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Trouble du Spectre de l’Autisme : un réel défi

Le Trouble du Spectre de l’Autisme est un véritable enjeu social, on pourrait même parler d’un réel défi. En effet, il concerne environ 1 % des naissances chaque année. Qu’est-ce que le TSA, quels en sont les symptômes qui rendent le sort social des personnes concernées si complexe ? Nous allons essayer, du mieux que possible, d’analyser les différents angles, les différentes dimensions et les différents paramètres de l’autisme, mais aussi de comprendre son histoire, avec une approche aussi bien psychologique que sociétale.

Trouble du Spectre de l’Autisme : un réel défi - Le blog du hérisson

Le Trouble du Spectre de l’Autisme : une dyade

Le TSA est un trouble développemental d’origine neurologique, innée (c’est-à-dire que les personnes ayant ce trouble naissent avec ce dernier), avec des composantes génétiques. Les personnes se situant sur le Spectre rencontrent dès leur petite enfance des difficultés notables à nouer des relations humaines et à s’adapter à leur environnement, due à leur différence de câblage cérébral.

Afin de détailler ce trouble de façon rigoureuse et compréhensible, le DSM 5 présente le TSA sous forme de dyade : d’un côté, les déficits de la communication et des interactions sociales, et de l’autre, le caractère restreint et répétitif des comportements et des intérêts.
De façon plus détaillée, la première partie de cette dyade indique une difficulté à comprendre les comportements non-verbaux de la part de ces personnes, mais aussi des difficultés à comprendre les relations sociales de façon générale et à les maintenir, ou encore un manque de réciprocité sociale ou émotionnelle. La seconde partie de la dyade indique quant à elle, une hypersensibilité (ou parfois au contraire une hyposensibilité) au niveau des 5 sens, une réticence aux changements et aléas de la vie quotidienne, des intérêts spécifiques, ou encore des mouvements corporels atypiques.

Si aujourd’hui le Trouble du Spectre de l’Autisme est présenté sous cette forme de dyade, cela n’a pas toujours été le cas: dans le DSM 4, on parlait de triade. La perception médicale de ce trouble a considérablement évolué au cours de l’Histoire, chose que nous allons essayer de détailler dans la suite de cet article…

Du concret

Si nous avons pu quelque peu étayer de façon théorique et abstraite ce que peut couvrir le TSA, il est également important de donner des exemples concrets de ces symptômes qui touchent 600 000 personnes adultes en France à l’heure actuelle.

Si l’on s’intéresse d’abord à la première partie de la dyade autistique, avoir des difficultés à comprendre les comportements non-verbaux est un défi de taille pour les personnes autistes. Mimique, signe d’ennui de l’interlocuteur, signe de gène, sont autant de petits détails qui ne sont pas interprétés par une majorité de personnes ayant cette particularité. En effet, les personnes autistes ont tendance à tout prendre au pied de la lettre, comme le dit l’expression; elles ont une tendance à l’intellectualisation, ce qui fait que leur seule façon d’intégrer ces codes qui sont innées pour les personnes dites neurotypiques (les personnes non-autistes) est d’apprendre intellectuellement l’usage de ces règles sociales implicites. Par manque de réciprocité sociale, entendez par là, que les personnes autistes peuvent avoir un mal fou à gérer une conversation anodine du quotidien (papoter à la pause café au travail est un défi de taille pour ces personnes), renchérir dans une conversation, s’intéresser à l’autre, est quelque de très compliqué lorsque l’on se trouve sur le Spectre.

La seconde partie de la dyade, nous indique de façon pragmatique, que ces personnes peuvent avoir de sérieuses difficultés à gérer les stimulis sensoriels du quotidien : les odeurs un peu fortes peuvent devenir carrément nauséabondes pour ces personnes, un pétard qui explose dans la rue peut devenir un bruit insupportable, un bruit de sirène peut déclencher une crise d’angoisse… pour gérer cette hypersensibilité (ou parfois, cette hyposensibilité, certaines personnes autistes ne ressentent pas la douleur par exemple), ces personnes ont recours à ce que l’on appelle dans le jargon médical à des stéréotypies. Les stéréotypies sont un ensemble de mouvements corporels atypiques, insignifiants en apparence, qui permettent à la personne autiste de se calmer et de gérer un trop-plein émotionnel. Ces stéréotypies peuvent consister à se balancer, à agiter frénétiquement des mains (pratiques appelée alors le flapping), ou encore à tourner sur soi-même.
Quant aux imprévus (même minimes), comme un changement de trajet, un contretemps au travail, une nouvelle école, ils peuvent devenir une source de stress majeur.

Voici une parfaite illustration qui explique les conséquences concrètes que peut entraîner un TSA.
Ces troubles peuvent aussi se manifester par des modes atypiques d’activité et de comportement, notamment des difficultés à passer d’une activité à une autre, une focalisation sur des détails et des réactions inhabituelles aux sensations.

Nous allons essayer à présent de comprendre les conséquences sociales que peuvent entraîner un cette particularité.

Un enjeu social !

Si nous avons pu vulgariser les différents symptômes que l’on retrouve dans le TSA, nous n’avons pas encore pu étayer les conséquences sociales qui en découlent pour les personnes concernées.

En effet, à cause de leurs particularités, les personnes autistes rencontrent de véritables difficultés d’intégration, faisant ainsi d’elles une population marginalisée. Pour remédier à cela, des lois existent heureusement. Le TSA est reconnu en France comme étant un handicap, de fait, les adultes autistes ont droit à un dossier MDPH, ce qui peut leur permettre d’accéder à une aide financière, plus ou moins élevée, en fonction de la sévérité de leur divergence neurologique.

Malgré certains efforts réalisés, les personnes autistes restent grandement en difficulté : harcèlement scolaire, harcèlement moral au travail, taux de suicide élevé, incompréhension du reste de la société face à ce fonctionnement différent, dépression… sont autant de conséquences sociales qui touchent ces personnes. Il est par exemple reconnu que le suicide est l’une des principales causes de mortalité chez les personnes ayant un TSA, étant environ six fois plus élevé que dans la population non-autiste. Quant à la dépression, on peut quasiment parler de scandale sanitaire, puisque près de 50 % des adolescents sur le Spectre en souffrent.
Le harcèlement scolaire reste aussi une lourde problématique puisque 43,6 % des élèves se situant sur le Spectre seront victimes de ce calvaire durant leur scolarité, contre 10,2 % des élèves neurotypiques.
De plus, sans forcément aller jusqu’à un cas dit avéré de harcèlement scolaire, les personnes autistes n’ayant pas acquis de manière innée les codes sociaux, présentent un risque élevé d’isolement social.
Quant au manque de compréhension vis à vis de leur fonctionnement, cela peut commencer très tôt dans la vie de ces personnes, étant souvent incomprises par leurs proches… voir maltraitées. Les enfants TSA ont trois à quatre fois plus de risque d’être maltraités que les enfants présentant un autre handicap. La société est encore très mal adaptée au besoin de ces personnes (lumières vives dans les magasins, sonneries d’alarme dans les écoles…).
Outre le manque de compréhension envers les personnes autistes en elles-mêmes, il y a aussi eu pendant longtemps un manque de compréhension de cette particularité neurologique: longtemps influencés par la psychanalyse, bien des professionnels de santé ont pu affirmer à des parents que leur enfant était autiste parce que le rapport à la mère était dysfonctionnelle. Il n’en est rien bien entendu, puisque le TSA est d’origine biologique. Beaucoup de parents d’enfants ayant ce fonctionnement atypique ont culpabilisé sans raison, et des enfants ont même été retirés à leurs parents, notamment pendant les années 1970.

En plus de toutes ces difficultés sociales, pensons au sujet des violences sexuelles, dont les personnes autistes sont extrêmement susceptibles d’en être touchées. En effet, 40,1 % des femmes présentant des traits proches de ceux du TSA sont victimes de violences sexuelles, contre 26,7 % des femmes de la population générale. Certaines statistiques parlent de 9 femmes autistes sur 10 qui ont pu subir des violences sexuelles, et souvent avant l’âge de 15 ans.

Trop longtemps méconnu, aujourd’hui des voix se lèvent pour faire connaître le Spectre, pour mettre un terme aux fausses informations qui peuvent circuler sur le sujet, et pour mettre en lumière les conséquences sociales afin de mieux les prévenir. On peut même parler de militantisme autistes. La docteure en psychologie sociale, elle-même concernée, Julie Dachez fait parfois un parallèle entre la trame historique concernant les personnes LGBTQIA+ et celle concernant les personnes autistes. Certains militants autistes se battent pour que le Spectre Autistique ne soit définitivement plus considéré comme un trouble, mais comme une variante de la normale en termes de neurologie. Tout ceci constitue un vrai et long combat pour ces personnes, un combat qui ne fait à mon sens que commencer.

Une histoire chargée

En l’état actuel des choses, le TSA est considéré comme un TED (un trouble envahissant du développement), mais cela n’a pas toujours été le cas. En effet, l’autisme connaît une longue histoire de psychiatrisation.

Le terme autisme est employé pour la toute première fois au cours des années 1910, par le Docteur Eugène Bleuler : associé à l’époque à la schizophrénie, il est une traduction francophone du mot autismus, qui est alors une pathologie présenté par cet homme dans le manuel la Démence précoce ou le groupe des schizophrénies. L’autisme était alors à l’époque un dérivé du terme auto-érotisme introduit par Freud.

Le Trouble du Spectre de l’Autisme connaît un nouvel essor dans les années 1940 issu des travaux de Léo Kanner et à Hans Asperger; le premier met en lumière une forme d’autisme qu’il nomme alors autisme infantile qui est souvent caractérisé par une déficience intellectuelle, tandis que le second parle plutôt de psychopathie autistique et s’intéresse avant tout à des enfants sans déficience intellectuelle mais ayant un comportement bizarre et atypique. Hans Asperger innovera alors le concept de syndrome d’Asperger (une forme d’autisme sans déficience intellectuelle et sans retard de langage), c’est un concept qui sera abandonné plusieurs années, mais qui reviendra au cours des années 1980 par l’entremise de Lorna Wing (une psychiatre spécialiste de l’autisme).

L’autisme, longtemps classé parmi les psychoses, ces personnes se verront refuser une réponse adaptée à leur différence pendant des années. La psychiatrie, influencée par la psychanalyse, sera longtemps persuadée que les origines de l’autisme seraient traumatiques, et plus particulièrement que la genèse de ce fonctionnement particulier se trouverait dans un rapport toxique entre l’enfant et sa mère. Ainsi par exemple, Bruno Bettelheim, un psychanalyste de renom, proposera durant les années 1970, une sois disant cure pour guérir de l’autisme : cette cure consiste à éloigner ces enfants de leurs parents considérés alors comme étant toxiques. Bien entendu, ce traitement sera sans effet.
Il est aussi à noter, que pendant plusieurs années, les personnes autistes étaient souvent internées en hôpital psychiatrique.

Petit à petit, l’autisme quitte le champ des psychoses pour rentrer dans la catégorie des TEDs (troubles envahissants du développement). Jusqu’au DSM4, cette particularité est séquencé en plusieurs sous catégories : le syndrome d’Asperger (une forme d’autisme sans déficience intellectuelle et sans retard de langage), l’autisme de haut niveau (une forme dautisme sans déficience intellectuelle, mais avec un possible retard de langage), l’autisme de Kanner (une forme d’autisme souvent associé à des symptômes dits sévères et avec une déficience intellectuelle), le syndrome de Rett (une maladie génétique, touchant uniquement les personnes assignées fille à la naissance, dont les symptômes se rapprochaient des autres formes d’autisme).

En mai 2013, le DSM5 fait son apparition, l’autisme devient alors… le Trouble du Spectre de l’Autisme. Fini les sous catégories. Plus de syndrome d’Asperger. Le syndrome de Rett est supprimé des TSA. Pourquoi un tel choix ? Diverses recherches ont pu démontrer que les anciennes sous catégories d’autisme sont finalement plus étanches que prévues. Le Trouble du Spectre de l’Autisme est alors synonyme de Trouble Envahissant du Développement.

A travers cet article, nous avons essayé de mettre en lumière les différents symptômes de cette neuro-atypie. Le Trouble du Spectre de l’Autisme est un réel défi car ces personnes ont une vision de leur environnement bien à elles, qui diffère de ce qu’on appelle la norme. Nous avons essayé de comprendre pourquoi cette particularité rend si difficile l’intégration de ces personnes. En fin de compte, si ces personnes  ont encore du mal à trouver leur place au sain de notre société, c’est parce qu’elles communiquent et comprennent le monde autrement. C’est aussi parce qu’il reste encore à l’heure actuelle d’énormes préjugés et de stéréotypes vis à vis du Trouble du Spectre de l’Autisme : préjugés et stéréotypes hérités de plusieurs dizaines d’années de désinformation et de manque de savoir, entre autre à cause des discours psychanalytiques. Toutefois des voix se lèvent, et on peut espérer un lendemain meilleur, pour les personnes se situant sur le Spectre.

Victoire Jouffre

2 réflexions sur “Trouble du Spectre de l’Autisme : un réel défi

  • Martin Gravil

    Je vous remercie pour cet article sur l’autisme. Ayant moi-même écrit un article sur ce sujet, il me semble en effet important de sensibiliser à cette particularité qui fait effectivement l’objet de nombreux stéréotypes encore aujourd’hui.

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