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La rupture conventionnelle : le guide complet

La rupture conventionnelle offre la possibilité de rompre un contrat de travail à durée indéterminée (CDI), d’un commun accord entre l’employeur et le salarié. Elle ouvre droit à l’allocation d’assurance chômage, tout en évitant à l’employeur l’incertitude quant au bien-fondé des motifs de licenciement. Intéressante pour les deux parties, la mise en œuvre de la rupture conventionnelle exige le respect de certaines règles de procédure, détaillées étape par étape dans notre guide complet.

La rupture conventionnelle : le guide complet - Le blog du hérisson

Les cas d’exclusion de la rupture conventionnelle

La rupture conventionnelle est un mode de rupture du CDI. Elle ne peut donc pas être mise en œuvre dans les cas suivants :

  • durant un CDD (y compris un contrat de professionnalisation à durée déterminée) ;
  • dans le cadre d’un contrat de travail temporaire (intérim) ;
  • à l’occasion d’un contrat d’apprentissage.

💡 À savoir : les parties peuvent se mettre d’accord pour rompre un CDD ou un contrat d’apprentissage. Mais il ne s’agit pas d’une rupture conventionnelle. La procédure applicable n’est donc pas la même.

La rupture conventionnelle est, par ailleurs, réalisée d’un commun accord entre l’employeur et le salarié. Dès lors, le consentement de chaque partie doit être libre et éclairé : il ne peut pas être donné suite à des pressions ou menaces, et la rupture doit être acceptée en connaissance de cause.

Si ces conditions sont respectées, elle est possible, y compris durant des périodes de suspension du contrat de travail (arrêt maladie d’origine professionnelle ou non, congé de maternité, congé parental ou encore congé sabbatique).

Par ailleurs, il existe une limite au recours à la rupture conventionnelle. Elle peut, certes, être déclenchée lorsque l’entreprise fait face à des difficultés économiques la conduisant à se séparer de certains salariés. Cependant, ce dispositif ne doit pas être utilisé pour contourner les règles régissant les licenciements économiques collectifs. Cette règle est justifiée, car ces derniers offrent aux salariés des garanties spécifiques (obligation de recherche de reclassement, etc.).

Enfin, la rupture conventionnelle n’est pas envisageable dans les cas suivants :

  • durant la période d’essai ;
  • si la proposition intervient dans le cadre d’un accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ou d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ;
  • ou si la demande est formulée dans le cadre d’un accord collectif portant sur la rupture conventionnelle collective.

Le déclenchement de la procédure

La procédure de rupture conventionnelle peut être initiée par l’une ou l’autre des parties.

Aucun formalisme n’est exigé pour sa demande. L’employeur peut donc, comme le salarié, la solliciter oralement ou par écrit, y compris par un simple mail.

L’autre partie est libre de répondre, ou non, à la demande. Si elle donne son accord, l’employeur doit fixer au minimum un entretien pour discuter des conditions de la rupture.

Cette convocation peut être réalisée selon la forme de son choix. Cependant, il est fortement recommandé, pour des raisons de preuve, de convoquer le salarié par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) ou par lettre remise en main propre contre récépissé. Ainsi, l’employeur peut attester avoir effectivement invité son salarié à négocier la rupture conventionnelle.

Le déroulement de la procédure de rupture conventionnelle

► L’entretien préalable

Au moins un entretien doit avoir lieu entre les deux parties.

Celui-ci permet de définir les conditions de la rupture, en particulier la date de fin de contrat et le montant de l’indemnité versée par l’employeur. Celles-ci sont indispensables pour rédiger la convention de rupture.

Lors de cet entretien (ou de ces entretiens), les parties peuvent se faire assister. Plusieurs conditions prévues par le législateur déterminent les contours de cette assistance.

Cas du salarié d’une entreprise ne disposant pas de représentants du personnel

La convocation doit indiquer au salarié sa possibilité d’être assisté lors de l’entretien :

  • soit par un autre salarié de l’entreprise ;
  • soit par un conseiller du salarié, extérieur à l’entreprise.

La convocation indique obligatoirement les coordonnées de la mairie et de l’inspection du travail, dans lesquelles le salarié peut trouver la liste des conseillers du salarié.

L’adresse de la mairie est celle du domicile du salarié s’il réside dans le même département que celui où est implanté son entreprise. Dans le cas contraire, les coordonnées à indiquer sont celles de la mairie de son lieu de travail.

L’adresse de l’inspection du travail est celle dont relève l’entreprise.

Si le salarié choisit de se faire assister, il doit en informer son employeur avant la date prévue pour l’entretien.

Cas du salarié d’une entreprise disposant de représentants du personnel

L’employeur doit préciser, dans la convocation, que le salarié peut se faire assister lors de l’entretien par un autre salarié appartenant à l’entreprise. Celui-ci peut être représentant du personnel ou non.

Là encore, le salarié doit informer son employeur qu’il a choisi de se faire assister, avant la date de l’entretien.

Cas de l’employeur dont le salarié a choisi de se faire assister

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, l’employeur peut se faire accompagner si son salarié a lui-même décidé d’être assisté. Il peut alors faire appel à l’une des personnes suivantes :

  • une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ;
  • un membre de son organisation syndicale d’employeurs ;
  • ou un autre employeur relevant de la même branche.

Dans les entreprises de 50 salariés et plus, l’employeur peut se faire accompagner par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise.

Dans tous les cas, si l’employeur décide de se faire assister, il est tenu d’en informer son salarié avant l’entretien.

Cas de l’employeur dont le salarié a choisi de ne pas se faire assister

Dès lors que le salarié a fait le choix de se présenter seul à l’entretien, l’employeur ne peut pas être assisté.

💡 À savoir : Pour l’employeur comme pour le salarié, la liste des personnes pouvant les assister lors de l’entretien est limitative. En d’autres termes, ils ne peuvent faire appel à aucune autre (par exemple un avocat).

► La signature d’une convention de rupture

La convention peut être signée lors de l’entretien ou plus tard. En effet, selon la Cour de cassation, aucun délai n’est imposé entre l’entretien et la signature de la convention (Soc., 13 mars 2024, n° 22-10.551).

Cette dernière définit les conditions de la rupture. Les mentions à y faire figurer sont :

  • l’identité des parties ;
  • la date de l’entretien (ou des entretiens) ;
  • les nom, prénom et qualité des personnes ayant éventuellement assisté les parties ;
  • le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui sera versée au salarié ;
  • la date de fin du délai de rétractation ;
  • la date de fin du contrat de travail.

La date de fin du contrat est déterminée librement par les parties, sous réserve de respecter une condition : le contrat ne peut être rompu avant le lendemain du jour de l’homologation de la convention par l’autorité administrative.

Un exemplaire de la convention, datée et signée, doit être remis à chacune des parties, sous peine de nullité de la rupture (Soc., 6 février 2013, 11-27.000).

Signature d'une convention - Le blog du hérisson

► Le délai de rétractation

L’employeur et le salarié bénéficient d’un droit de rétractation. Chacun d’eux peut donc revenir unilatéralement sur sa décision de mettre fin au contrat.

Ce droit peut être exercé durant un délai de 15 jours calendaires, qui commence à courir le lendemain de la date de signature de la convention.

Attention : lorsque le dernier jour du délai de rétractation tombe un samedi, un dimanche, un jour férié ou chômé, il est prolongé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

Pour éviter toute erreur de calcul de la durée du délai de rétractation, ainsi que de la date minimale de fin du contrat, il est possible de s’aider d’un simulateur.

Si une partie souhaite se rétracter, elle doit en informer l’autre par lettre recommandée avec avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Elle n’a aucune obligation de justifier sa décision.

💡 À savoir : les jours calendaires correspondent à la totalité des jours du calendrier de l’année civile, y compris le jour de repos hebdomadaire et les jours fériés ou chômés. Ils englobent donc les 7 jours de la semaine.

Les jours ouvrables se rapportent, quant à eux, à tous les jours de la semaine, à l’exception du jour de repos hebdomadaire (généralement le dimanche) et des jours fériés habituellement non travaillés dans l’entreprise.

► L’homologation de la convention de rupture

Si aucune des deux parties ne s’est rétractée dans le délai prévu à cet effet, la convention de rupture doit être adressée à la DDETSPP (Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations). Celle-ci décide de procéder, ou non, à son homologation.

La demande ne peut donc être effectuée qu’à partir du lendemain de la fin du délai de rétractation.

Deux hypothèses sont à distinguer.

Cas général

Dans le cas général, la demande d’homologation est réalisée par la partie la plus diligente, c’est-à-dire celle qui agit la première. Il peut donc s’agir indifféremment de l’employeur ou du salarié. Elle est effectuée via le téléservice TéléRC.

Si aucune des parties ne peut utiliser ce téléservice, il faut en informer la DDETSPP.

Il est alors possible de remplir le formulaire Cerfa n°14598 pour demander l’homologation de la rupture conventionnelle. Ce formulaire doit être transmis à la DDETSPP, de préférence par LRAR ou par lettre remise en main propre contre décharge.

L’autorité administrative dispose d’un délai de 15 jours ouvrables (et non plus calendaires !) pour vérifier la validité de la convention. Ce délai démarre à partir du lendemain de la réception de la demande. En d’autres termes, si cette dernière est envoyée par courrier recommandé, il faut prendre en compte le délai postal nécessaire avant réception du formulaire.

Si le dernier jour du délai d’homologation tombe un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est, là encore, prolongé jusqu’au 1er jour ouvrable suivant.

Il est possible que la DDETSPP ne réponde pas dans le délai de 15 jours. Dans ce cas, la convention est homologuée.

En cas de refus d’homologation, l’autorité administrative doit en indiquer les raisons.

Salarié protégé

La situation est différente en présence d’un salarié protégé, c’est-à-dire investi d’un mandat syndical ou de représentant du personnel.

Ici, on ne parle plus de demande d’homologation, mais d’autorisation de la rupture conventionnelle.

Celle-ci est adressée à l’inspecteur du travail. Le procès-verbal de la réunion du comité social et économique (CSE) lui est transmis avec la demande.

Là aussi, elle peut être effectuée à partir du lendemain de la fin du délai de rétractation.

L’objectif est de permettre à l ‘inspecteur du travail de s’assurer de l’absence de lien entre la rupture conventionnelle et le mandat du salarié protégé.

S’il ne répond pas dans un délai de 2 mois, la demande d’autorisation est considérée comme rejetée (contrairement au cas général, où le silence vaut acceptation).

Le contrat de travail ne peut être rompu qu’à partir du lendemain du jour de l’autorisation donnée par l’inspecteur du travail.

Une autre différence avec le cas général est que tout recours contre sa décision doit être présenté, non pas devant le conseil de prud’hommes, mais devant le ministre chargé du travail, dans les 2 mois suivant la décision.

La fin du contrat

► Les indemnités perçues par le salarié

Dans une rupture conventionnelle, il n’existe pas de préavis. Cela est logique car il revient aux parties de négocier la date de fin du contrat. Le salarié continue de travailler jusqu’à cette date.

Une fois le contrat rompu, il perçoit une indemnité, dénommée « indemnité spécifique de rupture conventionnelle ». Cette dernière, calculée à partir des salaires bruts, est au moins égale à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.

Pour calculer l’indemnité légale, il faut, tout d’abord, évaluer l’ancienneté du salarié à la date de rupture du contrat.

Puis son salaire de référence doit être déterminé. Celui-ci est établi en prenant en compte, selon la formule la plus avantageuse :

  • soit la moyenne mensuelle des 12 derniers mois précédant le licenciement ;
  • soit la moyenne mensuelle des 3 derniers mois.

Enfin, une fois le salaire de référence calculé :

  • Il faut le diviser par 4, et multiplier le résultat obtenu par le nombre d’années d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans.
  • Si le salarié a plus de 10 ans d’ancienneté, il faut ensuite prendre le tiers du salaire de référence et le multiplier par le nombre d’années d’ancienneté après 10 ans.

Dans l’hypothèse d’une année incomplète, l’indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.

Cela peut sembler complexe au premier abord. Mais pas tant que ça. Par exemple, pour un salaire de référence de 2 000 € et une ancienneté de 13 ans et 9 mois, cela donne : [(2 000 x 1/4) x 10] + [(2 000 x 1/3) x 3] + [(2 000 x 1/3) x (9/12)] = 7 500 €.

Il est en outre possible de s’aider d’un simulateur de calcul pour évaluer le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.

Si l’indemnité légale de licenciement est moins élevée que celle prévue par la convention collective applicable, c’est cette dernière qui doit être appliquée.

Dans tous les cas, un montant plus important que celui découlant de la loi ou de la convention collective peut être négocié.

Outre cette indemnité, le salarié a droit, comme lors de toute fin de contrat, à une indemnité compensatrice de congés payés. Cette dernière se rapporte aux congés non pris à la date de rupture du contrat.

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► Rupture conventionnelle et chômage

Lorsque la procédure de rupture conventionnelle a été menée à son terme, le contrat du salarié est rompu. L’employeur lui remet alors les documents de fin de contrat :

  • un certificat de travail ;
  • une attestation France Travail (anciennement Pôle emploi) ;
  • un reçu pour solde de tout compte ;
  • et, le cas échéant, un état récapitulatif de l’épargne salariale.

La rupture conventionnelle donne droit à l’allocation chômage. L’ancien salarié peut donc, dans les conditions de droit commun (notamment via une activité préalable suffisante), bénéficier de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE).

La contestation de la rupture conventionnelle du contrat de travail

Le conseil de prud’hommes est seul compétent pour traiter les recours concernant la convention, l’homologation ou le refus d’homologation de la rupture conventionnelle.

Pour former son recours, l’employeur ou le salarié dispose de 12 mois à compter de la date d’homologation ou de refus d’homologation de la convention de rupture.

Le conseil de prud’hommes peut annuler la rupture conventionnelle si, par exemple, une partie prouve qu’elle a subi des pressions pour la signer.

En cas d’annulation, le salarié peut percevoir les indemnités prévues en cas de licenciement injustifié (sans cause réelle et sérieuse).

Comme nous l’avons déjà indiqué, les recours concernant les salariés protégés relèvent, quant à eux, de la compétence du ministre du travail.

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La rupture conventionnelle connaît un succès grandissant depuis sa création en 2008. Utilisée plus de 500 000 fois en 2022, elle est assez aisée à mettre en œuvre, sous réserve de respecter la procédure rappelée dans notre guide complet. Il est cependant possible qu’à l’avenir, elle soit moins employée. En effet, l’accusant de peser trop lourdement sur les comptes de l’assurance chômage, le Gouvernement envisage des mesures pour en réduire le nombre.

Jean-Rémi Rozalski

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