Les secrets de la mémoire de nos chiens
Nos chers toutous, nous les aimons tant. Ils nous surprennent par leur capacité à interagir avec l’homme. Ils arrivent à comprendre et à intégrer des informations de façon étonnante. Prenons le temps de nous plonger dans les secrets de la mémoire de nos chiens. Comment Toby, notre loyal et fidèle compagnon, mémorise-il ce qu’il apprend ? De quoi se souvient-il vraiment ? Essayons d’y voir plus clair.
La mémoire du chien : mécanisme en 3 étapes
• L’encodage pour capter les messages
La transmission des informations s’effectue grâce à ses 5 sens :
- L’odorat : le nombre de récepteurs olfactifs est 4 fois plus important chez les canidés que chez l’homme. Son anatomie est aussi particulièrement adaptée à la perception des odeurs.
- La vue : champ visuel large, entre 200° et 270° contre 180° chez l’humain et une vision nocturne performante.
- L’ouïe : beaucoup plus fine que chez l’homme. Imperceptible à notre oreille, Toby, lui, capte les ultrasons !
- Le toucher : utilise ses poils, ses coussinets et sa truffe.
- Le goût : sens moins développé que chez l’homme, mais très sollicité.
Ses capacités lui permettent d’identifier et d’enregistrer un stimulus. Le cerveau de nos toutous se charge ensuite de traiter l’information.
• Le stockage ou la conservation des informations encodées
La mémoire à court terme (dite «de travail») est estimée à moins de 2 minutes. Elle sert à stocker des informations temporaires. Si vous donnez un ordre à votre chien, par exemple, il va stocker cet ordre jusqu’à ce qu’il soit exécuté puis l’oublier. Inutile donc de gronder Toby pour une chaussure qu’il aurait joyeusement mastiquée pendant votre absence, il n’associe pas votre colère à sa bêtise passée !
La mémoire à long terme est dite automatique ou mécanique. Elle peut être :
- Implicite : il s’agit de souvenirs non conscients. Je sais marcher. Mettre un pied devant l’autre ne me demande pas un effort de mémorisation.
- Explicite : j’ai conscience de mon souvenir. Je suis capable de dire (verbaliser) qui est passé chez moi il y a deux jours, ce que nos chères boules de poils ne peuvent évidemment pas faire. Nous y reviendrons !
• La récupération des informations
Le chien peut récupérer l’information stockée lorsqu’il est stimulé dans ce sens. A contrario, quand l’indication lui arrive involontairement, on parle de récupération spontanée.
Qu’est-ce qui influence la mémorisation de notre animal préféré ?
Le processus d’apprentissage est complexe et multifactoriel. Notons 5 éléments essentiels :
- L’anatomie du cerveau : le cortex cérébral (substance grise périphérique des hémisphères cérébraux), plus développé que la plupart des animaux, permet une meilleure capacité de mémorisation. Son fonctionnement et sa structure se rapprochent du cerveau humain.
- Le système limbique bien développé : il correspond à un ensemble de zones du cerveau connues pour jouer un rôle sur la capacité olfactive, la mémoire et le comportement émotionnel. On parle de « cerveau affectif ». Il permet à Toby de se souvenir des expériences vécues, aussi bien négatives que positives.
- Phénomène de répétition : plus l’information est réitérée, plus les chances de mémorisation à long terme sont importantes.
- Les hormones : la dopamine dite « hormone du plaisir » est impliquée dans la prise de décision, l’apprentissage et la capacité à se souvenir. Elle dope la motivation et la curiosité. Les caresses ou les récompenses sont par conséquent sources de stimulation.
- L’environnement : la stimulation mentale et physique favorise la mémorisation.
Les chiens ont-ils la notion du temps ?
En 2018, une étude menée par la Northwestern University en Illinois a montré que les chiens ont une certaine conception du temps qui passe. Les chercheurs ont travaillé sur l’origine du codage du temps. Le cortex enthorinal médial zone située dans le lobe temporal du cerveau, associée à la mémoire et à la navigation (capacité à se localiser dans un environnement) en serait à l’origine.
Ils ont découvert qu’une activité neuronale s’opère lorsque Toby attend une récompense par exemple. À L’inverse, lorsqu’il est occupé à jouer ou à renifler, ces cellules de chronométrage sont inactives.
Une autre étude a mis en évidence le fait que la durée d’absence du maître a un impact sur leur animal préféré. Plus cette dernière est prolongée, plus les retrouvailles sont intenses. Nous n’avons cependant aucune preuve que le chien est capable de quantifier le temps d’absence.
Nos toutous ne pourront certes jamais lire l’heure, mais on sait qu’ils peuvent encoder le temps et se remémorer certains événements.
Mais alors, de quoi se souviennent les chiens ?
On sait que la capacité de mémorisation de nos toutous n’excède pas 2 minutes.
Pourtant ils sont capables de se souvenir de certains lieux, de personnes rencontrées ou d’expériences vécues plusieurs semaines voire plusieurs mois auparavant.
On parle dans ce cas de mémoire associative. Toby fait le lien entre vos bottes en caoutchouc et une sortie à la plage ; il est excité, à tort ou à raison, à l’idée d’une promenade sitôt que vous les enfilez. Malheureusement, il peut aussi faire des associations négatives entre un lieu donné et un mauvais souvenir ; le dressage peut modifier ce processus mental le cas échéant.
La mémoire sémantique, définie par le psychologue et neuroscientifique de la cognition Endel Tulving, permet à notre animal préféré d’associer une action à une commande verbale. C’est ainsi qu’il peut, après une phase d’éducation, « faire le mort » en lui adressant le seul mot « Pan ! ».
La mémoire épisodique est celle du savoir général définitivement acquis.
Elle se définit par 2 points essentiels :
- L’absence d’encodage actif : je ne cherche pas de façon active à mémoriser des informations.
- J’intègre dans mes souvenirs le « Où », le « Quoi » et le « Quand ». C’est une forme de mémoire explicite.
Une étude menée en 2012 par l’équipe de Fujita à l’université de Kyoto a montré la capacité des chiens à se souvenir et à réutiliser une information. Ces derniers ont mémorisé le « Quoi » et le « Où » 20 minutes après dans une situation inattendue donc sans encodage actif.
Plus récemment, l’éthologue Claudia Fugazza a montré par la méthode « Do as I do » que les chiens sont capables de reproduire une action apprise au préalable par l’homme dans un contexte complètement différent et de façon fortuite.
Près de 20 cobayes ont été entraînés à reproduire une action dictée par leur maître (faire le beau par exemple) sur simple demande (« fais-le »). Dans le cadre d’un tout autre exercice et après un certain laps de temps, l’ordre « fais-le » a été donné. L’auteur de cette étude montre qu’avec cette méthode Toby est capable de se souvenir d’actions 24 heures après l’événement. Au-delà, le souvenir s’amenuise.
La mémoire épisodique ne prend pas seulement en compte l’action. La date de l’événement, son lieu, les personnes présentes ainsi que les émotions ressenties sont indissociables du processus cognitif.
Aujourd’hui on sait que le meilleur ami de l’homme peut se souvenir d’une action sans pour autant intégrer les autres variables inhérentes à la mémorisation.
La capacité de mémorisation des chiens est encore un mystère. Les secrets de la mémoire de nos chiens restent un domaine de recherche encore récent, mais plein de promesses. En effet, si la mémoire épisodique est avérée, étudier son évolution tout au long de la vie des canidés permettrait de comprendre certaines pathologies liées au trouble mnésique chez la personne âgée.
Des chercheurs en Caroline du Sud ont publié en avril 2023 une étude dans laquelle ils mettent en évidence de nombreuses similitudes entre l’Alzheimer chez l’homme et chez le chien sénior.
Nos toutous ne nous ont pas encore tout dit, semble-t-il !
Lénaïg Le Guen
