Science

Caractéristiques du HPI : préjugés et réalité

Les caractéristiques du HPI (Haut Potentiel intellectuel) sont alarmistes. Hypersensibilité, anxiété ou encore inadaptation sociale seraient les signes d’une intelligence supérieure. Cette croyance générale qui assimile la douance à un handicap a la peau dure. Mais le prétendu mal-être généré par un quotient intellectuel élevé est une légende. Aucune étude scientifique ne l’a jamais démontré ! Alors, depuis une dizaine d’années, des chercheurs tentent de faire la lumière pour différencier les faits des opinions relayées dans les médias. Mais quelles sont les idées reçues sur les surdoués ? Et pourquoi perdurent-elles ? Dans cet article, nous allons démêler le vrai du faux pour mettre au jour les réelles spécificités des personnes HPI.

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Symptômes du Haut Potentiel intellectuel : des signes fantasmés

Le Haut Potentiel intellectuel n’engendre pas de symptômes. Ce n’est pas une maladie, mais une caractéristique, qui offre à celui qui en est doté un remarquable avantage.

• L’hypersensibilité du surdoué

L’idée la plus répandue chez les personnes surdouées est leur hypersensibilité. Elles ressentiraient les émotions de façon plus intense et auraient des sens plus développés que la moyenne. Cette sensibilité émotionnelle et sensorielle exacerbée entraînerait angoisse et souffrance. Pourtant, les publications scientifiques contredisent ce cliché.

En 2013, la chercheuse Sophie Brasseur a fait visionner des extraits de films à caractère émotionnel à un groupe d’individus. Elle conclut dans sa thèse qu’il n’y a pas plus d’émotions suscitées chez les HPI. En 2015, le psychologue Nicolas Gauvrit a recensé les 13 études existantes sur le rapport entre douance et anxiété. 5 ne constatent aucun lien et 6 rapportent qu’ils sont moins anxieux…

Avoir des aptitudes cognitives supérieures serait plutôt un avantage pour reconnaître et maîtriser ses émotions. On observe d’ailleurs une plus grande capacité de résilience dans cette population. Bien sûr, certains peuvent être émotionnellement fragiles, comme tout un chacun. Mais leur fonctionnement cognitif efficient n’en est pas la cause.

• Le cerveau atypique des HPI

Un trait fréquemment associé aux profils à hautes potentialités est une pensée en arborescence. C’est pourtant un mode qui ne leur est pas spécifique. Nous pouvons tous avoir de multiples idées à partir d’une même source. Et aucun être humain ne peut penser à deux choses simultanément ! Cette théorie fantaisiste n’a d’ailleurs jamais traversé les frontières…

La différence de fonctionnement cérébral n’est que quantitative : elle réside dans la vitesse du traitement de l’information. Les surdoués utilisent un réseau de connexions cérébrales plus court. Ils ont une pensée plus rapide et plus active, qui leur permet de faire des liens efficaces. Les recherches montrent qu’ils ont en moyenne plus d’idées que les autres, ce qui les prédisposerait à être plus créatifs.

Cette efficacité neuronale est un atout considérable dans le processus d’apprentissage. Elle facilite l’exécution de tâches simples en mobilisant moins de ressources. Alliée à une grande capacité de mémoire, elle permet aux enfants précoces d’être performants à l’école. D’où l’importance de leur inculquer le goût de l’effort pour ne pas tomber dans le piège de la facilité.

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• Un tiers des enfants précoces en échec scolaire

Pour cause de décalage, d’ennui et de démotivation, ces élèves souffriraient de leur scolarité. Un tiers serait même en échec scolaire ! Cette donnée a été reprise de nombreuses fois sans jamais avoir été vérifiée. Certains médias ont même avancé une proportion de 70 % de HPI en difficulté. Encore une fois, ces affirmations sont en contradiction avec les conclusions des experts.

Les travaux dont nous disposons indiquent que plus les enfants ont un QI élevé, mieux ils réussissent à l’école. Ils sortent moins fréquemment du système éducatif et ont de meilleurs résultats en termes de motivation et d’auto-efficacité. L’Éducation nationale fait le même constat : seul 1 % des surdoués n’a pas obtenu le brevet contre 13 % pour le reste des collégiens.

La corrélation entre précocité intellectuelle et réussite scolaire est donc positive. En outre, la douance est aussi un facteur de succès professionnel. Statistiquement, plus le QI est haut, meilleures sont les chances d’atteindre un niveau de diplôme supérieur, des revenus plus élevés et une plus grande satisfaction au travail.

• Les troubles associés à la précocité intellectuelle

Le petit intello à lunettes, gauche et peu dégourdi, est un stéréotype bien ancré dans notre imaginaire. Excepté pour le trouble visuel, cette image caricaturale est erronée. Il n’y a pas plus de difficultés graphiques ou motrices chez les HPI que dans la population générale. Et contrairement à la croyance populaire, pas plus d’hyperactivité ou de trouble autistique non plus.

La neuropsychologue Laurence Vaivre-Douret a mis en évidence une avance de 1 à 2 mois dans le développement moteur des bébés surdoués. Très toniques, ils acquièrent rapidement coordination et autonomie de mouvement. La plus longue étude sur les très hauts QI (Lewis Terman, 1921) va dans le même sens. Elle rapporte qu’ils sont en moyenne plus grands, plus robustes et plus sportifs.

En revanche, la science confirme la proportion plus importante de myopes chez les HPI.
La recherche la plus récente date de 2022 et révèle une probabilité plus élevée de 93 % ! Cela s’expliquerait par des gènes communs entre l’intelligence et la myopie, mais ce phénomène reste encore à éclaircir.

Faux experts et vrais chercheurs du monde de la douance

Ces dernières années, de véritables experts de la douance dénoncent les légendes qui entourent le Haut Potentiel. Ils tentent d’alerter l’opinion publique sur le manque de rigueur qui a mené à cette représentation caricaturale.

• Un statut de victime de la douance à partir d’un échantillon biaisé

Les psychologues ont bien relevé des difficultés émotionnelles et sociales chez les personnes HPI venues en consultation. Mais l’erreur a été de généraliser ces observations et de conclure que la précocité en était responsable. Or, seules les personnes en souffrance se rendent en cabinet et s’adressent à un professionnel.

Les mouvements associatifs de parents et d’adultes surdoués ont également participé à la création de ces mythes. Partant du même constat, ils ont établi un lien entre vulnérabilité et surdon. Mais les membres de ces associations ne constituent pas non plus un échantillon représentatif de la population douée. Toutes les personnes à Haut Potentiel ne ressentent pas le besoin de se regrouper ni d’être soutenues.

Par conséquent, les analyses qui ont mené à désigner la haute intelligence comme facteur de vulnérabilité ont été réalisées à partir d’un échantillon biaisé. Un rapport de l’Éducation nationale de 2002 estime à 5 % le nombre d’enfants précoces recensés par les cliniciens et les associations… En effet, la plupart des personnes qui disposent d’une intelligence supérieure ne le savent pas. Et celles qui se sont fait tester et qui vont bien ne sont pas en quête de reconnaissance.

• Propagation des idées reçues sur la haute intelligence

De nombreux livres ont véhiculé la théorie fataliste du surdouement. L’adulte surdoué de Monique de Kermadec ou Je pense trop de Christel Petitcollin ont été vendus à des milliers d’exemplaires. Trop intelligent pour être heureux ? de Jeanne Siaud-Facchin, à l’origine du terme « zèbre », est même devenu un long-seller.

Ces auteures sont devenues des références dans le domaine de la douance et multiplient conférences et interviews. La très médiatique Jeanne Siaud-Facchin a même fondé sept centres spécialisés dans la prise en charge des HPI. Malheureusement, la plupart de ces ouvrages se réduisent à des témoignages subjectifs. Basés sur des observations cliniques de personnes en difficulté, ils n’ont aucun fondement scientifique.

Néanmoins, les médias se sont emparés du sujet et ont repris ces fausses informations. Sans se référer à l’état actuel des recherches, ils n’ont pas hésité à inviter ces « expertes » de la précocité. Nombre d’articles d’opinion ont vu le jour et ont contribué à alimenter la rumeur. Et la dramaturgie du surdon intellectuel a captivé le grand public.

• L’engouement du grand public pour le surdouement

Dans une société en perte de sens, la précocité intellectuelle fascine. La série HPI avec Audrey Fleurot a d’ailleurs pulvérisé les records d’audience. Nous avons tous envie d’être un génie ou d’avoir mis au monde un petit Einstein. Mais en dépit des apparences, la proportion de surdoués dans la population reste constante. Seuls 2,3 % des individus ont un QI supérieur à 130 et 0,1 % a un indice au-dessus de 145.

Et pourtant, beaucoup d’adultes se retrouvent dans ce profil caricatural. C’est ce que l’on appelle l’effet Barnum, qui est la tendance à se reconnaître dans une description générale. Mais être empathique, émotif, sensible, anxieux, détester l’injustice, se sentir incompris, s’ennuyer, penser tout le temps…  n’est-ce pas tout simplement être humain ?

Sur les réseaux sociaux, les groupes de zèbres pullulent et se partagent toutes les idées spéculatives. Ils s’identifient à ce portrait type, souvent sans même avoir été testés, car le statut de victime du HPI est valorisant. De trop grandes aptitudes cognitives comme explication à un mal-être déculpabilise et rassure. L’individu n’est pas mis en cause, c’est à la société de s’adapter !

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• Les bonnes sources d’information sur l’intelligence

Des chercheurs comme Franck Ramus ou Nicolas Gauvrit  s’emploient à alerter l’opinion et réclament de s’appuyer sur la science. Ils ne nient pas que l’on peut être précoce intellectuellement et mal dans sa peau. Mais ils s’accordent sur le fait que la douance n’est pas responsable de ces difficultés. Ces scientifiques mettent l’accent sur la diversité des profils HPI et rappellent qu’une intelligence supérieure est une chance.

Les bonnes sources d’information sur l’intelligence :

  • le podcast Contes et légendes de l’intelligence d’Élisabeth Feytit ;
  • la conférence Les caractéristiques du HQI, mythes ou réalités ? de Nicolas Gauvrit sur YouTube ;
  • le site Planète Surdoués ;
  • le blog de Franck Ramus, directeur de recherche au CNRS  ;
  • l’ouvrage de Sophie Brasseur et Catherine Cuche : Tout savoir sur le haut potentiel, Bruxelles : Mardaga, 2021, 256 p.

Posséder de hautes capacités cognitives constitue une ressource. Contrairement aux allégations, ce n’est ni un trouble ni une pathologie comportant des symptômes. Le Haut Potentiel intellectuel ne forme pas une personnalité spécifique et n’engendre pas de difficultés particulières. Le savoir, c’est pouvoir sortir de ce processus de victimisation. C’est pouvoir rechercher l’origine de ses maux ailleurs que dans le HPI, et ainsi s’autoriser à se soigner.

Laura Frechilla

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