Environnement

Continent plastique : 5 choses stupéfiantes

Dans le Pacifique Nord, le vortex de déchets plastiques, tristement surnommé « le 7e continent », s’étendrait sur plus de 1,6 million de km2. C’est plus de trois fois la taille de la France. Tragique résultat d’une consommation humaine aux lourdes conséquences pour l’environnement, cette pollution flottante est devenue un drame silencieux. Pourtant, autour du continent plastique, au moins 5 choses stupéfiantes mériteraient de faire davantage de bruit…

Continent plastique : 5 choses stupéfiantes - Le blog du hérisson

L’évolution exponentielle du vortex de déchets dans l’océan Pacifique

Le « continent poubelle » n’a rien de ce qu’on pourrait imaginer comme un bloc, unifié et flottant, composé de détritus ménagers. Ceux qui l’ont vu parlent plutôt d’une « soupe de déchets » tant cette pollution est diffuse et mouvante. Car le plastique ne se dissout pas, il se dégrade seulement, inondant les eaux de ses microparticules, ingérées par le monde marin, et pas que. Si tous ces objets polluants se sont accumulés au même endroit, en pleine mer et non sur les côtes, cela est dû à la présence des gyres océaniques. Ces courants marins qui forment de gigantesques tourbillons piègent les déchets venant de tous les horizons. Convergeant les uns vers les autres, ces courants amassent et regroupent ainsi leur récolte collective. Les principaux gyres sont situés dans l’Atlantique, le Pacifique et l’océan Indien. Évalué par les scientifiques à 80 000 tonnes de détritus en 2018, le vortex a connu depuis une évolution exponentielle, alimenté continuellement par l’afflux de déchets, provenant principalement des fleuves. Aujourd’hui, ce seraient plus de 150 millions de tonnes de plastique qui se trouveraient dans nos eaux indique le secrétaire d’État chargé de la mer et de la biodiversité. Peter Thomson, envoyé spécial des Nations unies pour les océans, explique que, sans l’espoir d’un futur accord international, il y aura autant de plastique que de poissons dans les mers d’ici à 2050.

Les chiffres alarmants de la pollution des polymères synthétiques dans le monde

« Dans le monde, l’équivalent d’un camion-poubelle de plastique par minute se retrouve dans l’océan » interpelle le mouvement Break Free From Plastic en 2020 dans le rapport « L’Atlas du plastique ». Pour mieux comprendre le désastre écologique de l’océan, il faut s’intéresser plus globalement à la production de son principal ennemi. Environ 460 millions de tonnes de plastique naissent chaque année. C’est ainsi le troisième matériau le plus fabriqué sur Terre, après le ciment et l’acier indique l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques). Le polyéthylène, qui désigne les polymères d’éthylène constituant la matière plastique la plus commune, a longtemps été considéré comme une avancée majeure. Il est devenu aujourd’hui un fléau mondial en raison de sa pollution. Et les chiffres sont alarmants. Selon le CESE (Conseil Économique Social et Environnemental), plus de 80 % des produits faits de polymères synthétiques ont une durée de vie inférieure à un an. Parmi eux, 9 % seulement sont recyclés sur la surface du globe, 20 % sont incinérés, la moitié finissent dans des décharges et 20 % se retrouvent dans la nature. Face à cela, comment agir à l’échelle individuelle ? Les gestes et habitudes de chacun peuvent contribuer à lutter contre la pollution mondiale. Il faut éviter autant que possible les emballages à usage unique, privilégier les contenants réutilisables et les produits locaux et de saison qui nécessitent moins de conditionnement, recommande l’ONU (Organisation des Nations Unies).

→ Retrouvez des idées pour limiter au quotidien l’utilisation d’emballages superflus et tenter de manger zéro déchet.

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90 % des déchets du continent plastique proviennent de 6 pays

Nous pourrions nous attendre à une contribution collective de l’ensemble des pays quant à la formation du continent plastique. Pourtant, selon une analyse, plus de 90 % des déchets proviendraient seulement de 6 pays. Un échantillon de 6 000 détritus a été analysé par des chercheurs de l’Université de Wageningen aux Pays-Bas et de l’Ocean Cleanup (organisation non gouvernementale d’ingénierie environnementale). Un tiers des débris n’étaient pas identifiables et 26 % des échantillons étaient liés aux équipements de pêche.

Au final, sur les 232 objets qui ont pu être analysés, les provenances étaient les suivantes : le Japon pour 33,6 %, la Chine avec 33,3 %, la Corée du Sud comptabilisant 9,9 %, les États-Unis pour 6,5 %, Taïwan avec 5,6 % et le Canada comptant 4,7 %.

Geo Magazine explique que :

À eux seuls, ces 6 pays représentent plus de 92 % des objets identifiables par les scientifiques (…). Les déchets du « continent poubelle » sont dix fois plus susceptibles de provenir d’activités liées à la pêche que d’activités terrestres. Les 6 pays incriminés participeraient régulièrement à des opérations de pêche massives.

Beaucoup attendent alors un texte officiel et contraignant pour venir encadrer les pays et limiter cette pollution des mers.

L’inertie collective apparente face à une catastrophe écologique qui stagne

Si tout le monde s’accorde à dire que les vortex de plastique sont un drame écologique, aucune nation n’a pour autant pris les devants pour actionner des solutions concrètes. Œuvrer pour le nettoyage des vortex existants est un travail colossal qu’aucun État ne semble vouloir porter.

Face à l’inertie collective apparente des pays, des fondations, des ONG (Organisations Non Gouvernementales) et certaines entreprises s’activent alors pour agir sur les zones déjà polluées. Sont alors déployés des systèmes innovants comme celui d’Ocean Cleanup avec un filet de 3,5 mètres de profondeur accolé à un flotteur de 600 mètres pour collecter les déchets dans l’eau. C’est une bouteille à la mer rétorqueront certains, avec des résultats jugés insignifiants au vu du poids de la catastrophe et de l’importance de l’enjeu.

Le 7e continent demeure donc là et stagne. Pour ne pas le voir grandir encore, le bon sens nous dicterait de réduire fortement les productions de plastique, de limiter drastiquement les consommations, de systématiser le recyclage et de développer des matériaux biodégradables. Pour cela, des impulsions collectives semblent essentielles. Guidées par des directives institutionnelles, elles passeraient par un changement systémique, impliquant de modifier à la fois les politiques, processus et mentalités.

Un engagement inégal des pays pour un traité mondial contre la pollution plastique

En 2022, l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement prend une décision historique : bâtir sous 2 ans, avec 193 États, un traité mondial de lutte contre la pollution plastique. Cet engagement portera sur l’ensemble du cycle de vie du matériau et amènera à un texte juridiquement contraignant d’ici à fin 2024. Selon le secrétaire d’État chargé de la mer et de la biodiversité, les objectifs seront triple. Il s’agira de « limiter la consommation et la production à des niveaux durables, de promouvoir une économie circulaire des plastiques qui protège l’environnement et la santé humaine, d’assurer une collecte et un recyclage efficaces ». Une cinquantaine de pays dont ceux de l’Union européenne, le Canada, le Royaume-Uni, le Rwanda et le Pérou souhaitent un texte résultant d’une ambition maximale.

L’un des sujets sensibles et préoccupants des négociations est essentiel : la production du plastique. Alors qu’à chaque minute, à travers le monde, près d’un million de bouteilles en polyéthylène sont vendues, réduire la fabrication n’est pourtant pas une évidence pour tous. Face à la cinquantaine de pays militant pour une baisse significative de la conception de polymère, d’autres nations comme les États-Unis ou la Chine freinent des quatre fers. Ces derniers incitent davantage à se tourner vers une intensification des moyens de recyclage, plutôt que de s’attaquer à la source du problème, la conception même du matériau. Un comportement inconcevable, pointé du doigt par Greenpeace notamment. « La production de plastique nuit chaque jour aux populations, mais les États écoutent davantage les lobbyistes de l’industrie pétrochimique que les scientifiques spécialistes de la santé » dénonce Graham Forbes, responsable de la campagne mondiale sur les plastiques à Greenpeace USA. Les moyens de recyclage doivent en effet être augmentés pour les produits en circulation. Mais comment la pollution ne se poursuivrait-elle pas sans une réduction drastique de la fabrication du principal fautif ?

Continent plastique : 5 choses stupéfiantes - Le blog du hérisson

Face à l’ampleur de la pollution des océans, les chiffres ont de quoi nous plonger dans le mal-être. Il est vrai qu’aucune solution, avec un impact significatif, ne semble exister aujourd’hui pour résorber le continent plastique et faire évoluer 5 choses stupéfiantes à son sujet. L’espoir demeure pourtant. L’espérance semble se dessiner dans le combat d’une majorité de pays. Des nations qui œuvrent pour un traité mondial historique et contraignant, conscientes que le changement doit être systémique pour stopper une empreinte humaine catastrophique. Les perspectives prennent aussi forme dans la prise de conscience collective pour l’environnement. Chaque individu, chaque entreprise, chaque institution a le devoir de s’y engager. Parce que l’effort est incontestablement collectif et qu’il passe par l’éducation et l’information. Charge sans doute à chacun d’agir et d’informer pour que, additionnés les uns aux autres, les gestes de milliards de personnes viennent durablement changer la donne.

Eve Estingoy

→ Le traité plastique, qu’est-ce que c’est ?

2 réflexions sur “Continent plastique : 5 choses stupéfiantes

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