Nos ressources sont-elles inépuisables ?
La population mondiale ne cesse d’augmenter. La qualité de vie s’améliore. Mais nos besoins croissent plus rapidement encore, et nous consommons toujours plus d’énergie. Elle sert à nous chauffer, à nous éclairer, et à nous habiller. Elle est nécessaire à notre subsistance et à notre travail, et elle alimente nos loisirs. Avez-vous déjà réfléchi à tout ce qui est mis en œuvre pour la fabrication d’un t-shirt ou d’un ordinateur : l’extraction, l’exploitation et la fabrication des matériaux ? L’assemblage, le transport, le stockage… et même l’énergie humaine ? Il n’y a pas que les industries qui consomment : nous sommes tous dévoreurs de ressources. Tout irait bien si notre planète avait de quoi assurer cette façon de vivre, mais elle ne peut pas. Depuis 1970, l’impact écologique que nous avons sur la planète dépasse ses capacités. Et cet écart ne fait qu’augmenter. Il y a beaucoup à dire sur la façon dont l’espèce humaine exploite son habitat, cet article se concentre donc sur une seule question : nos ressources sont-elles inépuisables, et quelles peuvent être les conséquences de notre surconsommation sur notre avenir ? Après un tour d’horizon des principales sources d’énergie dont nous disposons, je vous propose de découvrir les 3 courants qui se démarquent dans leur appréhension de notre futur.
L’eau
Elle est nécessaire à notre survie, à notre industrie et à notre agriculture. Si elle est considérée comme une ressource renouvelable, à l’instar des terres cultivables, des animaux et des plantes, c’est dans la mesure où on ne la prélève pas plus qu’elle ne se régénère.
• L’eau a-t-elle encore le temps de se renouveler ?
Jugez par vous-même :
- de plus en plus de pays sont en stress hydrique, c’est-à-dire que leurs prélèvements en eau dépassent leurs ressources ;
- on creuse de plus en plus profond pour trouver les nappes phréatiques, ce qui, en plus, augmente le coût en énergie de l’eau et nuit à sa qualité. Exemple au Yémen, où il faut parfois creuser 1 km, alors qu’il suffisait de quelques mètres, il y a seulement 50 ans ;
- La pénurie en eau menace désormais 17 pays. C’est-à-dire que leur consommation dépasse leurs ressources ;
- les glaciers sont une source vitale pour beaucoup, et leur perte en masse rapide de ces dernières années inquiète, et cause déjà des conflits.
Ces faits alarmants font les gros titres de temps en temps, mais on les oublie rapidement. En tout cas, ils montrent que non, les ressources en eau de la Terre n’ont plus le temps de se régénérer car on continue à les épuiser. Que se passera-t-il quand ces populations souffriront trop des pénuries, et chercheront des terres plus accueillantes ? Les pays développés, ou hors de danger de stress hydrique, sont-ils à l’abri de tout risque de manque ?
• Une ressource dépendante des autres
Quand on regarde notre pays et ses voisins, on se dit que tout va bien. Nous avons l’eau potable, nos industries et notre agriculture n’en manquent pas, et nous l’utilisons pour nous fournir de l’électricité. Le problème est ailleurs : il est dans notre dépendance aux autres énergies. En effet, notre accès à l’eau dépend de notre exploitation des autres ressources, car nous en avons besoin pour la prélever et la transporter. C’est un cercle vicieux. Notre situation est donc enviable, mais pas pérenne si d’autres éléments venaient à manquer.
Les énergies fossiles : pétrole, charbon et gaz
On l’oublie souvent, tant nous sommes habitués à en profiter, mais ces ressources ne sont pas renouvelables. Nous en possédons un stock, il est limité, et quand il sera épuisé, nous n’en aurons plus. Les réserves sont connues et chiffrées, et les découvertes de nouveaux gisements sont de plus en plus rares. Pourtant, nous n’avons pas décidé de raisonner notre exploitation des énergies fossiles, au contraire, nous nous efforçons de les épuiser le plus vite possible. En effet, avec la nette progression de notre niveau de vie, nos besoins en énergie ne cessent d’augmenter :
- la consommation mondiale de pétrole est en constante augmentation, pourtant la plupart des pays producteurs ont dépassé leur pic, c’est-à-dire qu’ils ne pourront plus produire autant. La question est désormais de savoir à quel rythme la production baissera ;
- si la consommation de charbon diminue dans les pays de l’OCDE, elle augmente dans les pays émergents, la Chine en tête. Nos réserves mondiales sont encore conséquentes (132 ans, si le rythme de prélèvement reste le même), mais l’exploitation du charbon est extrêmement polluante, et il est souhaitable qu’on la ralentisse très rapidement ;
2018 avait été une année record pour la consommation mondiale de gaz naturel, pourtant, 2019 l’a battue à plate couture. Si nous maintenons notre rythme de production (et là encore nous savons que ce sera difficilement le cas, car la demande ne va faire qu’augmenter), il nous faudra une centaine d’années avant d’avoir exploité toutes les réserves connues.
Le nucléaire
Sujet extrêmement sensible. C’est devenu un cheval de bataille écologique, et en débattre relève plus souvent de l’émotionnel que du factuel. Une chose est sûre, nous dépendons du nucléaire, et nous n’avons aucune idée de comment le remplacer efficacement. En France, il représentait 72 % de notre production électrique en 2018. Mondialement, sa consommation augmente (en Chine et au Japon), ou se stabilise. Le nucléaire n’est pas une énergie renouvelable puisqu’il dépend de l’uranium, dont nous possédons un stock limité, au même titre que le charbon. La recherche travaille toutefois sur un moyen de se passer de ce combustible : c’est la fusion nucléaire. Elle nous promet une énergie illimitée et non-polluante. La construction du cœur du premier réacteur a commencé cet été, elle devrait prendre 5 ans. Elle sera suivie par une dizaine d’années d’études avant de pouvoir enfin produire de l’électricité.
Il est évident que se fournir en énergie par un autre moyen que le nucléaire est souhaitable, pour toutes les raisons que l’on connaît. Il faut cependant accepter que pour l’instant, nous n’avons pas d’alternatives aussi efficaces et peu polluantes. Nous allons devoir vivre avec encore quelque temps, sans pour autant diminuer nos efforts pour le remplacer à moyen ou long terme.
Les énergies renouvelables : la solution au problème ?
Comment ne pas être emballé par l’idée des énergies renouvelables, mais qu’en est-il vraiment ? Peuvent-elles réellement remplacer nos sources d’énergies actuelles ? Pourront-elles compenser les pénuries à venir ?
Une première bonne nouvelle : leur part dans la production d’énergie mondiale est en augmentation. Il faut bien évidemment nuancer cette information, car d’une part, elles n’étaient pas exploitées il y a encore quelques années, d’autre part, elles en sont encore au stade du néant dans certaines régions du monde (Moyen-Orient et CIS, notamment). En France, les énergies renouvelables sont respectivement le bois (39,6 %), l’hydraulique (16,7 %), les biocarburants (10,2 %), les pompes à chaleur (8,9 %), l’éolien (8,2 %), le biogaz (3,5 %) et le photovoltaïque (3,2 %). Toutes ces ressources représentent 16,3 % de notre consommation totale. Je me pose donc 3 questions :
- Peut-on espérer augmenter considérablement cette part ? En a-t-on les moyens (forêts, cours d’eau, soleil, vent, etc.) ?
- Quel serait le coût de l’exploitation et du stockage de l’énergie récoltée grâce à ces ressources ?
- Que devons-nous sacrifier, ou modifier dans notre façon de vivre pour parvenir à une énergie 100 % renouvelable ?
• Une stratégie nationale : la SNBC
En France, nos derniers gouvernements ont tous affirmé être conscients qu’un changement s’imposait. Leur motivation est écologique, et leur but est la baisse de nos émissions de gaz carbonique. En avril dernier, nous avons adopté une stratégie nationale : la SNBC qui vise notre neutralité carbone en 2050, avec des objectifs à court et moyen termes. Ce qui signifie qu’à cette date, nous devrions pouvoir compenser nos émissions de gaz à effets de serre (les GES). Comment ? Plusieurs axes d’action sont prévus : utiliser toujours plus les énergies renouvelables (production d’électricité, industrie, agriculture), améliorer l’isolation des bâtiments, mettre en place une meilleure gestion des forêts, encourager les transports en commun, améliorer le fret, et réduire les déchets. Ce projet passe aussi par l’encouragement de chacun, administration, industrie, agriculture et particuliers, à consommer l’énergie plus raisonnablement. Si une telle initiative est salutaire, je n’ai pas trouvé le moindre début de réponse à mes questions dans cette stratégie : elle donne les chiffres, indique qu’il faut passer aux énergies renouvelables et faire des efforts en termes de consommation, mais elle ne donne aucun plan concret pour compenser la perte des ressources énergétiques que sont le gaz, le pétrole, et même le nucléaire.
• Un feu de paille ?
Si on en croit les calculs de Jean-Marc Jancovici, auteur et fondateur de Carbone 4, il faudrait que nous augmentions de 80 % notre exploitation en énergies renouvelables pour ne serait-ce que compenser une baisse de 2 % de notre consommation en pétrole. Il se base sur les chiffres de la consommation mondiale en énergie que vous pouvez notamment trouver sur le site de BP. Doit-on en conclure que la SNBC n’a aucune chance de succès ? Ou que nous allons devoir radicalement revoir notre façon de vivre ? Et qu’en est-il des autres pays ? Il me semble délicat d’expliquer à des peuples qui commencent à goûter à un meilleur confort de vie qu’ils vont devoir faire un effort pour l’avenir des futures générations ; ou de raisonner des pays comme les États-Unis, dont le président tonnait en 1992 que le niveau de vie des Américains était non négociable. Pourtant, force nous est de constater qu’utiliser uniquement des énergies renouvelables devra passer par une modification sans précédent de notre mode de vie moderne. Nous devrons en effet mettre en place leur exploitation, leur production, leur transport, et leur consommation de façon raisonnée. Ce qui implique de ne plus dévorer l’énergie comme nous le faisons actuellement.
Vous êtes conscient que notre planète ne peut nous offrir que les ressources dont elle dispose. Vous comprenez que nous sommes en train de les épuiser sans réellement penser au lendemain. Alors, que faire ? 3 courants majeurs proposent leurs solutions.
1 – Avoir foi en la science et la technologie
C’est le discours choisi par nombre de nos élus, mais aussi par certains hommes de science : il n’y a pas d’inquiétude à avoir, nous trouverons une solution. D’un côté, vous avez ceux qui voient en la conquête spatiale un eldorado (allons épuiser les ressources d’une autre planète !) ou une rédemption (construisons ailleurs un monde meilleur). De l’autre, ceux qui pensent que nos scientifiques découvriront une source d’énergie miracle. Ces idées sont séduisantes, et nous sommes encouragés à y souscrire grâce aux nombreux supports qui les traitent. Livres, films et séries TV sont gourmands du sujet. Ils ne cessent d’imaginer des scénarios autour de cette idée d’un monde où la science et la technologie règneront pour nous offrir une vie facile. Est-ce réaliste ? N’est-ce pas avoir foi en un dogme qui nous a conduit à notre situation actuelle ?
2 – Faire le choix de la transition : transition énergétique et transition globale
En 1972, avec Les Limites de la Croissance, Dennis Meadows et son équipe du MIT tentent de lancer l’alerte. Cet ouvrage est le rapport d’une longue étude qui utilise un algorithme pour comprendre comment notre monde peut évoluer. Il prend en compte des paramètres tels que nos ressources énergétiques, notre consommation, notre croissance, etc. Il conclut que la croissance perpétuelle n’est pas viable et ne peut conduire qu’à un effondrement de notre société. Depuis, il a été traduit dans plusieurs langues, mis à jour, et a fait l’objet de nombreuses conférences et de nombreux fantasmes. En 1990, le GIEC, un groupe d’experts européens qui travaille sur l’évolution du climat, publie son premier rapport, et il est alarmant. Le sixième sera publié en 2021. Mais cela a-t-il concrètement changé quelque chose ?
• La transition énergétique
Les différents sommets sur le climat et la SNBC se placent dans cette mouvance : nous avons compris qu’il fallait modifier notre façon d’exploiter notre planète, et nous y travaillons. Il n’y a donc guère de prise de conscience de la fragilité de notre modèle, mais un désir affiché de vouloir quand même changer. Les plus cyniques diront que c’est inutile, trop tard ou insuffisant, d’autres y verront un pas dans le bon sens. Des rapports sont émis, des accords sont signés, et des stratégies sont mises en place. Les objectifs sont clairs : moins de GES, et un réchauffement climatique « maîtrisé ». Est-ce suffisant ?
• La transition globale
Des femmes et des hommes, ingénieurs ou scientifiques, sont devenus des lanceurs d’alerte. Ils font entendre leurs craintes grâce à des études, des articles publiés dans des grandes revues, des colloques, et même des chaînes YouTube. Pour eux, notre salut ne passe pas par une simple transition énergétique, mais par un changement global, à mettre en place dès maintenant : modifications des territoires, des modes de consommation, et des modes de vie. Certains croient encore que la prise de conscience des gouvernants est possible. La plupart savent qu’une alliance mondiale est actuellement utopique, mais ils souhaitent qu’un pays, ou une fédération (pourquoi pas l’Europe ?) comprenne les enjeux, et se lance dans une transition réelle. Ils pensent qu’en cas de succès, le reste du monde suivra. Car, évidemment, sans une transition mondiale totale, c’est-à-dire énergétique, sociale et économique, tout effort est inutile. Ces hommes et ces femmes rêvent d’un monde où on exploiterait la planète raisonnablement, et où chacun ferait un effort pour le bien collectif, conscient qu’il œuvre pour les générations futures.
3 – Accepter l’inévitable
Et enfin, il y a ceux qui abandonnent. Pessimistes ou clairvoyants (ça dépend de vous), ils savent que notre planète s’épuise, et que ça va mal finir. Ils seront peut-être même témoins des prémices de la transition qu’elle nous imposera pour sa survie. Transition qui se passera forcément dans la douleur, car nous n’y sommes pas préparés. Certains se dirigent alors vers le survivalisme : ils s’attendent à des conflits ou des catastrophes, et pensent qu’ils ne pourront compter que sur eux-mêmes. D’autres tentent la préparation locale : ils mettent en place des réseaux d’entraide, créent des communautés dans leur ville, voire aménagent des villages pour vivre entre eux. Puis il y a ceux qui décident qu’il n’y a rien à faire. Ils continuent de profiter de leur mode de vie, ou se retirent quelque part et attendent, futurs témoins de l’inévitable. Après tout, nous ne sommes que des pions sur un échiquier : la Terre a déjà connu 5 extinctions des espèces, nous ne sommes que sur la voie de la sixième.
Nos ressources sont-elles inépuisables ?
Qu’on se veuille optimiste ou pas, on ne peut que constater que non, elles ne le sont pas, mais qu’on agit encore comme si elles l’étaient. Nos gouvernants devraient se projeter dans l’avenir pour y préparer nos pays, mais ils n’y sont pas formés. On leur a appris à prévoir en termes de mandat. Comment leur faire comprendre qu’il faut travailler sur les 40 ou 100 ans à venir ? D’autant qu’ils sont humains et qu’ils ont aussi leurs convictions.
Avec des nouvelles comme l’adoption de la SNBC ou le très récent engagement de la Chine vers sa neutralité carbone, on peut toutefois se dire que leur façon de penser évolue mais on peut se demander si c’est bien suffisant. Alors quelle est la solution ? Peut-on espérer un élan international dans quelques dizaines d’années, quand la situation sera plus critique, et qu’il sera plus difficile de nier la réalité ?
Et vous, faites-vous partie du clan des optimistes ou de celui des pessimistes ? Si nos ressources ne sont pas inépuisables, essayez-vous de changer les choses à votre échelle ? Mad Max, Star Trek, The Wandering Earth, Altered Carbon… : quel est votre scénario du futur favori ?
Sidonie Rossel