Mouvement Slow : prendre le temps de vivre
Le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa nous livre une étude édifiante dans son livre Accélération. Une critique sociale du temps où il définit et analyse le phénomène de la vitesse et notre rapport au temps. Selon lui, c’est bien l’accélération qui symbolise le mieux notre société moderne. Cette fuite en avant qui fut révolutionnaire à l’ère industrielle mettrait aujourd’hui nos existences en péril. Face à ce constat de plus en plus évident, certains ont décidé de résister à leur manière en instaurant un rythme de vie plus “soutenable,” ce sont les partisans du mouvement international Slow dont le but est de prendre le temps de vivre.
Le mouvement Slow naît dans les années 1980 en réponse à l’accélération grandissante de nos vies et au besoin psychologique de s’occuper. Stress, surmenage, déconstruction des liens familiaux et amicaux sont autant de conséquences de la dictature du « faire » et de la vitesse. Il devient presque impossible pour l’homme moderne de s’ennuyer, de ne rien faire ou simplement de ralentir.
Tout commence par la gastronomie
En 1986, Carlo Petrini, critique gastronomique, fonde le mouvement Slow Food en réponse à l’ouverture d’un nouveau Mac Donald’s à Rome. Selon lui, nos aliments devraient être cultivés, cuisinés et dégustés en respectant un rythme naturel. Au-delà de la volonté de ralentir, Petrini revalorise les produits locaux, frais et de saison. Ici, l’accent est mis sur la production artisanale, la sauvegarde du patrimoine gastronomique et la protection des petits producteurs contre les géants de l’industrie alimentaire. Le mouvement Slow Food compte aujourd’hui plus de 78000 membres dans plus de 50 pays.
Au fil des années, le mouvement Slow s’est répandu dans tous les domaines de la vie : la cuisine (Slow Food), le sexe (Slow Sex), le travail (Slow Business), le tourisme (Slow Tourism), la famille (Slow Parenting), etc. Dans toutes les sphères de notre quotidien, il est ainsi possible d’adopter une attitude plus “slow” afin de gagner en qualité de vie.
La Slow Life, un art de vivre
Adopter la Slow Life, c’est aller moins vite, c’est aller mieux et avoir une meilleure qualité de vie. En effet, en étant plus conscient et présent dans les tâches du quotidien, on réalise que la qualité prime sur la quantité. Accomplir une tâche à la fois, consciencieusement, donne de bien meilleurs résultats. Il est également possible d’exécuter une tâche rapidement en gardant un état d’esprit calme.
Prendre son temps, c’est aussi donner la priorité à ce qui est essentiel à notre bien-être. Explorons quelques domaines de la vie qui peuvent être positivement transformés par la Slow Life.
• Le Slow Business
Le Slow Business a pour but d’améliorer la qualité de vie des travailleurs. Il est principalement fondé sur l’autonomie de l’employé quant à la gestion du temps de travail. Certaines entreprises proposent aux employés de faire des pauses sieste ou même de quitter leur poste lorsque le travail du jour est effectué. D’autres proposent des séances de méditation ou même une salle de sport à disposition des employés. Ce n’est plus le nombre d’heures passées au bureau qui compte, mais le résultat. L’employé n’étant plus stressé par des impératifs horaires, il se sent mieux dans sa tête, est plus concentré et donc plus efficace.
• Le Slow Tourism
Ce type de tourisme s’inscrit dans une logique durable et responsable. On favorise le séjour chez l’habitant, l’usage de transports « propres », la consommation de produits locaux, etc. On choisit de flâner, de sortir des sentiers battus au lieu de se presser pour enchaîner les visites touristiques habituelles. On privilégie aussi les visites régionales pour les courts séjours, par exemple. Le Slow Tourism est donc un tourisme écologique qui vous mène vers des lieux plus authentiques, hors des sites de masse, à la rencontre des habitants.
• Le Slow Sex
Le Slow Sex permet d’explorer son corps et celui de son partenaire en prenant son temps et en se libérant de l’idée de performance. Ce qui compte avant tout, c’est le partage des regards, des mots, des caresses, sans faire de l’orgasme le but à atteindre absolument. Libéré de cette contrainte, chaque partenaire est présent à ses ressentis et sensations, ce qui mène à un délicieux lâcher prise.
Le mouvement Slow ne cesse de grandir aux quatre coins du monde. Loin d’être le luxe de quelques privilégiés, il touche toute personne soucieuse d’avoir une meilleure qualité de vie. Au-delà du confort personnel, la Slow life résiste à la dictature du “toujours plus, toujours plus vite” propre au capitalisme que ce soit dans le domaine du travail, des loisirs, de la production et de la consommation. Adopter ce mode de vie, c’est prendre soin de soi, de son environnement et par conséquent, des autres.
Khadija Houmimi