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La bioluminescence, un phénomène brillant

Connaissez-vous le point commun entre une luciole, du plancton et des bactéries ? Ces organismes vivants ont la capacité de produire de la lumière. On appelle cela la bioluminescence. Comment fonctionne cette luminosité naturelle, et à quoi sert-elle ? Où voir des plages étincelantes ? Pourrait-on utiliser ces « lampes biologiques » dans nos villes ? J’éclaire votre lanterne. Pleins feux sur la bioluminescence, un phénomène brillant !

La bioluminescence, un phénomène brillant - Le blog du hérisson
©Trevor McKinnon

Qu’est-ce que la bioluminescence ?

• Définition et origine

La bioluminescence désigne la production et l’émission de lumière froide par des organismes vivants. Cette forme de chimiluminescence est souvent confondue avec la fluorescence. Dans ce cas, il s’agit d’absorption et réflexion immédiate de lumière reçue d’une source lumineuse extérieure.

Ce phénomène remonte à la nuit des temps. Dès l’Antiquité, des auteurs le décrivent comme une manifestation lumineuse fantastique. Ce n’est qu’en 1887 que Raphaël Dubois – médecin et pharmacien français – va faire toute la lumière sur son origine. En observant la luminescence des lucioles, il découvre que ces mouches à feu brillent grâce à un mécanisme biochimique.

• Plancton bioluminescent, poissons abyssaux… et bien d’autres espèces lumineuses

Peu d’espèces terrestres produisent et émettent de la lumière. Il y a bien sûr des insectes comme les célèbres lucioles et les lampyres – plus communément appelés vers luisants –, mais aussi certains champignons du genre Omphalotus nidiformis.

Dans l’océan, c’est une tout autre histoire ! Les fonds marins regorgent de spécimens bioluminescents. Selon un rapport scientifique publié en 2017 dans la revue Nature, 76 % des organismes qui évoluent dans la colonne d’eau (de la surface à 4 000 m de profondeur) génèrent leur propre éclairage ! Quelles sont donc ces créatures capables de telles prouesses ? En voici quelques exemples remarquables :

  • Du phytoplancton : des algues microscopiques comme les dinoflagellés Noctiluca.
  • Des spécimens planctoniques : des ostracodes (crustacés), des noix de mer Mnemiopsis leidyi (cténophores) ou des méduses du genre Atolla.
  • Des mollusques : l’escargot marin Hinea brasiliana, ou le calamar d’Hawaï Euprymna scolopes.
  • Des poissons des profondeurs : des poissons-lanternes, des poissons-pêcheurs (baudroie des abysses Melanocetus johnsonii), des dragons à écailles (poisson-dragon Stomias boa, poisson-vipère de Sloane…).
  • Des requins comme le minuscule requin-lanterne Laila Etmopterus lailae, ou le plus grand vertébré bioluminescent connu à ce jour, Dalatias licha.
  • Des bactéries symbiotiques.
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Mnemiopsis leidyi ©Stefan Siebert

Comment fonctionne cette lumière vivante ?

• Quand la luciférine rencontre la luciférase… la chimie opère !

Vous êtes-vous déjà demandé comment des organismes vivants parviennent à créer de la lumière ? Pour faire simple, c’est le résultat d’une suite de réactions chimiques entre une molécule appelée « luciférine », et une enzyme, « luciférase ». D’abord, ces 2 corps s’assemblent. Puis, sous l’effet de la luciférase et en présence d’oxygène, la luciférine s’oxyde et devient instable. On dit qu’elle est « excitée ». Enfin, quand l’oxydation est terminée, la protéine revient à son état initial en la présence d’énergie, en générant un photon. Lénergie chimique se transforme en énergie lumineuse : l’organisme s’allume !

• La lumière sous toutes ses formes

Pour briller dans l’obscurité, certaines espèces produisent leur propre éclairage, ou font appel à des bactéries qu’ils hébergent. Les scientifiques distinguent 3 types de bioluminescence :

  • Intracellulaire. Les cellules de l’organisme (les photocytes) fabriquent la lumière, puis l’émettent au travers de la peau par des organes comme des photophores.
  • Extracellulaire. La lueur est produite à l’extérieur de l’individu, dans la matière rejetée par celui-ci dans certaines situations (par exemple, un nuage lumineux).
  • D’autre part, la lumière peut être fournie par les bactéries qui vivent en symbiose avec leur hôte. En échange de leur luminescence, ce dernier les alimente en nutriments.

Le spectre lumineux des êtres bioluminescents terrestres varie du jaune au vert. Majoritairement bleue dans la mer, la lumière visible est parfois verte, voire rouge.

Dans quels buts certains organismes vivants se servent-ils de leur lumière ?

Les multiples théories issues des travaux de recherche scientifique ont permis de mettre en lumière 3 grandes fonctions de la bioluminescence. Et vous allez le voir, certaines espèces savent user de stratagèmes lumineux !

• Communiquer et se reproduire

Pour communiquer avec ses congénères, le poisson-dragon Astronesthes niger rougeoie dans le noir grâce à ses nombreux phares et son « clignotant » sous l’œil. Ainsi, il peut se repérer et se faire voir de ses semblables en toute discrétion, puisqu’il est l’un des rares poissons à apercevoir le rouge.

Quand vient la période de reproduction, les lucioles s’illuminent en rythme pour trouver le partenaire idéal. Un organe situé à l’extrémité de leur abdomen va émettre des flashes plus ou moins intenses, tel un code qui leur permettra de se reconnaître et s’accoupler. Dans l’océan, le sagre porte-feu se sert de la couleur de ses photophores placés autour de ses parties génitales pour indiquer à ses congénères sa disponibilité.

• Chasser et se nourrir

Certains organismes emploient la luminescence comme un leurre pour attirer leurs proies dans l’obscurité totale. L’experte en la matière ? L’effrayante baudroie des abysses (souvenez-vous, l’énorme poisson avec sa lanterne dans Némo). Elle utilise sa « canne à pêche » au bout de laquelle une minuscule poche – appelée l’esca – abrite des bactéries lumineuses. Trompées par la petite taille du halo, les malheureuses victimes s’approchent sans se méfier. Mais lorsqu’elles se rendent compte de la supercherie, il est déjà trop tard… Brillant, non ?

• Se camoufler et se défendre

Le calamar d’Hawaï utilise ses bactéries symbiotiques Vibrio fischeri pour se camoufler, en devenant invisible. Comment ? Les micro-organismes luminescents, présents dans les photophores de son manteau ventral, éclairent le dessous de l’animal d’autant de lumière du soleil qu’il reçoit de la surface de l’eau. Ainsi, son ombre est dissimulée lorsqu’un prédateur se trouve sous lui. On appelle ce leurre la contre-illumination.

À chacun sa technique de protection face à l’ennemi. Le phytoplancton marin émet de brefs flashes bleuâtres lorsqu’il se sent menacé par le remous des vagues et de la marée. Pour faire fuir leurs prédateurs, certaines espèces ont recours à différentes armes de dissuasion. Sur terre, les vers chemins de fer Phrixotrix hirtus allument leur tête en rouge et les « fenêtres » de leur corps en jaune, tel un petit train. Ils montrent ainsi leur toxicité. La crevette des profondeurs marines choisit d’aveugler l’ennemi en vomissant un fluide lumineux bleuté. Quant à l’ostracode, il produit un jet de lumière, à peine avalé par un poisson. Surpris, ce dernier le recrache ainsi immédiatement !

Plages, grottes, forêts : où voir les spectacles de bioluminescence les plus phénoménaux ?

• Mosquito Bay à Porto Rico, Jervis Bay en Australie ou Toyama Bay au Japon : des baies éblouissantes

Mosquito Bay – île de Vieques, Porto Rico – détient depuis 2006 le record de la baie la plus bioluminescente du monde. À la nuit tombée, la mer revêt son manteau pailleté de couleur bleu néon. Les vagues étincelantes regorgent de dinoflagellés : 700 000 dans 4,5 L d’eau selon le Guinness Book ! Chahutées par les remous, ces microalgues réagissent en émettant des flashes de 1/10 e de seconde. Pour admirer ces halos magiques, vous pourrez choisir de rester sur la rive, ou vous balader en kayak dans la baie des moustiques. Il existe divers autres hauts lieux d’observation du plancton lumineux comme Jervis Bay en Australie, San Diego aux États-Unis, ou encore l’île d’Holbox au Mexique.

Sur la plage de Vaadhoo aux Maldives, vous pourrez assister au spectacle surnaturel de crustacés microscopiques, les ostracodes. Okayama Bay au Japon, pour sa part, abonde en lucioles des mers Vargula hilgendorfii, minuscules crevettes de 3 mm. Dans la baie de Toyama, une autre crique scintillante japonaise, se tient chaque printemps – de mars à juin – la parade nuptiale lumineuse des calamars lucioles. Ces habitants des profondeurs remontent à la surface pendant la période d’accouplement. Ils brillent alors de mille feux sur les rivages, où les vents et les courants les ramènent.

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Algues bioluminescentes, Jervis Bay (Australie) ©Trevor McKinnon

• Grotte de Waitomo en Nouvelle-Zélande : une constellation de vers luisants

Sur l’île du Nord, des milliers de larves de moucherons endémiques Arachnocampa luminosa tapissent le plafond et les parois de la grotte de Waitomo. Pour attirer leurs proies, ces vers luisants tissent des filets de soie visqueuse et lumineuse, à la manière des araignées. La voûte souterraine ressemble alors à un ciel scintillant à couper le souffle. Embarquez pour un voyage silencieux aux frontières du réel !

Voûte constellée de vers luisants, grotte de Waitomo (Nouvelle-Zélande) - Le blog du hérisson
Voûte constellée de vers luisants, grotte de Waitomo (Nouvelle-Zélande) ©Donnie Ray Jones

• Parc national des Great Smoky Mountains aux États-Unis : le ballet nocturne des lucioles synchrones

Début juin, des colonies de lucioles synchrones Photinus carolinus se donnent rendez-vous dans le parc national nord-américain des Great Smoky Mountains pour s’accoupler. Ce laps de temps ne dure que 2 à 3 semaines. Le soir venu, des milliers de rafales jaunâtres balayent alors en rythme la forêt. À noter : seuls les heureux gagnants à la loterie organisée par la réserve pourront assister à ce spectacle magique… Mais si vous prévoyez de visiter l’État du Tennessee à cette période, pourquoi ne pas tenter votre chance ?

Parade lumineuses des lucioles synchrones, parc national des Great Smoky Mountains (Etats-Unis) - Le blog du hérisson
Parade lumineuse des lucioles synchrones, parc national des Great Smoky Mountains (États-Unis) ©Niemand für Polyphemus

Les bactéries marines bioluminescentes : l’éclairage urbain écologique du futur ?

• Une lumière vivante venue de la mer

Et si on utilisait la bioluminescence pour illuminer nos villes sans électricité ? C’est la brillante idée d’une start-up française, Glowee, spécialisée en biotechnologie environnementale. Depuis 2014, elle développe des solutions innovantes pour réduire l’impact écologique de l’éclairage public artificiel.

Le projet consiste à cultiver des bactéries marines bioluminescentes en laboratoire (sans modifications génétiques) dans des aquariums remplis de liquide proche de l’eau de mer, riche en nutriments. Elles peuvent ainsi éclairer en continu et se reproduire à l’infini. Le but ? Optimiser les performances lumineuses et la longévité des bactéries afin de déployer cette lumière vivante dans l’espace urbain : places, parcs… Glowee est parvenu à atteindre une puissance de 15 lumens/m² (contre 25 lumens/m² pour les éclairages publics).

• Un nouveau paysage urbain aux nombreux impacts positifs

Imaginez un monde dans lequel les villes seraient baignées de lumière bleue verte dès la tombée de la nuit… Une atmosphère féerique, mais pas seulement ! Matière première biosourcée et biodégradable, cet éclairage biologique aurait de nombreux autres impacts positifs sur l’écologie et notre bien-être. Dans un futur proche, il pourrait en effet permettre de :

  • se repérer sans recourir aux lampes artificielles ;
  • ramener de la nature en centre-ville ;
  • faire des économies d’énergie ;
  • lutter contre la pollution lumineuse ;
  • préserver la biodiversité ;
  • réduire et faciliter le recyclage des déchets…

Cet éclairage naturel – à peine plus intense que la flamme d’une bougie – n’est pour l’heure pas capable de remplacer les lampadaires. Mais elle pourrait d’emblée représenter une solution alternative aux néons artificiels des enseignes lumineuses ou des bornes de signalisation. Un test grandeur nature de mobilier urbain est prévu dans la ville de Rambouillet (78) à l’automne 2022.

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©Glowee

Depuis des milliards d’années, la nature s’adapte et des organismes vivants utilisent leur lumière naturelle principalement pour survivre. Entre découvertes de nouveaux spécimens dans les abysses inexplorés, ou ville futuriste aux allures de Pandora, la bioluminescence n’a pas fini de nous fasciner ! Cet article vous a plu ? Partagez-le et laissez-nous un commentaire !

Clémentine Rebuffé

Ne manquez surtout pas cette vidéo : des dauphins qui nagent dans le plancton bioluminescent de la baie de San Diego. Tout simplement… magique !

→ Le spectacle de ces dauphins dans des vagues bioluminescentes est magique

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