Tokugawa Ieyasu, grand unificateur du Japon
Tokugawa Ieyasu, grand unificateur du Japon, a profondément marqué l’histoire. Il est reconnu comme figure importante pour avoir fondé le shogunat Tokugawa, une dynastie qui a gouverné le pays pendant 250 ans. Découvrez comment ce personnage historique a réussi à transformer un pays rongé par des conflits incessants en un régime stable et prospère.
L’époque des provinces en guerre : la période Sengoku
La période Sengoku, qui signifie “époque des provinces en guerre”, s’étend du milieu du XVe siècle jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Cette époque est profondément marquée par une forte instabilité politique, sociale et militaire. Le Japon est plongé dans des conflits armés constants entre différents seigneurs féodaux, appelés les daimyos. Ces derniers se disputent sans relâche pour le pouvoir et le contrôle des terres japonaises.
Le pouvoir autrefois exercé par le shogunat Ashikaga (1338-1573), s’est effondré, laissant ainsi place à une division du pays en diverses seigneuries dirigées par les grands commandants militaires, les daimyos.
Cette situation a vu naître :
- une atmosphère de tension permanente ;
- des révoltes paysannes ;
- des alliances stratégiques ;
- des trahisons ;
- des batailles fréquentes.
L’atmosphère de chaos qui règne sur le pays se décrit par l’ascension, mais aussi la chute de nombreux seigneurs de guerre. Chacun cherchant à étendre son territoire par la force militaire et les alliances politiques. Le Japon en guerre est alors menacé à sa perte.
Une jeunesse riche en formations pour Ieyasu Tokugawa
Ieyasu Tokugawa est né sous le nom de Matsudaira Takechiyo en 1543 dans la province de Mikawa. Il a grandi au cœur du climat de tension et d’instabilité présent au Japon. À l’âge de six ans, il est envoyé comme otage au clan Imagawa. C’est une pratique courante lorsque les seigneurs souhaitent sceller une alliance politique. Durant les années passées chez les Imagawa, Takechiyo reçoit une formation riche et rigoureuse en politique, en stratégie militaire et en arts martiaux. C’est au sein de ce contexte qu’il apprend à comprendre les dynamiques de pouvoir complexes et dangereuses.
Cette captivité durant sa jeunesse a donc joué un rôle formateur dans sa vie. Exposé dès son plus jeune âge aux réalités des stratégies de pouvoir, Takechiyo forge rapidement son savoir et son caractère.
En 1549, son père, Matsudaira Hirotada meurt. Takechiyo prend alors le nom de Matsudaira Motoyasu. C’est à ce moment précis qu’il commença à jouer un rôle actif dans les affaires de son clan.
Oda Nobunaga, grand chef militaire, remporta une victoire écrasante face à Yoshimoto Imagawa lors de la bataille d’Okehazama en 1560. Motoyasu saisit l’occasion pour se libérer de l’emprise des Imagawa et consolider son propre pouvoir dans la province de Mikawa. En 1561, il change son nom pour Tokugawa Ieyasu en affirmant une descendance avec le clan Minamoto pour renforcer sa légitimité et son autorité.
Entre alliances stratégiques et ascension vers le pouvoir
La montée en puissance de Tokugawa Ieyasu a véritablement commencé lorsqu’il a rompu les liens avec le clan Imagawa. Ce dernier a su habilement naviguer entre alliances stratégiques, rivalités et ascension vers le pouvoir. Des grandes et puissantes figures de l’époque s’allièrent à Ieyasu, parmi eux se trouvent : Oda Nobunaga et Toyotomi Hideyoshi.
► Ses alliés : Oda Nobunaga et Toyotomi Hideyoshi
Ieyasu Tokugawa forme une alliance stratégique en 1561 avec un influent et ambitieux guerrier, Oda Nobunaga. Cette association marque les tout premiers pas vers une réunification du pays.
Cette première alliance permit à Ieyasu de soutenir son pouvoir dans la province de Mikawa, mais également d’obtenir tout le soutien politique et militaire de Nobunaga. Ensemble, ils ont combattu et vaincu de nombreux clans rivaux comme les Takeda lors de la bataille de Nagashino en 1575. En unissant leurs forces, ils ont battu un autre adversaire : le clan Uesugi, dirigé par Uesugi Kenshin.
En 1582 survient l’assassinat du grand seigneur de guerre Nobunaga. Cet événement marque un changement d’entente. Ieyasu s’allie rapidement avec Toyotomi Hideyoshi qui s’est empressé de prendre la succession de l’unification du Japon. Bien que ces derniers étaient autrefois rivaux, ils ont su maintenir une relation de coopération et de respect.
Ces alliés de taille ont permis à Ieyasu d’étendre davantage son autorité et son influence. Il a notamment réussi à accroître ses territoires et ainsi acquérir une réelle expérience dans l’art de la guerre et de la gouvernance.
► La bataille de Sekigahara : un tournant historique
Toyotomi Hideyoshi tombe malade en 1598, avant de mourir, il décide de mettre en place “le Conseil des Cinq Anciens”. Ces derniers ont pour rôle de gouverner jusqu’à ce que son fils Hideyori, alors âgé de cinq ans, soit en âge de régner. Ieyasu Tokugawa étant le plus puissant parmi les cinq membres, met tout en œuvre pour s’approprier le pouvoir à la mort de Toyotomi.
Dès lors, les daimyos se scindèrent en deux groupes distincts. À l’ouest du Japon, se trouvent essentiellement les défenseurs de Ishida Mitsunari, loyaliste de Hideyoshi alors que ceux à l’est soutiennent Ieyasu.
Les deux camps s’affrontent le 21 octobre 1600 lors d’une grande bataille à Sekigahara. Cet affrontement marque un moment décisif dans l’histoire japonaise.
Ieyasu Tokugawa à rassemblé une vaste coalition de daimyo. Grâce à son habileté diplomatique, il réussit à convaincre certains seigneurs de changer de camp et s’allier à lui pour cette lutte.
Malgré les conditions météorologiques difficiles le jour de la bataille, les troupes de Ieyasu ont su déstabiliser ses ennemis et ainsi prendre le dessus.
Cette victoire décisive pour Ieyasu marque un tournant historique et met fin à la période des provinces en guerre, la période Sengoku. S’ouvre alors une époque de changements radicaux pour le Japon féodal.
La mise en place d’un nouveau gouvernement : le shogunat Tokugawa
Avec son écrasante victoire durant la bataille de Sekigahara, Ieyasu s’affirme comme le dirigeant incontesté du Japon. Il crée alors l’un des plus puissants shogunat de l’histoire : le shogunat Tokugawa. Une nouvelle ère se forme avec un gouvernement unificateur. Des réformes et une paix durable se mettent alors en place, on l’appelle la période d’Edo.
► Le premier shogun d’une longue dynastie (1603-1868)
Deux ans après la bataille de Sekigahara, en 1603 Ieyasu Tokugawa est nommé shogun par l’empereur. Il consolide ainsi son pouvoir et inaugure le shogunat Tokugawa qui va gouverner le pays pendant plus de deux siècles (1603-1868).
Le siège de ce shogunat s’établit à Edo (aujourd’hui Tokyo), faisant de cette ville le centre politique du Japon.
Pour assurer une gouvernance efficace et maintenir une stabilité durable, Ieyasu a mis en place plusieurs réformes. Ces dernières jettent les bases d’un gouvernement centralisé et d’une société ordonnée qui caractérisent cette nouvelle période de paix.
► Nouvelles réformes politiques et sociales
Une des premières réformes de Ieyasu a été la centralisation du pouvoir. Le système de sankin-kotai fut instauré. Avec cela, il oblige les daimyos à résider alternativement à Edo et au sein de leurs domaines. Cette mesure permet de renforcer le contrôle du shogunat sur les seigneurs féodaux, mais également de stimuler le développement économique d’Edo.
Sur le plan social, une hiérarchie divisant la population en classes distinctes voit le jour. Nous avons alors :
- les samouraïs ;
- les paysans ;
- les artisans ;
- les marchands.
Cette réforme politique et sociale permet d’introduire une nouvelle structure. Une stabilité et un contrôle de la société assurent que chaque classe remplit son rôle.
Un renouveau administratif et politique économique
Durant le shogunat Tokugawa, une importante restructuration administrative s’est mise en place. Celle-ci a permis d’instaurer un nouveau gouvernement organisé et efficace. L’instauration de bureaux et de ministères spécialisés a contribué à cet essor.
Afin de s’assurer de la stabilité économique, Ieyasu introduit des réformes foncières et fiscales efficaces. Il réorganise les terres et redistribue les fiefs pour affaiblir les seigneurs indisciplinés et renforcer ses alliés.
Concernant les impôts, ils étaient prélevés en fonction de la production agricole, ce qui encourage une meilleure gestion des terres et une augmentation de la production.
Quant au commerce intérieur, il fut stimulé par l’amélioration des infrastructures comme la construction de routes et de relais. Ce développement permet dès lors de faciliter les échanges et le transport des marchandises.
La politique économique de Ieyasu s’est aussi penchée sur le contrôle des ressources et des marchés. Ce dernier a encouragé le commerce et la production artisanale, le tout en instaurant le monopole sur certains produits comme le fer, l’or ou encore le sel. Cette mesure a permis d’enrichir le shogunat, mais a également soutenu le développement économique.
L’esprit d’isolement national du Japon (sakoku)
Sous le shogunat Tokugawa, le Japon a adopté un esprit d’isolement national que l’on appelle Sakoku qui signifie « fermeture du pays”.
C’est au début des années 1630 que cette politique fut adoptée, lorsque Ieyasu ordonna l’expulsion des missionnaires chrétiens présents sur le sol japonais. Elle continue sous le règne de Tokugawa Iemitsu, le petit-fils de Ieyasu. Cela visait à minimiser les influences étrangères pour maintenir une certaine stabilité.
La Sakoku est caractérisée par les mesures strictes mises en place. Les Japonais ne pouvaient pas quitter le pays. Le commerce et les échanges avec l’extérieur étaient quant à eux sévèrement restreints. Certains lieux de marché, principalement à Nagasaki, sur l’île de Dejima, sont alors autorisés. Là-bas, les Néerlandais et les Chinois commerçaient sous conditions.
Les principaux objectifs de cette politique d’isolement national sont :
- Le contrôle politique : limiter les influences extérieures pour permettre au shogunat de mieux gérer les daimyos. Le but ici est d’éviter au maximum la formation d’alliances avec les puissances étrangères qui pourraient nuire à l’autorité.
- La mise en place d’une autonomie économique : réduire radicalement les dépenses lors d’échanges internationaux. Le Japon pourrait alors favoriser le développement de sa propre économie interne.
Cet esprit d’isolement national adopté par le pays a aidé le développement d’une culture unique et une économie interne solide.
L’héritage de Ieyasu Tokugawa à sa dynastie
Ieyasu Tokugawa a laissé un héritage de taille à sa dynastie. En fondant le shogunat Tokugawa en 1603, il réussit à instaurer un gouvernement centralisé et unifié. Il est celui qui mit un terme à une ère de guerres destructrices.
► La Pax Tokugawa
La Pax Tokugawa correspond à une vaste période de paix et de stabilité instaurée lors du shogunat Tokugawa. Ieyasu parvient à unifier un Japon autrefois meurtri par des guerres civiles entre daimyo. Il est qualifié comme celui qui mit fin aux hostilités à travers d’importantes réformes politiques, sociales et économiques.
La Pax Tokugawa fut une période de floraison culturelle d’un point de vue artistique et intellectuel. La paix durable et la stabilité au cœur du pays ont contribué et encouragé le développement de certains arts comme :
- La littérature ;
- Le théâtre kabuki ;
- La philosophie néo confucianiste ;
- Les estampes ukiyo-e.
Tout cela a permis la croissance vers l’âge d’or de la culture japonaise.
De plus, économiquement, cette période a vu une croissance significative de l’agriculture, de l’artisanat et du commerce intérieur. L’essor des infrastructures comme les routes et les canaux ont favorisé ces importants changements.
► L’impressionnant sanctuaire Toshogu de Nikko
Enterrez-moi au Mont Kuno (dans la préfecture de Shizuoka) pendant un an, puis construisez un petit sanctuaire à Nikko où vous vénérez mon âme comme un dieu. Alors je viendrai, le protecteur de la famille Tokugawa et tout le Japon.
Le sanctuaire Toshogu, situé à Nikko, est un lieu emblématique au Japon, dédié à la mémoire de Ieyasu Tokugawa. Il fut construit en 1617, peu après la mort de Ieyasu, par son fils et successeur Hidetada.
Cet impressionnant sanctuaire shinto sert de mausolée pour le grand unificateur du Pays du Soleil Levant. Il est désigné comme un symbole de l’héritage et de la puissance de la dynastie Tokugawa.
Le Toshogu est également connu pour sa magnifique architecture. Le complexe est composé de plusieurs bâtiments somptueusement sculptés, ornés de feuilles d’or et des peintures colorés y sont exposés.
La porte Yomei, plus connue sous le nom de “porte du crépuscule” et la sculpture des trois singes sages sont les éléments les plus célèbres.
Outre le fait d’être un site religieux, ce sanctuaire revêt le rôle de monument culturel important au Japon. Il accueille des milliers de visiteurs chaque année, tous viennent admirer l’architecture du lieu, mais également rendre hommage à l’illustre unificateur du pays, Tokugawa Ieyasu.
Inscrit depuis 1999 au Patrimoine mondial de l’UNESCO, ce lieu symbolise la grandeur de l’ère d’Edo. Il reflète également le respect qui perdure dans le temps pour le fondateur du shogunat Tokugawa.
Tokugawa Ieyasu, grand unificateur du Japon, s’inscrit comme figure emblématique pour le pays. Il a surmonté les défis qui se présentaient à lui durant l’époque Sengoku grâce à ses alliances stratégiques et son habileté politique. Une ère de paix et de stabilité durable a pris place, laissant derrière elle le chaos. Les réformes politiques et sociales mises en place ont permis de renforcer un pouvoir centralisé. Un développement économique et culturel a également favorisé l’essor du Pays du Soleil Levant. Ainsi, Ieyasu et son héritage perdurent à travers le shogunat Tokugawa pendant plus de deux siècles.
Si vous souhaitez connaître un peu plus le Japon, nous vous proposons de découvrir les créatures fantastiques de ce pays, que sont les yōkai.
Marie Sergent
