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Le GEIPAN, sérieux bureau des ovnis du CNES

Par une chaude nuit d’été, vous observez trois étranges objets lumineux qui se déplacent dans le ciel, avant de disparaître subitement. Après quelques instants de stupeur, vous reprenez vos esprits. Qu’avez-vous vu exactement ? Vous ne croyez pas aux soucoupes volantes, mais vous n’avez aucune explication rationnelle à ce dont vous avez été témoin. Heureusement, le Groupe d’Études et d’Informations sur les Phénomènes Aérospatiaux Non identifiés est là pour vous répondre. Le GEIPAN, sérieux bureau des ovnis du CNES est dirigé par des ingénieur·es chevronné·e·s qui répondront à toutes vos interrogations. Ou presque…

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Ovni au lever du soleil, au-dessus d’une forêt

Le GEIPAN : le bureau d’étude des ovnis au sein du CNES

• Qu’est-ce que l’ufologie ?

Depuis la nuit des temps, les hommes observent le ciel avec un intérêt mêlé d’effroi. Dans l’incapacité d’expliquer certains phénomènes visibles dans la voûte céleste, les humains ont fondé leurs interprétations sur leurs croyances en des puissances supérieures ou divines. Grâce à leurs recherches, les astrophysicien.ne.s ont percé le mystère de nombreux phénomènes. Mais, depuis le XXe siècle, les nouvelles technologies et possibilités d’exploration de l’univers ont suscité de nouvelles interrogations. À partir des années 1940, les journaux font leur Une avec des témoins de « soucoupes volantes » dans le ciel américain. En 1952, le capitaine Edward J. Ruppelt adopte le terme d’UFO pour « Unidentified Flying Object ». Afin de répondre aux questions de la population, Ruppelt dirige le Blue Book Project, une commission d’enquête chargée d’étudier les témoignages sur le phénomène OVNI. Ainsi est née l’ufologie.

• Le bureau des ovnis

Dans les années 1960, Joseph Allen Hynek participe au projet Blue Book. Il a l’idée de créer un réseau international et informel de scientifiques intéressés par l’étude rigoureuse des ovnis. Le Français Claude Poher, ingénieur en recherche spatiale, en fait partie. Il arrive à convaincre le directeur du CNES (Centre national d’études spatiales) de créer un bureau d’études des phénomènes aérospatiaux non identifiés. Ainsi est créé le GEPAN (groupe d’études sur les PAN) en mai 1977.
Le terme PAN (phénomènes aérospatiaux non identifiés) remplace l’acronyme OVNI (traduction d’UFO : objet volant non identifié). L’expression « objet volant » est employée à tort. En effet, la plupart des observations décrivent des phénomènes lumineux, identifiés ou non, sans preuve de la présence d’un objet matériel. La science préfère le terme PAN, bien plus approprié aux témoignages et comptes-rendus d’enquête.
En 1988, le GEPAN est remplacé par le SEPRA (service d’études des phénomènes de rentrée atmosphérique), dirigé par Jean-Jacques Velasco. Mais, en 2005, dans une volonté de transparence et d’information au public, le centre d’études spatiales substitue le GEIPAN au SEPRA. En 2007, les archives du groupe d’études sont rendues publiques et diffusées via leur site internet, des conférences et dans les médias. Depuis 2021, le site de ce service à part entière du CNES compte plus de 11 000 vues par mois.
La mission principale de cet organisme est d’expliquer les témoignages reçus par un ou plusieurs phénomènes évidents. Au bureau situé à Toulouse travaillent quatre personnes : deux agents du centre d’études spatiales et deux contractants chargés de l’archivage et de la gestion des dossiers. Trente personnes collaborent avec elles, dont des experts en astrologie, météorologie, radar, psychologie, photographie et la gendarmerie. Des enquêteurs bénévoles sont sélectionnés et formés rigoureusement. Une investigation de terrain sur un PAN compte jusqu’à 240 heures de recherches. Chaque phénomène observé est examiné avec sérieux. 2 500 cas d’enquêtes classées sont ainsi consultables sur le site officiel du service du CNES.

Les phénomènes aérospatiaux non identifiés (PAN)

• Tout l’inexpliqué n’est pas condamné à le rester

Les cas d’observation soumis au GEIPAN sont classés selon quatre catégories. Tous les cas de catégorie A sont expliqués sans aucune ambiguïté. Pour les cas d’observation classés B, les scientifiques retiennent une hypothèse très probable. Enfin, les cas C sont ceux dont l’observation est non analysable par manque d’informations. Si certains phénomènes sont sans équivoque, d’autres sont plus complexes à étudier. Le témoignage humain n’est, en effet, pas toujours fiable. Les enquêteurs se heurtent parfois à des difficultés d’analyse. Les photos ou vidéos prises manquent de clarté. Il arrive quelquefois que les témoins aient des difficultés à se souvenir des détails ou qu’ils soient submergés par des émotions (peur, panique, surprise, excitation). L’interprétation et la transcription des phénomènes observés dépendent aussi de la culture et du vocabulaire du témoin.
Quelles sont les réponses les plus fréquentes aux cas soumis au GEIPAN ? Dans 55 % des cas, les observations sont dues à des phénomènes aéronautiques. Cerfs-volants, drones, lanternes thaïlandaises, ballons d’enfants gonflés à l’hélium, mais encore avions ou hélicoptères peuvent prendre un aspect mystérieux selon la lumière du jour. Des phénomènes astronomiques font souvent l’objet de méprises (dans 22 % des cas). La planète Vénus surprend occasionnellement par son éclat ou sa position basse au crépuscule. Les planètes Mars, Jupiter et Saturne apparaissent fréquemment plus brillantes que les étoiles. Depuis 2019, la firme américaine SpaceX a mis en émoi plusieurs observateurs avec le déploiement de leurs trains de satellites Starlink. Plusieurs témoignages de chaînes de points lumineux ont été envoyés aux équipes du service d’études. Certains phénomènes météorologiques, de pollution, peuvent également entraîner des méprises. D’autres cas, beaucoup plus rares, sont aussi dus à des canulars. De petits malins s’amusent encore à faire croire aux extraterrestres.

• CAS D : les phénomènes inexpliqués

Un matin de décembre 2017, alors qu’il fait encore nuit, un homme aperçoit dans le ciel une barre jaune, lumineuse, avec un phare vert fluo. Il est 7 h 30, à Forêt-Fouesnant, petit village breton du bord de mer, et il n’y a aucun bruit alentour. L’objet lumineux se déplace lentement vers le sud, s’arrête même quelques instants, puis s’éloigne soudain vers l’est avant de disparaître dans la brume. Malgré une enquête rigoureuse, les bénévoles du GEIPAN n’ont trouvé aucune explication pertinente. Il n’y avait ni drone, ni engin agricole, ni projecteurs laser, à proximité. Enfin, le changement de trajectoire écarte l’hypothèse d’un objet porté par le vent (lanterne ou ballon). Ce cas classé D1, phénomène non identifié, est encore un mystère.
Depuis 1977, le « bureau des ovnis » a analysé plus de 9 724 témoignages. Ce qui fait plus de 5 300 cas. Parmi les phénomènes observés, 63,2 % des cas sont classés A ou B. 33, 4 % des témoignages sont inexploitables. Il reste 3,4 % d’observations qui demeurent inexpliquées. Ce sont les fameux cas D. De nouvelles données scientifiques permettent cependant de trouver des explications à d’anciens cas classés D.
Ces cas, pour lesquels les enquêteur·rice·s du CNES n’ont pas trouvé d’explication, manquent parfois de preuves. Les cas D2 sont les plus mystérieux. Malgré plusieurs témoignages convergents, des photos, des vidéos et des traces au sol, les phénomènes restent énigmatiques et aucune solution rationnelle n’apparaît.

Vous avez vu un PAN ?

• Le GEIPAN mène l’enquête

Revenons au PAN que vous avez observé par cette chaude nuit du mois d’août. Si vous vous interrogez sur le phénomène que vous avez vu, rendez-vous sur le site du GEIPAN pour déceler une explication. Si vous ne reconnaissez pas votre observation dans cet inventaire, le groupe d’études recommande également le site participatif Méprises-du-ciel.
Vous souhaitez faire un signalement ? Remplissez alors le formulaire disponible sur le site web. L’équipe de scientifiques vous recontactera. Les gendarmeries possèdent par ailleurs un procès-verbal spécifique en cas d’observation de PAN. Aucun policier ne vous prendra pour un fou. L’organisme reçoit plus de 1000 contacts par an, dont 150 à 200 sont soumis à l’ouverture d’une enquête.
Bien sûr, votre phénomène a besoin d’être bien documenté pour être analysé. Photos, vidéos, dessins, témoignages multiples : tout ajout au dossier permet une meilleure classification du cas. Le groupe transmet ensuite les données recueillies et les analyses à d’autres services du CNES afin d’élucider certaines observations.
Pourquoi pensons-nous à des phénomènes extraterrestres lorsque nous assistons à des apparitions extraordinaires ? Car, selon Xavier Passot, ancien directeur du GEIPAN, le « cerveau humain déteste l’inconnu ». Il s’évertue à chercher une explication. Mais, les récits ou observations peuvent être altérés par la surprise, la peur, ou même l’excitation lorsque le témoin est passionné d’ovnis. Le cerveau peine également à identifier la vitesse et les distances. Le témoignage humain n’est pas 100 % fiable. Cependant, les enquêteurs examinent avec sérieux toute observation avant de statuer sur la nature du phénomène.

• Et, les extraterrestres dans tout ça ?

À ce jour, l’organisme n’a pas observé de signes de la présence d’extraterrestres. Toutefois, les scientifiques du CNES ne sont pas fermés sur la question. L’univers est immense, et nous ne sommes sans doute pas la seule forme de vie.
Depuis le rapport du COMETA en 1999, l’hypothèse d’une origine extraterrestre des PAN ne peut plus être écartée. Si le groupe d’études ne prend pas de position, il n’écarte aucune hypothèse non plus. Il se charge de trouver une explication à tous les cas observés. Pour les cas D inexpliqués, il collecte les faits. Ensuite, il laisse la communauté scientifique utiliser ses analyses pour pousser plus loin les recherches. L’hypothèse que les PAN observés viennent de civilisations extraterrestres n’est pas éliminée, mais il faut des observations à consistance forte pour la retenir. « Des affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires », disait l’astronome Carl Sagan dans l’émission Cosmos en 1980.

L’état actuel des connaissances de la communauté scientifique retient seulement que l’hypothèse extraterrestre reste non démontrée. Après tout, « une absence de preuve n’est pas une preuve d’absence ». En attendant, allez jeter un œil au site passionnant du GEIPAN. Et, gardez les yeux ouverts.

Isabelle Maguin

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