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Trouble dissociatif de l’identité : décryptage

Le trouble dissociatif de l’identité (TDI) concerne 1 % de la population diagnostiquée. Comment définir ce trouble de la santé mentale si controversé et stigmatisé ? En faisant simple, sans doute … bien que le terme simple soit loin d’être le plus approprié. En ce qui concerne le TDI, on aurait plutôt tendance à parler de complexité. On peut le faire aussi de façon bienveillante car toute maladie est toujours lourde à porter et celle-ci fait partie du haut du podium. Nous allons tenter de décrypter, en toute modestie, à quoi cela ressemble avec des sources fiables et des témoignages de personnes atteintes de cette pathologie. Une mise en lumière pour faire bouger les esprits…

Trouble dissociatif de l’identité : explication - Le blog du hérisson

Définition du trouble dissociatif de l’identité

Le TDI était connu autrefois sous l’appellation de «trouble de la personnalité multiple». Il est répertorié en 1994 par le MSD (Manuel Diagnostique et Statistiques des troubles mentaux)  dans la catégorie des troubles dissociatifs. Cet ouvrage représente une référence, voire une bible pour les soignants (psychiatres, psychologues, médecins, etc.). Il liste, explique et classe l’ensemble des troubles mentaux connus.
Le TDI survient suite à un ou des traumatismes graves vécus dans l’enfance : abus sexuels, inceste, violences physiques ou morales, un événement, etc.

Voici la définition telle qu’elle est inscrite dans un extrait du DSM-5 :

Les troubles dissociatifs sont caractérisés par une perturbation et/ou une discontinuité dans l’intégration normale de la conscience, de la mémoire, de l’identité, des émotions, de la perception, de la représentation du corps, du contrôle moteur et du comportement. Les symptômes dissociatifs peuvent perturber tous les domaines du fonctionnement psychologique.

Essayons de comprendre simplement ce trouble dissociatif de l’identité

Le trouble dissociatif de l’identité est une pathologie tellement complexe, ne serait-ce que dans sa définition, qu’une explication en termes simples et vulgarisés peut être nécessaire. Stigmatisée, peu comprise, mal diagnostiquée, difficile à gérer, cette maladie pousse parfois ceux qui en souffrent à un acte irréversible. C’est pourquoi, cela mérite de s’y intéresser.
Découvrons ensemble les étapes de ce trouble connu mais qui reste tabou.

1. La sidération

Il faut savoir que jusqu’à l’âge de 7-9 ans, le cerveau et la personnalité sont en plein développement. C’est-à-dire que la mémoire, la conscience, la perception de l’environnement, l’identité sont des fonctions qui ne sont pas encore intégrées les unes aux autres.

Lors d’un traumatisme, le cerveau décide, pour protéger l’individu, de se mettre en mode «survie». C’est un mécanisme de défense, de sauvegarde.
Face à des violences extrêmes et qui semblent incompréhensibles, il va se produire une paralysie des fonctions cognitives dites supérieures qui régulent toutes les fonctions vitales du corps.

C’est à dire qu’au lieu de crier, de réagir, de fuir la situation ou l’agresseur, la victime va rester inerte, sans réactions, sans se défendre. Cette inertie va apparaître tant sur le plan physique que psychique. C’est ce que l’on appelle la sidération.

C’est important de bien comprendre ce phénomène car la victime entend souvent des reproches tels que « mais pourquoi tu t’es laissée faire ?», «et tu n’as rien dit ?», «tu n’as pas fui ?». Eh bien non, car elle ne pouvait pas ! Ce phénomène est vérifié cliniquement lors d’IRM où il a été constaté que les fonctions supérieures sont bien bloquées et empêchent donc toute action, toute émotion durant le traumatisme.

2. La dissociation traumatique

En temps normal, lorsque nous sommes confrontés à un événement où nous nous sentons en danger ou très mal à l’aise, notre amygdale cérébrale (mémoire de l’émotion) se met en fonction en sécrétant de l’adrénaline et du cortisol. C’est comme une alarme qui nous incite à réagir d’une façon ou d’une autre. Par exemple, on croit voir un serpent sur le bas côté lors d’une balade (l’amygdale sonne l’alarme) et on s’aperçoit qu’en fait il s’agit d’une branche (les fonctions supérieures ont répondu en indiquant qu’il n’y avait pas de danger).

Cependant, lorsque les fonctions supérieures sont inertes, l’amygdale cérébrale ne reçoit pas de réponse pour stopper cette sécrétion. Elle continue donc à produire ces deux hormones de façon exponentielle.
Une surproduction d’hormones d’adrénaline et de cortisol peut être mortelle. L’une pour le cerveau et l’autre pour le cœur. C’est pourquoi le cerveau dit «stop». Il se déconnecte pour permettre à la victime de rester en vie. À cela s’ajoute la sécrétion de drogues, morphine et kétamine qui anesthésient physiquement et émotionnellement la personne.

C’est alors que survient la dissociation traumatique. La victime devient alors «spectatrice» de ce qui lui arrive. Elle ne ressent plus aucune émotion, elle ne peut pas agir et se sent comme hors de son corps. Sa tolérance à la douleur et à la violence augmente, comme si ce n’était pas grave. Cet état de dépersonnalisation peut durer de quelques minutes jusqu’à plusieurs années.

La dissociation permet à la personne de s’échapper physiquement et d’éviter ainsi la confrontation avec l’élément déclencheur. La personne ­«s’éteint», elle est temporairement absente. Elle n’a généralement aucun souvenir de ce qui se passe pendant cette période. Cela peut durer de quelques minutes à quelques heures, voire la journée entière sans pouvoir se souvenir de ce qu’il se passe durant ce temps. La transition se fait même quelquefois sans qu’elle s’en rende compte.
Il existe plusieurs éléments déclencheurs et ils sont tous en rapport avec le ou les traumatismes de l’enfance. Cela peut être une odeur, une sensation corporelle, une émotion, un lieu, une humiliation, une date ou une période anniversaire, etc.

3. Les alters

Durant ces phases de dissociation, c’est alors une nouvelle identité (une autre partie du cerveau) qui se crée, pour prendre le relais. Se mettre en frontal (passer devant) pour prendre en charge la situation que l’identité «hôte» ne peut pas gérer. C’est ce que l’on appelle «l’alter». Lorsqu’il essaie de prendre le dessus, c’est qu’il perçoit que la situation nécessite son intervention. Il protège d’une situation difficile. On appelle ce changement le «switch».

Il peut y en avoir deux, trois, quatre, quinze, vingt ou beaucoup plus encore. Les alters (les parties dissociées) sont là pour que l’identité initiale «hôte» ne se retrouve plus en situation de stress grave. Les parties dissociées ont chacune un rôle pour le bon fonctionnement du système (alter de protection, qui a le souvenir du trauma,  social.e, qui gère le travail, les relations, etc.). Chaque alter a un nom. Il a sa propre façon de penser, de s’habiller. Il a ses opinions, ses humeurs, ses goûts, sa propre orientation sexuelle, sa mémoire personnelle, etc.
Le système étant l’ensemble des alters. Quelquefois, un nom est donné à ce système.

Les symptômes du trouble dissociatif de l’identité

Les symptômes sont quelquefois pour l’entourage de la victime difficiles à percevoir.

Voici les plus connus :

► 4 symptômes de l’amnésie

  • Ne plus se souvenir de certains moments de l’enfance.
  • Se retrouver dans un endroit qui n’est pas celui dont la personne se souvient d’avoir été en dernier.
  • Ne pas se souvenir d’avoir fait des achats ou avoir déplacé des objets alors que la personne a le ticket de caisse ou la preuve que l’objet était bien là où elle pensait qu’il était.
  • Oublier comment faire une tâche que la personne connaît très bien (ses compétences professionnelles par exemple).

► 2 formes d’identités

  • avec possession : l’alter se montre à la vue de tous. L’entourage peut observer un changement soudain chez l’hôte : timbre de voix, attitude, discours, etc. Cette forme est souvent associée à une personne qui est «possédée». On parle de démon.
  • sans possession : plutôt que de se sentir être une autre personne, le switch va se faire de façon discrète. Avec une impression de ne pas contrôler la situation, l’hôte voit la situation de loin, sans pouvoir intervenir. L’alter peut alors montrer des changements inhabituels (de goûts alimentaires par exemple).

C’est un processus que l’entourage peut observer et servir de preuve (et oui, une petite pensée pour les septiques).

La dépression, l’anxiété, les troubles du comportement sexuel sont aussi des symptômes du TDI.

Témoignages : une organisation dans le quotidien

D’après les témoignages, la vie d’une personne atteinte de trouble dissociatif de l’identité est bouleversée, désordonnée, incohérente. Certains alters se connaissent et d’autres pas donc leurs échanges peuvent être aimables comme virulents. L’hôte subit alors ces comportements.

Pour conserver la trace de ce qu’il se passe dans une journée, les alters s’organisent pour relater par écrit les événements et actions de leur journée. Ce qui évite de se retrouver en difficulté lorsque l’hôte doit se présenter à un examen ou un rdv.

Le TDI est l’un des troubles psychiatriques les plus controversés. Il est généralement mal diagnostiqué par nos spécialistes de la santé mentale par manque essentiellement de formation. Il en résulte des années d’errance de diagnostic, des hospitalisations et des traitements médicamenteux inappropriés.
Aujourd’hui, malades et psychiatres travaillent de plus en plus, main dans la main pour cheminer dans ce parcours émotionnel sinueux.
La stigmatisation, l’ignorance sont souvent de réels handicaps, il faut donc lutter contre cela. Comment ? En diffusant largement, en expliquant, en accompagnant, en mettant en place toute une équipe médicale autour du patient.
Pour pouvoir parler du trouble dissociatif de l’identité sans peur, sans crainte, sans jugements, partagez cet article sans modération !

SymeRédac

→ Le journal d’Olympe : accepter et vivre avec son TDI – Ça commence aujourd’hui

2 réflexions sur “Trouble dissociatif de l’identité : décryptage

  • Un trouble encore peu connu, merci pour cet article. Beaucoup plus de personnes que l’on croit vivent avec cela, il est donc essentiel de sensibiliser au maximum. Courage à toutes les personnes concernées et à leurs proches.
    Un article à mettre entre toutes les mains, qui plus est, très bien écrit et avec des mots justes.

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    • Merci pour ton commentaire Elo. Effectivement, on ne parle pas assez de ce trouble de la santé mentale. N’hésite pas à partager l’article autour de toi.
      Christophe

      Répondre

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