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A la rencontre de Français établis au Canada

Je suis allée à la rencontre de Français établis au Canada depuis plusieurs années, dans le but de recueillir leurs impressions sur leur expérience d’expatriation. Le Canada est un pays qui jouit d’une excellente réputation auprès des Français en quête d’une expérience de vie à l’étranger. Les points séduisants sont nombreux : une culture anglo-saxonne, mais dans laquelle il est possible de s’exprimer en français, des paysages magnifiques et variés, composés de grands centres urbains, dynamiques, culturels, mais aussi de grands espaces naturels façon « Into the Wild », un développement économique très favorable, un taux de chômage des plus bas. Tout laisse penser que le Canada, terre d’immigration et de migrations, est un eldorado pour Français. Mais une fois réglées les formalités administratives relatives à l’obtention d’un visa, puis d’un permis de séjour, que pensent-ils, ces Français, de leur nouvelle vie ?

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Des expatriés satisfaits de leur vie professionnelle au Canada

Toutes les personnes interrogées indiquent qu’elles sont satisfaites de leur nouvelle vie. Deux points retiennent particulièrement leur attention, ils concernent la vie professionnelle : d’une part, les salaires et d’autre part, les perspectives d’évolution professionnelle.

• Des salaires attractifs et plus facilement négociables

Selon le site de la Banque Mondiale, le salaire moyen au Canada est d’environ 46 000$ CAD bruts par an. Cela représente environ 31 000 € bruts par an. Néanmoins, la négociation salariale lors d’un entretien d’embauche se base certes sur le parcours académique du candidat et son attitude lors de l’entretien, mais une part importante est également accordée aux expériences personnelles passées de celui-ci.

Miléna s’est installée à Ottawa pour étudier à l’université en 2018. Elle indique avoir obtenu un « job étudiant » dès son arrivée sur le sol canadien en tant que journaliste pour l’université, et avoir rapidement gravi les échelons. Miléna s’estime chanceuse. Selon elle, elle n’aurait probablement pas eu cette chance-là en France car « les jobs étudiants sont déjà difficiles à trouver, et si vous en avez un, il ne fait pas partie de cette catégorie d’emplois. Par exemple, vous travaillerez dans un fast-food, ou bien en tant que caissier(e) » dans un magasin. Inscrite à l’université d’Ottawa, elle a pu prétendre à des emplois étudiants au sein de l’établissement et augmenter son salaire au fil des expériences. Elle complète :

Je me fais un assez bon salaire pour mon âge. J’ai 21 ans, et j’ai réussi à avoir un poste de type 10 à l’Université d’Ottawa (leur système de rémunération). Le système pour les gens de ma catégorie commence à 6 et finit à 11.

• Les perspectives d’évolutions professionnelles

Le Canada présente un taux de chômage de 5,9 %, tandis que celui du Québec s’élève à 4,6 % en 2021. Les besoins en main d’œuvre spécialisée sont permanents. Selon Statistique Canada, le pays a connu son plus haut pic de chômage depuis 2000, à 7,8% en 2020, au plus fort de la pandémie de Covid-19.

Nos Français expatriés ont observé qu’au Canada, un recruteur porte un intérêt plus important, et une plus grande curiosité sur les expériences des candidats pour un poste, tandis qu’en France, un recruteur se concentrera essentiellement sur leurs parcours académiques. Ils évoquent tous une plus grande ouverture d’esprit des employeurs, même si Ludyne tempère :

Je noterai toutefois, la différence entre les entreprises canadiennes et québécoises. Ces dernières semblent plus « en arrière » sur différents aspects, tels que la progression professionnelle. Il y a plus de politique à faire, on va dire.

Enfin, Marie-Noëlle, établie à Toronto depuis 2017, apprécie de ne pas ressentir de barrières sociales ou de plafond de verre lors d’entretiens d’embauche ou lorsqu’il s’agit de ses perspectives d’évolution au sein de son entreprise.

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Toronto

Les congés payés et le système de santé canadien

Il y a des vertus de la vie en France que les Français ne questionnent plus, car ils paraissent évidents, normaux. Il est donc parfois nécessaire de séjourner à l’étranger pour réaliser à quel point certains acquis sociaux sont précieux. C’est le cas notamment des congés payés, et du système de santé français. La totalité des personnes interrogées ont mentionné ces deux points comme des insatisfactions importantes à leurs yeux dans leur vie d’expatriés.

• Peu de congés payés au Canada

Le Code du travail du Canada indique que « tous les employés ont droit à un congé d’au moins deux semaines par an lorsqu’ils ont terminé une année complète de service. S’ils ont travaillé sans interruption pour le même employeur pendant six années consécutives, ils ont droit à un congé annuel d’au moins trois semaines ». Le nombre de semaines de congés payés auquel peut prétendre un salarié au Canada dépend donc de la période passée au sein d’une même entreprise, mais également de l’employeur ou de la convention collective.

Certaines études menées sur les dernières années indiquent de façon édifiante que les Canadiens commencent tout juste, et progressivement, à utiliser pleinement leur droit aux congés annuels. A l’inverse, presque 30 % d’entre eux n’utilisent même pas la moitié de leurs jours de congés chaque année !

Depuis 2017, Marie-Noëlle a occupé deux postes avant de trouver celui qu’elle occupe désormais, depuis 9 mois, au sein d’une grande banque canadienne. Elle a droit à deux semaines de congés payés chaque année.

Le journaliste Raymond Desmarteau indique dans un article datant de 2018 que « dans certains cas, la progression passe à quatre semaines après 15 ans, cinq après 20 ans et six après 25 ans ! »

• Le système de santé canadien : entre « médecin de famille » et « walk-in clinic »

Tous mes interlocuteurs s’accordent à dire que le système de santé canadien est un point difficile de leur nouvelle vie. Ludyne, établie au Québec depuis 2016, avoue profiter de ses séjours en France pour prendre systématiquement des rendez-vous médicaux :

Pour dire vrai, je n’ai pas vraiment confiance dans le système de santé canadien. Je continue d’avoir certains rendez-vous en France, en tant qu’expatriée, car je sais que je serai écoutée, que les analyses seront faites, ainsi qu’un suivi, et que ma condition ne sera pas banalisée. Obtenir un rendez-vous sans médecin de famille est un parcours du combattant : il faut prendre rendez-vous la veille, par exemple. Et obtenir un médecin de famille n’est pas accessible pour les résidents temporaires (travailleurs, étudiants).

Au Canada, avoir un « médecin de famille » est synonyme d’obtenir un rendez-vous chez son médecin dans la journée. Ainsi, les personnes qui n’ont pas accès au médecin de famille peuvent se rendre aux urgences et espérer une prise en charge dans les heures suivantes, ou bien pratiquer le « walk-in clinic ». Cette pratique consiste à visiter les différentes cliniques de la ville à la recherche d’un professionnel ayant un créneau disponible pour recevoir un patient.

Les Français expatriés sont unanimes : la couverture santé nationale permet principalement d’accéder aux services des urgences gratuitement. En revanche, tout ce qui est considéré comme « moins important », ou non urgent, nécessite une assurance complémentaire, car le service sera au moins partiellement payant.

Il faut constamment penser à la manière dont on pourra financer telle ou telle chose (…). Pour boucher deux caries, j’ai dû payer de ma poche 250$ CAD, une fois l’assurance appliquée, ce qui représente quand même un reste à charge important pour quelque chose de si nécessaire. Et le prix des complémentaires n’est pas donné, regrette Miléna

Marie-Noëlle tire la même conclusion. Elle estime que le système de santé est très coûteux au Canada « surtout si tu n’es pas dans une bonne entreprise qui te propose de bons avantages. »

Les découvertes : les Canadiens, la gastronomie, le climat

Évidemment, toute expérience d’expatriation comporte son lot de découvertes. Les interactions avec la population locale donnent lieu à de multiples réflexions et aboutissent à de constructives remises en question. La gastronomie est aussi systématiquement soumise à l’étude. Le stéréotype veut qu’un Français soit plus attentif à la gastronomie lorsqu’il séjourne à l’étranger. Peut-on l’affirmer avec certitude ou est-ce l’expression d’une fierté culinaire nationale un peu trop marquée ? Quel que soit le pays d’expatriation, le goût par lequel le palais s’est formé manquera toujours un peu. Enfin, le climat canadien est évidemment un sujet qui nous est étranger en France !

• Les Canadiens sont chaleureux

Pour les Français qui s’établissent au Canada, le constat est clair : les Canadiens sont ouverts d’esprit, accueillants et chaleureux. Toutefois, cela ne signifie pas que les communautés se mélangent facilement au quotidien, car les codes de socialisation demeurent bien distincts entre les Français latins et les Nord-Américains saxons. Certains Français considèrent même que les Québécois auraient un comportement et des codes différents des Canadiens anglophones. De la même façon, même si les entreprises sont globalement plus souples qu’en France, les recrutements au Québec se font un peu plus « à la française » que dans le Canada anglophone.

Kangmi est établi à Montréal depuis plus de deux ans. Il avoue côtoyer plus de Français dans son quotidien que de Canadiens. Même discours pour Ludyne et Marie-Noëlle. C’est par ailleurs ce que l’on peut observer, ou plutôt entendre, lorsqu’on déambule dans les rues et les marchés de Montréal où les Français sont très nombreux : des groupes animés de nombreuses personnes, à l’accent… Français !

• Une gastronomie qui plaît aux Français

La gastronomie canadienne est variée. Il y a évidemment tous les produits découlant du sirop d’érable, que l’on retrouve dans les boutiques de souvenirs, mais également tout une gamme de plats à base de sirop d’érable (les fèves au lard, travers de porc, etc.), que l’on peut notamment déguster dans les fameuses cabanes à sucre canadiennes à la sortie de l’hiver, et bien d’autres mets encore. Ces plats ont parfois même une histoire lointaine remontant à la cohabitation entre les colons français et anglais débarqués au 16ème siècle, et les Indiens des Premières nations originaires de ces terres, qui ajoutaient par exemple de l’eau d’érable à leurs plats en guise d’assaisonnement. A ce titre, une bonne proportion des plats emblématiques canadiens sont des plats qui « tiennent au corps », et qui nous laisse imaginer les conditions de vie des habitants de ce territoire à une époque où le confort était rudimentaire.

Du côté de nos expatriés, Bastien affectionne particulièrement le « pouding chômeur », un gâteau créé lors de la crise de 1929, et réalisé à base d’œufs, de lait, de farine et de sucre (on peut y ajouter du sirop d’érable, évidemment) ; Caroline apprécie déguster une « queue de castor », sorte de pâtisserie de forme rectangulaire faite de pâte à beignet, et sur laquelle on fait appliquer toute sorte de garnitures sucrées ; la fameuse poutine est le plat favori de Miléna, comme de Kangmi ; pour Auriane, c’est la tourtière aux viandes qui trouve grâce à ses yeux ; Ludyne, elle, se régale avec un bon « pâté chinois » (la version canadienne du hachis parmentier, et dont les origines sont inconnues) ; quant à Marie-Noëlle, elle indique ne pas vraiment apprécier la gastronomie canadienne.

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Le pouding chômeur ®sebaroundtheworld.com

• Le climat : des extrêmes qui plaisent… ou pas !

La citation d’un auteur québécois, Robert Hollier, est devenue célèbre : « il y a deux saisons au Canada : le mois de juillet et l’hiver ! » Voilà qui en donne une drôle d’idée !

Les Canadiens raffolent de l’hiver et attendent les premières neiges chaque année avec impatience. La période automnale est ritualisée par les différents préparatifs pour affronter le froid à venir, ce qui alimente toutes les conversations : ratisser les feuilles du jardin, installer les pneus-neige, installer l’abri pour la voiture, etc. Et lorsque la neige recouvre enfin les paysages, certains parcs sont transformés en patinoires !

En 2021, on a attribué au changement climatique un certain nombre de situations extrêmes : dans l’ouest du pays, en Colombie-Britannique notamment, les habitants ont connu successivement un « dôme de chaleur » avec des températures atteignant les 48°C en fin d’été, des « rivières atmosphériques » à l’automne, et des tempêtes de neiges ou de glace en hiver… Mais ces situations demeurent exceptionnelles.

Il y a évidemment une différence de climat que l’on se situe sur la côte est, atlantique, du Canada ou sur la côte ouest, près de l’océan Pacifique. Que l’on soit capable de s’adapter facilement à ce type de changements ou non, la différence entre le climat français et le climat canadien a de quoi surprendre lorsque l’on s’y confronte pour la première fois : en été, les températures sont élevées et l’atmosphère est souvent humide ; les automnes sont magnifiques, c’est une période douce pendant laquelle les érables arborent leur plus belles couleurs ; l’hiver est rigoureux et il n’est pas rare que le thermomètre descende sous la barre des -20°C, mais cela n’empêche pas les enfants de jouer dehors pendant des heures ; enfin le printemps se passe sous le signe de la fonte des neiges…

Elsa Schang

Défilé à Victoria, Colombie-Britannique au Canada - Le blog du hérisson
Défilé, Victoria, Colombie-Britannique

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