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18 juin 1940 : l’appel du général de Gaulle

Le 18 juin 2022, nous commémorons les 82 ans de l’appel à la résistance du général de Gaulle, le 18 juin 1940. Acte héroïque resté dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) et de la France, il n’en demeure pas moins que Charles de Gaulle était à cette époque un militaire largement méconnu du grand public et, aux yeux du nouveau régime de Vichy qui allait alors prendre place en France en ces jours sombres, un déserteur et un traître à sa patrie. Pour cet anniversaire, revenons sur cet appel du général de Gaulle du 18 juin 1940 afin de comprendre pour quelles raisons il a été nécessaire et en quoi cette voix lancée dans l’histoire a changé le destin de la France et du deuxième conflit mondial.

18 juin 1940 : l’appel du général de Gaulle - Le blog du hérisson
Le générale Charles de Gaulle lors de son célèbre appel à la résistance ©Wikimedia Commons

L’épreuve de la Seconde Guerre mondiale

• La débâcle française

En 1939, éclate la Seconde Guerre mondiale. Elle oppose l’Allemagne nazie d’Adolf Hitler, l’Italie fasciste de Benito Mussolini et leurs alliés à la France, le Royaume-Uni et leurs alliés. L’URSS et les États-Unis ne rentreront dans ce conflit qu’en 1941. Du reste, en ce qui concerne la France, les premiers combats n’éclatent qu’en mai 1940 lorsque les Allemands envahissent notre territoire par la forêt des Ardennes. Très vite, la situation devient critique car les défenses françaises sont percées par l’attaque éclair des chars ennemis. L’armée française, surprise par l’offensive allemande, est débordée. Des millions de civils affluent sur les routes en direction du sud du pays afin de fuir les nazis dont l’avancée vers Paris est inexorable : c’est l’exode. En quelques semaines seulement et alors même que l’armée française était réputée comme étant l’une des meilleures du monde, la guerre semble déjà perdue. Dans cette débâcle catastrophique, le gouvernement français dirigé par Paul Reynaud fuit la capitale pour se réfugier à Bordeaux. Le 14 juin, soit un mois après le début des hostilités, les Allemands et Hitler entrent à Paris pour défiler victorieusement sur les Champs-Élysées.

• Un très jeune général de brigade nommé Charles de Gaulle

À cette époque, de Gaulle a 49 ans. Né à Lille le 22 novembre 1890, il s’est destiné très tôt à une carrière militaire. Il participe à la Première Guerre mondiale pendant laquelle il est promu au grade de commandant de compagnie. Blessé deux fois, il participe à la bataille de Verdun avant d’être fait prisonnier pour 32 mois de captivité en Allemagne. Durant l’entre-deux-guerres, il devient colonel et milite pour une stratégie offensive en cas de nouveau conflit tout en préconisant la modernisation de l’armée avec le recours au char et à l’aviation. Lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale, c’est lui qui dirige la 4e division cuirassée de l’armée française qui n’est toutefois pourvue que de forces très limitées. Il ne devient d’ailleurs général de brigade que le 25 mai 1940, nommé seulement à titre temporaire.

Le 05 juin, en pleine débâcle, Paul Reynaud l’invite à rentrer dans le nouveau gouvernement qui vient d’être formé en tant que sous-secrétaire d’État à la guerre. C’est dans ce cadre que de Gaulle se rend plusieurs fois au Royaume-Uni pour solliciter l’aide de Winston Churchill, le Premier ministre britannique de l’époque. Contrairement à plusieurs autres membres du gouvernement, dont le maréchal Philippe Pétain, il est toujours persuadé que la défaite française face aux nazis n’a rien d’inéluctable et que la victoire finale est toujours possible. En un mot, il est toujours déterminé à se battre tandis que le découragement et le défaitisme ont déjà gagné les plus hautes sphères de la société et du gouvernement français.

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Charles de Gaulle (à droite) au côté du Président Albert Lebrun ©Wikimedia Commons

• Le basculement : la demande d’armistice de Pétain

Le 16 juin 1940, Paul Reynaud cède et décide de démissionner. Le président de l’époque, Albert Lebrun, invite alors le maréchal Philippe Pétain à devenir le chef du nouveau gouvernement français. Pétain jouit d’un prestige et d’une popularité énormes partout en France. Vainqueur de la célèbre bataille de Verdun en 1916, c’est une gloire de la Première Guerre mondiale. Beaucoup voient donc en lui le seul espoir afin de sauver la France de cette situation dramatique, même s’il est déjà âgé en 1940 de 84 ans. À ce moment tout juste revenu de Londres après une mission diplomatique, de Gaulle saisit immédiatement que le vent a tourné. S’étant déjà plusieurs fois opposé à Pétain et aux autres généraux qui prônaient une demande d’armistice pour sortir du conflit, il a déjà compris quelle sera la première décision de Pétain et que son désir de continuer la lutte le place dans une situation très délicate en France. C’est ainsi que le général de Gaulle prend la décision de retourner immédiatement à Londres. Nous sommes le 17 juin 1940. Ce même jour, le maréchal Pétain réalise un discours où il demande officiellement la fin des combats à l’Allemagne nazie et la signature de l’armistice. Par la suite Pétain mettra en place le régime de Vichy, un régime autoritaire qui collaborera avec l’Allemagne nazie et Hitler.

Apprenant cette nouvelle à Londres, de Gaulle demande aussitôt à Churchill l’autorisation de prononcer à son tour un discours à la radio londonienne de la BBC le lendemain. Ce général, aussi grand par sa taille (1,93 m) que par son sens du devoir, a déjà compris ce que la décision qu’il vient de prendre implique pour lui. En ayant fui la France et en s’opposant ainsi au gouvernement et à ses supérieurs hiérarchiques, il sera accusé de désertion et de haute trahison.

L’appel du 18 juin 1940 : une voix dans l’histoire

• La volonté de résister à l’Allemagne et de continuer la lutte

Le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non !

Tels sont les mots plein d’assurance du général de Gaulle qu’il prononce à la radio de la BBC le 18 juin 1940 à 20h.

Son opinion est claire : la guerre n’est pas finie. Dans son discours très intéressant, il expose les raisons qui ont amené la France dans cette situation critique : la supériorité de l’armement et de la tactique allemands. Alors, pourquoi tout espoir n’est-il pas perdu selon lui ? Tout simplement parce que de Gaulle avait déjà compris, peut-être avant d’autres, que cette guerre était une « guerre mondiale » et que la France n’était pas seule :

  • Premièrement, parce qu’elle avait encore à cette époque un énorme empire colonial derrière elle, avec de vastes territoires en Afrique du Nord par exemple ;
  • Ensuite, car la France avait encore un allié sur lequel elle pouvait compter : le Royaume-Uni ;
  • Enfin, parce qu’il pressentait que les États-Unis rentreraient un jour dans le conflit et qu’ils leur apporteraient l’aide de leur armée et de leur immense industrie.

Dans son discours, de Gaulle invite donc tous les officiers, les soldats et toutes les personnes en général qui souhaiteraient continuer la lutte à le rejoindre à Londres. En concluant avec ce message resté dans l’histoire :

Quoi qu’il arrive, la Flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas.

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Pas un, mais plusieurs appels passés par de Gaulle à la BBC pendant la guerre ©Wikimedia Commons

• Un discours célèbre et pourtant passé presque inaperçu

De Gaulle est le seul officier de l’armée française à s’être aussi tôt et aussi clairement opposé à l’armistice demandé par le maréchal Pétain, qui sera signé le 22 juin avec les Allemands. Chaque année, nous fêtons le souvenir de ce discours qui, dans notre imaginaire collectif, a fait basculer le destin de la guerre et de la France. Et pourtant… Comme nous l’avons dit, de Gaulle est presque inconnu en France à cette époque. Pire : son discours est en réalité très très peu entendu en métropole ! Ce n’est que parce qu’il va réaliser par la suite d’autres allocutions radiophoniques, dès le 22 juin puis durant l’été 1940, qu’il va commencer à se faire un nom et que ses appels à la résistance vont trouver écho auprès de certains. Aujourd’hui, il n’existe même pas d’enregistrement de son discours, ce qui peut laisser présager de l’importance limitée que donnait alors la BBC à son entreprise.

Reste que le mythe de cet appel a longtemps fait de de Gaulle le seul Français en 1940 à avoir exprimé une volonté de résistance. C’est bien évidemment faux. À la suite de la débâcle et de l’armistice, de nombreux Français anonymes ont, là où ils vivaient et avec leurs moyens, commencé à s’opposer à l’envahisseur, à avoir des comportements et à mener des actions qui peuvent être caractérisés de « résistants ». Cela a donné au fur et à mesure naissance à des mouvements qui ont opéré anonymement sans forcément savoir que d’autres personnes réalisaient peut-être également dans leur environnement de telles actions patriotiques. Il n’en demeure pas moins que Charles de Gaulle est devenu, par son appel, le visage de la résistance française.

• L’impact de l’appel du 18 juin 1940

Si le discours du 18 juin n’a eu qu’une portée très limitée, nous pouvons tout de même affirmer que la volonté tenace de ne pas céder et de continuer le combat que de Gaulle a exprimé dans cette allocution et les suivantes ont donné un nouvel élan au rôle de la France dans la Seconde Guerre mondiale. Si de Gaulle a eu tout d’abord l’impression d’être un « homme seul », de plus en plus de Français vont commencer à le rejoindre à Londres. Grâce à ces milliers de volontaires, de Gaulle crée une organisation de résistance extérieure : les Forces Françaises Libres, qui continuent la guerre au côté du Royaume-Uni et des alliés. En 1943, c’est sous son autorité que Jean Moulin parvient à unir tous les réseaux français de résistance sur le territoire national. À partir de cette date-là, de Gaulle est reconnu comme le seul chef de la résistance française. Au fil du conflit, il va aussi s’imposer aux yeux des Français et des grandes puissances étrangères comme le vrai représentant de la France, mais non sans difficultés. En 1944, les résistants restés en France vont alors se muer en vrais groupes de combat appelés les FFI : les Forces Françaises de l’Intérieur. Ces dernières vont prendre une part active dans la réussite du débarquement allié du 06 juin 1944 qui permettra la libération du territoire français. Ce n’est que le 14 juin 1944 que de Gaulle revient en France, presque 4 ans après l’avoir quitté. Il se portera à la tête du Gouvernement Provisoire de la République Française, réunissant les principaux responsables de la résistance, dans le but de refonder la république abattue par la guerre et le régime de Vichy.

Finalement, cet appel et, plus largement, l’action héroïque du général de Gaulle à ce moment où de nombreuses personnes étaient persuadées que tout était perdu, ont eu un impact fondamental. Grâce à eux et à ce qui en a découlé, de Gaulle a repositionné la France aux côtés des alliés et donc des futurs vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale après la capitulation allemande du 08 mai 1945. Plus important encore, il a permis de redonner à la France son honneur perdu après sa défaite et surtout la collaboration de Vichy avec l’Allemagne nazie.

En définitive, se souvenir de l’appel de Charles de Gaulle et de l’action de tous ces résistants courageux et anonymes qu’il a personnifié est un réel devoir de mémoire. Car ne dit-on pas, comme l’a souligné autrefois Machiavel, que « pour prévoir l’avenir, il faut connaître le passé » ? N’hésitez pas à découvrir nos autres articles d’histoire !

Johann Sonneck

18 juin 1940 : l’appel du général de Gaulle

2 réflexions sur “18 juin 1940 : l’appel du général de Gaulle

  • Article très enrichissant ! Merci de faire un point sur cet homme.

    Je mets cet article en favori pour une relecture occasionnelle !

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