-Stalla témoigne des bienfaits que les ouvrages lui ont apportés en prison. Il découvre et se fascine pas à pas pour les livres d’images et de mots. Il s’identifie aux personnages avec lesquels il aurait aimé échanger. Chaque livre lui a permis de s’émanciper et de voyager vers d’autres contrées. Il comprend le rôle primordial que ceux-ci jouent dans notre vie. Ainsi :

les mots des autres [l’avaient] instruit et éduqué.

Les livres lui ont appris à mieux se connaître. Ainsi, lorsqu’il était à la barre devant les juges,  tous les mots qu’il avait appris lui ont permis d’être au même niveau de langage.
Il est le président-fondateur de l’association Lire pour en sortir qui a pour but de réinsérer les détenus par la lecture et l’écriture.

► André Markowicz

Le traducteur et poète André Markowicz s’est adapté au russe puis au français. Pour lui, chaque langue est unique et se complète. Il reconnaît des sonorités, une élocution et un rythme singuliers. A travers les échanges, il observe l’évolution linguistique. Le russe lui donne accès à davantage de possibilités de langage. Pour lui, la traduction est importante.

Il considère la langue dans son entièreté, sous toutes ses formes. Elle a ses particularités et sa manière de fonctionner.

A travers son expérience, il observe que selon chaque situation, le registre employé montre la personnalité voire la classe sociale. Une langue n’est pas figée.

Elle est une terre d’accueil.

► Beata Umubyeyi Mairesse

Née au Rwanda, Beta Umubyeyi Mairesse est écrivaine. Son premier roman “Tous tes enfants dispersés de 2019 remporte le Prix des cinq continents de la francophonie en 2020. Son rapport à l’apprentissage linguistique est très ouvert sur le monde.

En effet, elle a appris le français avec les Belges et l’anglais avec les Canadiens.

Ses rencontres internationales pendant son enfance lui ont permis de s’adapter plus facilement à d’autres façons de communiquer.

Durant le génocide, Beata Umubyeyi Mairesse renonce au kinyarwana, sa langue maternelle ce qui l’arrache à ses racines. Durant sa jeunesse, il lui était difficile d’être elle-même sans être catégorisée en France comme au Rwanda.

Son parcours l’amène tout naturellement à

lutter contre les fléaux sanitaires et sociaux du moment, le sida et la grande précarité, aux quatre coins des mondes francophones…

Elle prend conscience qu’il y a une distinction entre “littérature française, produite par des auteurs “vraiment français et une littérature francophone, produite par les autres, bien que ça soit dans la même langue. C’est son identité : mi-francophone, mi-rwandaise !

► Fawzia Zouari

D’origine tunisienne, l’écrivaine et essayiste Fawzia Zouari est présidente du Parlement des écrivaines francophones. Petite, elle ne pensait pas qu’elle partirait en France. Les mœurs et la religion de l’époque l’avaient enfermée dans les traditions.

Dans [son] village, il n’y avait que les cigognes qui s’en allaient l’été, et c’était une infamie […] recouverts de la suie de mondes sacrilèges.

Dès son arrivée en France, elle adopte son propre style sans

souffrir éternellement la comparaison avec le Livre des Livres, tel qu’on appelle le Coran.

Dans le recueil engagé Nos langues françaises, les témoignages marquants nous initient à la diversité francophone où la langue est toujours en mouvement. Elle favorise l’ouverture culturelle, le lien social et la tolérance.

Justine Brulez

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