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David Vann était en France pour présenter Komodo

En juillet 2021, David Vann était en France pour présenter Komodo, son dernier roman. En 2010, l’auteur américain avait conquis les lecteurs français avec l’effroyable Sukkwan Island qui avait reçu le prix Médicis étranger.

David Vann était en France pour présenter Komodo - Le blog du hérisson
David Vann ©Wikimedia Commons

David Vann heureux de retrouver le public

De passage à Toulouse, David Vann était heureux de retrouver le public, prenant le temps de répondre aux questions avec humour et autodérision. Pas une posture mais un authentique plaisir de se prêter au jeu de la promotion ; exercice aujourd’hui disparu aux Etats-Unis. La cause ? Amazon a tué les librairies indépendantes si chères à l’auteur, qui ont cru en lui et fait son succès.

• Komodo : un roman violent inspiré du burn-out de sa sœur

Résumé du livre : sur l’invitation de son frère aîné Roy, Tracy quitte la Californie et rejoint l’île de Komodo, en Indonésie. Pour elle, délaissée par son mari et épuisée par leurs jeunes jumeaux, ce voyage exotique laisse espérer des vacances paradisiaques : une semaine de plongée en compagnie de requins et de raies manta. Mais, très vite, la tension monte et Tracy perd pied, submergée par une vague de souvenirs, de rancœurs et de reproches. Interrogé sur la violence de son héroïne, David Vann confie :

Malheureusement ma sœur est comme ça, même si elle a toujours été sympathique et a toujours veillé sur ses proches. Ce qui était difficile pour elle c’est d’avoir dû élever seule des jumeaux car son mari n’était pas là et elle ne pouvait pas dormir, c’était très compliqué […] Elle ne pouvait pas dire j’en ai marre, je m’en vais… Elle était en burn-out, enfermée dans cette situation.(2)

Récemment, alors qu’il faisait une randonnée avec elle, sa sœur lui confiait s’être imaginée faire de la plongée sous-marine avec son mari… et l’empêcher de respirer.

C’est fou car elle ne sait pas que j’ai écrit précisément cette scène ! Komodo n’est pas publié aux Etats-Unis et j’essaie d’en cacher l’existence à ma famille. J’espère qu’ils ne le découvriront jamais. Mais c’est tellement étrange et fou qu’elle m’ait dit ça à propos de son mari : Je déteste tellement ma vie que je me suis imaginée le priver d’air lors d’une plongée.(1)

• Des romans à mi-chemin entre la fiction et la réalité

David Vann s’est toujours inspiré de sa vie et de son entourage pour écrire mais sans jamais publier de livres autobiographiques. Mélanger la fiction et la réalité a toujours été un exercice facile pour lui, et un grand plaisir.

J’ai écrit des livres qui n’ont rien à voir avec ma propre expérience comme Aquarium ou L’obscure clarté de l’air – puisque ma mère n’a pas tué ses enfants. Dans Komodo, ma sœur est là […] quand j’ai divorcé elle s’est mise en colère, on a eu des disputes et je me suis dit pourquoi pas en faire un roman ! […] Je pense qu’un écrivain est la pire chose qui puisse arriver dans une famille parce que leur histoire est donnée en lecture à beaucoup de personnes. Mais je me dis que s’ils ne veulent pas que j’écrive sur eux, ils n’ont qu’à mieux se tenir !(1)

• Une œuvre sous tension

Excepté Désolations, les livres de David Vann sont plutôt des novelas, des histoires où une même action se déroule tout au long du roman. Pour l’auteur c’est ce qui donne ce sentiment de tension et d’intensité permanente. Dans Goat Mountain l’action se déroule sur deux jours et demi, dans d’autres romans sur une semaine ou deux, dans peu de lieux. Les personnages eux même sont mis sous pression par ces éléments spatiaux-temporels « jusqu’à ce qu’ils se brisent et qu’ils soient révélés. »

• Ses nouveaux projets

À la fin de l’entrevue, David Vann évoque ses nouveaux projets : un livre en cours sur Donald Trump – qui ne verra sûrement jamais le jour – et l’écriture de quatre scénarios pour l’adaptation de ses romans au cinéma. Puis, il se dirige vers un patio et s’installe au soleil, révélant, au cours d’une dédicace, que sa carrière d’écrivain a débuté grâce à concours qu’il avait alors remporté. Sans cette victoire, Sukkwan Island, un texte d’une extrême violence, n’aurait jamais était publié aux Etats-Unis.

Audrey Denjean

(1) Entrevue accordée à la librairie l’Autre Rive le 7 juillet 2021
(2) Extrait Komodo, publié aux éditions Gallmeister en mars 2021

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