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La folle histoire du drapeau du Canada !

Tout le monde sait à quoi ressemble le drapeau du Canada. Fermons les yeux quelques secondes et il sera aisé de projeter dans notre tête deux bandes rouges verticales sur un fond blanc, dans lequel se dessine une feuille d’érable rouge. Les couleurs comme la forme de cette bannière paraissent tout à la fois agréables, simples et originales. On appelle le drapeau canadien « l’Unifolié ». Mais connaissez-vous son histoire, son origine ? Savez-vous que ce drapeau a pris sa forme définitive et officielle en 1965 à la suite d’un long débat parlementaire ? La raison ? En premier lieu parce que le pays n’a adopté sa forme quasi-définitive qu’en 1949, après l’intégration d’une dixième province à la confédération canadienne : Terre-Neuve-et-Labrador. Mais également parce que de nombreux Canadiens étaient à l’époque très attachés au drapeau non officiel sous lequel ils avaient servi lors des deux guerres mondiales et qui rappelait les liens unissant le Canada au Royaume-Uni : le Red Ensign. La folle histoire du drapeau du Canada, c’est en fait l’histoire d’un pays qui prendra près d’un siècle à se doter d’une bannière officielle !

La folle histoire du drapeau du Canada ! - Le blog du hérisson

Le « Red Ensign », ancêtre du drapeau canadien

On connaît aujourd’hui le drapeau du Canada, ou « Unifolié », sous la forme suivante : deux bandes rouges de part et d’autre du drapeau. La largeur de chacune de ces bandes représente un quart de la longueur de l’étoffe. Au centre, un carré blanc dont la dimension représente la moitié de la surface du drapeau, au milieu duquel figure une feuille d’érable rouge à 11 pointes parfaitement symétriques. Cet emblème national a été officiellement voté par un comité mixte de membres de la chambre des communes et du Sénat canadiens en 1964, puis officiellement adopté par le Parlement canadien le 15 février 1965, au terme de plusieurs décennies de débats.

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Les proportions ©canada.ca

Mais revenons en arrière !

En 1867, les représentants du Canada signent l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique (AANB) qui établit officiellement la confédération canadienne comme un dominion du Royaume-Uni. Le pays, composé de quatre provinces (le Québec, l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse), se dote alors d’une bannière non officielle : le « Red Ensign canadien », qui perdurera jusqu’en 1965. Initialement, le Red Ensign représente le pavillon arboré par les navires marchands britanniques. Il est composé d’un fond rouge, dans le coin supérieur gauche duquel est apposé le drapeau du Royaume-Uni, le fameux Union Jack. Le Red Ensign canadien est similaire mais comporte, en plus, les armoiries des provinces canadiennes à mesure qu’elles intègrent la confédération. Voilà un emblème qui n’a donc de cesse de rappeler les liens unissant le pays au Royaume-Uni.

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Le Red Ensign britannique ©Wikimedia Commons

Au début des années 1960, le débat fait rage au sujet de la confection d’un drapeau canadien et les propositions citoyennes abondent. Deux « camps » s’opposent alors : d’une part, les défenseurs du Red Ensign, qui considèrent que l’histoire et les liens entre le Canada et le Royaume-Uni doivent figurer sur le drapeau ; d’autre part, les partisans d’une bannière représentant le Canada comme une nation indépendante, unie, et sans affiliation avec le Royaume-Uni.

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Le Red Ensign canadien de 1868 à 1921 ©Wikimedia Commons
Le Red Ensign canadien de 1921 à 1957 - Le blog du hérisson
Le Red Ensign canadien de 1921 à 1957 ©Wikimedia Commons
Le Red Ensign canadien de 1957 à 1965 - Le blog du hérisson
Le Red Ensign canadien de 1957 à 1965 ©Wikimedia Commons

Le choix d’un drapeau dans un contexte politique tendu

En 1925, le 1er ministre William Lyon MacKenzie King abandonne une première fois le projet de doter le Canada d’un drapeau officiel, devant une population bien trop attachée à l’Union Jack.

Une deuxième tentative échoue en 1945, à nouveau sous la houlette du 1er ministre King, réélu de 1935 à 1948. Entre-temps, le pays a obtenu son indépendance vis-à-vis du Royaume-Uni, grâce au Statut de Westminster (1931). Mais quelques avancées ont eu lieu : le rouge et le blanc sont désormais reconnus comme les couleurs nationales et le rameau d’érable est devenu un emblème de la patrie.

C’est Lester B. Pearson qui, en tant que chef de l’opposition, relance le débat sur le drapeau en 1960. Le débat se joue sur un fond politique déstabilisé en raison de la montée des volontés indépendantistes dans la province du Québec. A cette époque, le Québec arbore déjà son propre drapeau à fleurs de lys, le “Fleurdelisé”, tandis que le Canada n’a toujours pas de drapeau officiel ! Lorsque Pearson est élu 1er ministre en 1963, il prend le « problème du drapeau national » à bras le corps. L’objectif est que le pays soit doté d’un drapeau officiellement approuvé pour le centenaire de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (AANB) qui aura lieu en 1967. Pour lui, le sujet se pose dans les termes suivants : l’Union Jack est particulièrement prisé des Canadiens anglophones, tandis que le Québec, province francophone, est littéralement un bastion pour son bord politique, le parti libéral. Il met donc sur pied un comité chargé d’étudier la question et de fournir un motif final dans l’année 1964. Parallèlement, les citoyens canadiens sont conviés à faire part de leurs suggestions de drapeaux par courrier. Le comité reçoit ainsi des milliers de croquis représentant les multiples emblèmes nationaux du pays : le castor, les aurores boréales, les bernaches ou les bouleaux sont autant de motifs mis en avant sur les ébauches.

Le drapeau canadien : l’Unifolié depuis 1965

Doyen de la faculté des arts au Collège militaire royal du Canada à Kingston, en Ontario (à mi-chemin entre Montréal et Toronto), dans les années 1960, c’est George Stanley qui est à l’origine du motif final de l’Unifolié. Le comité chargé de la « question du drapeau » reçoit parmi des milliers de propositions, celui de Stanley. Il propose au comité sa conception claire : le drapeau canadien devra être assez simple pour que chaque enfant du pays puisse se l’approprier et le dessiner. Dans son courrier, il joint une ébauche, considérant que la feuille d’érable est un symbole unissant tous les Canadiens. Le comité valide ce concept à l’unanimité.

S’il existe de nombreux symboles représentant le Canada, la feuille d’érable a toutefois su trouver une place durable et de plus en plus importante dans le cœur des Canadiens au fil du temps. Il faut dire que dès le milieu du 19ème siècle, la feuille d’érable est un symbole très fort pour les Canadiens : la Fondation de la Société Saint-Jean-Baptiste, ayant pour objectif de faire rayonner la culture et la langue franco-canadienne l’utilise comme emblème, tout comme certains journaux sur leur couverture. Elle figure également tantôt sur les insignes et les casques des soldats, tantôt sur les pierres tombales ; tantôt sur les pièces de monnaie, tantôt dans les paroles de chansons. A partir du XXe siècle, on voit ce symbole apparaître sur les maillots des équipes sportives.

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D’après Georges Stanley, le drapeau canadien doit être simple pour que chaque enfant puisse le dessiner ©canada.ca

Aujourd’hui, le Canada compte 10 provinces et 3 territoires, tous unis sous un même drapeau : l’Unifolié. Suite à la signature de l’AANB en 1867, le pays s’est étoffé. Entre 1870 et 1900, la confédération canadienne a progressivement accueilli le Manitoba, les Territoires du Nord-Ouest, la Colombie-Britannique, l’Île-du-Prince-Édouard et le Yukon. En 1905, c’est au tour de l’Alberta et de la Saskatchewan, puis de la province de Terre-Neuve-et-Labrador en 1949. Bien plus tard, en 1999, le Canada intègre pour finir le territoire du Nunavut. Et depuis 1996, les citoyens du pays, de Vancouver à Montréal, célèbrent chaque année le Jour du drapeau le 15 février.

Elsa Schang

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