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Avion à hydrogène : aviation décarbonée ?

L’avion à hydrogène est plus que jamais d’actualité dans un contexte de transition écologique. Les constructeurs aéronautiques d’aujourd’hui et de demain ont développé de multiples prototypes et des vols d’essai ont déjà été effectués avec succès. L’avion à hydrogène est-il la promesse d’une aviation décarbonée ? On vous explique tout sur l’aéronef d’un futur qui se veut vert.

Avion à hydrogène : aviation décarbonée ? - Le blog du hérisson

Comment fonctionne un avion à hydrogène ?

Lorsqu’on parle d’avion à hydrogène, on parle en fait, d’avion alimenté par le biais du dihydrogène (H2), une molécule composée de deux atomes d’hydrogène, que l’on trouve naturellement à l’état gazeux. Deux technologies diamétralement opposées, permettent actuellement de se servir de cet élément chimique de façon efficiente.

► Pile à combustible

Via une pile à combustible, l’hydrogène est converti en électricité grâce au processus d’oxydation du dihydrogène. L’électricité ainsi produite, permet par la suite d’alimenter le moteur électrique ou les batteries de l’avion. Ce procédé nécessite que l’aéronef dispose de réservoirs conçus pour contenir de l’H2 sous pression, d’une pile à combustible capable de le convertir en énergie électrique, d’une batterie pour stocker l’électricité et d’un moteur électrique.

► Moteur thermique

Ce deuxième cas de figure permet de remplacer le kérosène contenu dans les réservoirs par de l’hydrogène. Brûlé dans un moteur thermique, celui-ci génère de la chaleur capable de propulser l’avion.

Genèse de l’avion à hydrogène

Si, faire voler des avions en se servant de l’hydrogène comme source d’énergie principale, devient à présent envisageable, l’idée avait déjà germé.

► Le Tupolev TU-155

Il y a plus de trente ans, l’avionneur Russe Tupolev, avait déjà mis au point le premier prototype d’avion à hydrogène, le Tupolev Tu-155. Développé sur la base du Tu-154, il a été le premier avion expérimental à fonctionner à l’hydrogène liquide. Pour des raisons techniques, seul un de ses trois moteurs en utilisait, les deux autres contenaient du JET-1A, de type kérosène. L’appareil réalisera son premier vol d’essai le 15 avril 1988 d’une durée d’une vingtaine de minutes, à une altitude de 600 mètres. Un exploit pour l’époque ! Mais la chute de l’Union soviétique en 1991 et le déclin économique qui en découlera, anéantiront toute perspective d’une potentielle production industrielle de cet aéronef.

Il aura fallu attendre l’année 2008 pour observer une avancée significative dans le développement d’avions propres. Le constructeur aéronautique américain Boeing, avait annoncé être parvenu à propulser grâce à une pile à hydrogène, un petit modèle à hélice d’une envergure de 16,3 mètres qui aurait réussi à voler une vingtaine de minutes.

L’aviation décarbonée : utopie ou réalité ?

Zéro émission de CO2 d’ici 2050, tel est le défi de taille sur lequel les représentants de 193 États réunis lors de l’assemblée de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) le 7 octobre 2022, se sont mis d’accord. Pour atteindre cette ambition, les compagnies aériennes estiment qu’il sera nécessaire d’injecter pas moins de 1.550 milliards de dollars. Une somme d’argent conséquente qui devra être supportée en bonne partie par les gouvernements. À cet investissement, s’ajoutent des difficultés techniques relatives aux caractéristiques de l’hydrogène qui pourraient faire craindre que la réalité d’une aviation décarbonée ne soit qu’utopie.

► Les contraintes inhérentes aux propriétés de l’hydrogène

La volonté des constructeurs aéronautiques s’inscrit dans une démarche de transition écologique nécessaire qui impose des contraintes conséquentes auxquelles ces derniers doivent faire face.

Stockage

Les développeurs d’avions propres ont fait le choix de l’hydrogène comme substitut aux combustibles polluants, un choix qui s’explique par les propriétés nombreuses et prometteuses de ce gaz. Mais son usage soulève un certain nombre de difficultés dont son stockage à bord des avions.

Soumis à une pression atmosphérique normale et conservé à température ambiante, le H2 occupe un volume nettement plus important que les autres gaz. À titre de comparaison, à l’état gazeux, bien que trois fois plus léger que le kérosène qu’il est censé remplacer, il est néanmoins quatre fois plus volumineux pour une énergie égale.

Plusieurs options s’offrent aux avionneurs pour contrer la difficulté de stockage à laquelle ils se heurtent. La pressurisation de la molécule de H2 à 700 bar permet de réduire le volume qu’il occupe mais cela reste insuffisant.

Pour augmenter encore sa densité énergétique et obtenir un poids et un volume plus raisonnable encore, il faut transformer l’hydrogène de l’état gazeux à l’état liquide en le stockant à une température de -253°C. Sa conservation requiert des réservoirs de stockage cryogéniques adaptés, qui impliquent de repenser l’entièreté de la conception ainsi que les matériaux des avions.

Production

L’hydrogène a comme avantage d’être l’élément le plus abondant de l’univers. Cependant, sur terre, son extraction n’est pas chose aisée car il est toujours mélangé à d’autres atomes qu’il est difficile de séparer. On retrouve par exemple de l’hydrogène dans l’eau mais couplé à un atome d’oxygène. Il est donc nécessaire de le récupérer en le séparant des autres molécules auxquelles il est lié. Pour ce faire, il existe actuellement deux méthodes.

La première provient du vaporeformage d’hydrocarbures. Ce procédé représente plus de 90 % de la production planétaire. L’utilisation de cet hydrogène appelé « gris » ou « bleu », ne présente pas d’intérêt dans la démarche écologique dans laquelle l’industrie aéronautique est engagée car sa production génère de fortes émissions de CO2. À l’heure actuelle, il s’agit du processus industriel le plus abouti.

La deuxième technique nécessite de recourir à l’électrolyse de l’eau, laquelle permet de dissocier les molécules d’eau et de dihydrogène. Mais là encore, l’obtention de dihydrogène « vert »  est conditionnée à l’utilisation d’électricité durable, produite par des énergies renouvelables ou nucléaires. D’autres difficultés découlent de la nécessité d’une production décarbonée :

  • l’énergie que cela nécessite ;
  • son coût économique total ;
  • la nécessité de recréer une filière de production et de déployer un réseau de distribution et de stockage au sein des aéroports.

Les avions propres prennent leur envol

L’année 2023 semble être l’année de tous les records pour l’aviation propre avec déjà plusieurs essais d’avions qui ont pris leur envol avec succès, dont deux, que l’on se doit de citer.

► Premier vol d’essai pour un avion commercial

Dans le cadre du programme HyFlyer II, soutenu par le gouvernement britannique, la société anglo-américaine ZeroAvia, a réussi l’exploit de faire voler le 23 janvier 2023 son Dornier 228, un bimoteur de 19 places, 100 % électrique. Des modifications y ont été apportées avec l’installation d’un moteur hydrogène/électrique alimenté par deux piles à combustible et des batteries lithium-ion. Depuis l’aéroport de Cotswold au Royaume-Uni, celui-ci a effectué un vol d’essai de dix minutes : un record pour un avion commercial.

Le 2 mars, c’est le Bombardier Q Series, aussi connu sous le nom de Dash 8, qui a décollé pour un vol d’essai d’une durée de 15 minutes. Il utilise un moteur Pratt & Whitney classique sous l’une de ses ailes et un moteur électrique alimenté par une batterie à l’hydrogène liquide sous l’autre. Après son décollage, le pilote a réduit la puissance de l’un de ses moteurs pour ne voler qu’avec son unique moteur vert.

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©ZeroAvia

► Les projets d’avions décarbonés d’Airbus

Dans cette course contre la montre à la fois écologique et existentielle, Airbus a annoncé le 3 novembre 2022 qu’il entendait tester le prototype d’un propulseur à pile à combustible fonctionnant à l’hydrogène dans l’objectif d’une commercialisation à l’horizon 2035.

Airbus travaille d’arrache pied au développement d’un moteur à pile à combustible qui ne dégagerait que de la vapeur d’eau. La firme pense modifier l’A380 afin qu’il puisse transporter de l’H2 sous sa forme liquide dans des réservoirs prévus à cet effet. Le système de propulsion envisagé serait en mesure de transporter 100 passagers sur une distance de 1850 kilomètres. Alors que les premiers essais au sol devraient avoir lieu en 2023, ceux en vol sont eux attendus pour la fin de l’année 2026. Pour mener à bien ce projet, le constructeur s’est associé au motoriste CFM International.

Parallèlement, les ingénieurs planchent déjà depuis plusieurs années sur un autre projet.  Le constructeur a en effet dévoilé en 2020 trois concepts d’avions décarbonés baptisés ZEROe, aux formes diverses, qui permettraient d’explorer différentes pistes technologiques et options aérodynamiques.

Un investissement important, qui devrait permettre à l’avionneur d’affiner sa stratégie et ses choix en termes de technologie.

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À l’heure où les concentrations de CO2 atteignent des niveaux inquiétants, les défis à relever sont encore nombreux pour que l’aviation à hydrogène devienne une réalité. L’objectif annoncé de 2035, permettra certainement aux acteurs du secteur aéronautique de mettre en place des synergies qui contribueront à l’émergence de solutions nouvelles. Il est fort à parier qu’il sera aussi question d’ici là de revoir le paradigme actuel de notre façon de voyager !

Sonia Gharbi

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