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Le glow up, un phénomène dangereux

TikTok, Instagram, YouTube, aucun réseau social n’y échappe. Depuis quelques années, il est omniprésent sur nos plateformes. Normalisé auprès des plus jeunes générations, le phénomène du « glow up » est véritablement dangereux pour notre santé mentale.

Le glow up, un phénomène dangereux - Le blog du hérisson
©Kevin Laminto

Le « glow up », c’est quoi ?

Depuis leur effervescence, les réseaux sociaux ont été accusés (non pas à tort) de jouer un rôle important dans le rapport que nous entretenons à nos corps. Grâce à des fonctionnalités telles que les filtres, il est désormais possible de changer d’apparence en passant d’un extrême à un autre.

En français, le mot glow up s’emploie comme nom et comme verbe. Dans les deux cas, il exprime l’idée de transformation positive d’une personne dans un domaine, en particulier dans son apparence physique.

C’est ainsi que le dictionnaire en ligne Orthodidacte définit ce qu’est le glow up.

Au cours des dix dernières années, cette tendance a pris de l’ampleur sur les réseaux sociaux, notamment sur TikTok et Instagram, mais nous pouvons facilement remonter dans les années 90 pour retrouver des traces de cette tendance, fruit de la pop culture. À cette époque, ce sont les films, les séries et les émissions télévisées qui mettent en avant ce phénomène qui n’a pas encore de nom, et qui prendra par la suite d’importantes proportions avec l’arrivée des plateformes sociales. En quelques dizaines d’années, les comédies romantiques, qui mettent en avant des « relooking » plutôt superficiels, et les émissions de divertissement telles que « nouveau look pour une nouvelle vie », ont été troqué pour des millions de posts en ligne montrant des « avant/après » toujours plus extrêmes et challengeant.

Une transformation qui fait le buzz sur les réseaux sociaux, c’est avant tout un post qui illustre un changement radical entre un avant, où les individus accusent leur laideur, et un après qui propose un contraste radical avec leur physique d’avant, et qui supposent que ces mêmes personnes ont finalement atteint l’apogée de ce dernier.

À l’instar d’Anne Hathaway dans Princesse malgré elle, les plus touchées par ce phénomène sont les jeunes femmes. C’est tout un mythe qui s’est forgé autour du glow up. Ce dernier étant perçu comme une renaissance et une réussite sociale, comme nous le confirme la « tendance » TikTok « I was the girl he didn’t want so I became the girl he couldn’t have » qui se traduit par « j’étais la fille qu’il ne voulait pas alors je suis devenue la fille qu’il ne pourrait pas avoir » qui suppose que c’est un outil de vengeance qui permet de prendre le dessus sur ceux qui nous ont critiqué, dénigré et repoussé par le passé.

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©Bruce Mars

Les dangers du glow up

Ce phénomène s’appuie sur la pensée dangereuse que passer à un physique plus avantageux représente une forme d’élévation sociale. Que notre seule valeur, en tant qu’être humain, réside dans notre apparence. Que le bonheur ne peut être atteint, et nos problèmes réglés que lorsque notre transformation physique est finalement réalisée. Comment l’idée de « libération » portée par le glow up peut-elle s’appuyer sur une injonction à des critères de beauté imposés par la société ? C’est en réalité une véritable atteinte à notre bien-être.

Comme écrit précédemment, cette tendance a largement été normalisée par les réseaux sociaux. Très tôt la proximité qu’ils permettaient entre le public et les célébrités a influencé notre vision de la beauté. Des images de transformations extrêmes de célébrités, telles que Khloé Kardashian, ainsi que d’influenceurs ont commencé à nous cerner de tous côtés, et bientôt, c’est un public plus élargi qui s’est mis à diffuser leurs propres transformations.

Chirurgie, dépenses extrêmes en cosmétique et vêtements, ce n’est pas sans raison que les grandes industries de la beauté ont pu bénéficier d’un véritable boom au cours des dernières années. Le glow up est devenu un véritable outil marketing qui leur contribue. Elles capitalisent en effet sur notre obsession des apparences et se font du profit sur nos complexes, en nous faisant croire que si nous utilisons leurs produits, nous serons capables d’atteindre le même physique que les personnes que nous admirons tant sur les réseaux sociaux.

Plus la transformation est visible, se fait rapidement, et est extrême, plus l’intérêt sera suscité sur les plateformes, c’est du pur sensationnalisme, et les médias de leur côté ne sont pas en reste dans le rôle qu’ils ont à y jouer. Au cours des 30 dernières années, les magazines dont les titres nous promettent d’atteindre le « Summer body », et les articles pour nous vendre des crèmes qui nous feront mincir ont explosé.

Tous ces outils de transitions et cette idée de transformation qui doit s’effectuer en un « clignement d’yeux » et recevoir l’approbation des autres, nous amènent en réalité à développer des insécurités et des comportements dangereux. Des troubles de la santé mentale divers et variés sont au cœur de cette problématique : faible estime de soi (voir haine de soi), anxiété, dépression, troubles du comportement alimentaire, dysmorphophobie… Il en existe tant. Sans parler des risques matériels que nous prenons à dépenser autant d’argent pour atteindre cette fameuse transformation. Pour rappel, cet article n’a pas pour but de blâmer les personnes qui ont recours à ces transformations, mais au contraire, de prévenir des dangers liés à ce phénomène. Nous avons bien conscience que personne, et en particulier les femmes, n’échappe à la pression de devoir répondre aux critères de beauté imposés par la société.

Une fausse idée de reprise de pouvoir

Dans sa vidéo intitulée « la culture toxique du glow up » le.la youtubeur.euse Agrafe met en avant une problématique importante qui se cache derrière ce phénomène : celle d’une fausse idée de reprise de pouvoir sur sa propre vie.

Dans les films qui abordent la thématique du glow up, où des idées de vengeance et de réappropriation d’existence sont mises en avant au travers du changement physique du protagoniste (cf. Le film DUFF : le faire-valoir), à la fin du visionnage nous nous apercevons que même si la morale du film ressemble à quelque chose qui dit « ne changez pas pour qui que ce soit » , les héros ne font jamais marche arrière pour revenir à une version antérieure d’eux-mêmes. Ils décident de continuer de vivre selon les codes qu’ils ont appris durant leur transformation, puisque finalement, grâce à ces derniers, leur vie s’en retrouve facilitée.

Chercher à se rendre tolérable aux yeux des autres, y mettre de son énergie et de son temps, c’est selon Agrafe en fait une manière de chercher à ne plus souffrir en évitant de s’exposer aux violences et critiques qui concernent notre physique.
Cette idée très répandue que « mon corps, c’est mon choix », qui suppose qu’il y a une reprise de pouvoir sur nos vies de femme est donc finalement aux antipodes du glow up. En souhaitant transformer physiquement qui nous sommes, nous cherchons à rentrer dans des standards de beauté qui nous sont imposés par notre société patriarcale. Iel ajoute par la suite, que cette même pensée perçoit ce phénomène comme un outil de reprise de pouvoir qui serait accessible à n’importe lequel d’entre nous, hors nous ne sommes pas tous égaux pour répondre aux standards de beauté qui veulent qu’une femme ait les cheveux longs, soit grande et mince…

Ce phénomène est en fait une idée parfaitement anti-féministe, qui s’oppose à la libération des femmes. Ce dernier définit ce qui est féminin, en hiérarchisant les corps, mais également en continuant de perpétuer l’idée que notre seule valeur en tant que femme réside dans notre physique, et que nous devons ressembler à une certaine image pour avoir le droit au bonheur.

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©Jared Rice

Repenser le glow up

Vous l’aurez deviné être plus conscient des discours que nous véhiculons est une première manière de repenser le glow up. Il est important de chercher à savoir et à comprendre pourquoi nous cherchons à nous conformer quoiqu’il en coûte. Redéfinir ce qu’est cette tendance est en fait essentiel pour que nous puissions finalement nous sentir mieux avec nous-même.

Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de faire, mais il faut cesser de normaliser ce phénomène et commencer à le prendre avec des pincettes. Il faut revoir la méthode et le but, parce que oui, les relooking extrêmes à base de chirurgie esthétique et régime draconien sont dangereux, tant pour notre santé physique que notre santé mentale. Tant que le travail ne se fera pas de l’intérieur, ces changements resteront éphémères, puisqu’avec le temps, vous trouverez toujours d’autres raisons de vouloir changer physiquement, alors que ce que nous souhaitons en tant qu’individu, c’est nous sentir bien tout le temps. Votre changement ne doit plus dépendre de la validation des autres. Vous ne devriez jamais vouloir changer pour quelqu’un qui vous a rejeté, ou pour être plus admirable sur les plages l’été.

Ce que nous appelons glow up, ne devrait-il pas s’apparenter à une idée d’évolution, de changement constant, sans que nous ayons besoin de déprécier qui nous étions, qui nous sommes et qui nous serons. Ce devrait être un processus interne qui nous promet l’amour de nous-même pour nous aider à comprendre que nous sommes suffisants sans avoir besoin de changer physiquement. Ne devrions-nous pas cesser de nous soumettre aux médias, aux réseaux sociaux et à la pop culture pour définir les termes de nos propres transformations ? Arrêtons de mettre des dates de péremption sur nos propres changements, ça ne fait que nous mener à de l’auto-sabotage. Grandir est un processus qui dure toute notre vie. Développer notre personnalité, nos valeurs et nos projets devrait finalement être tout aussi appréciable (voir plus) qu’une transformation physique.

Jessica Baudrillart

→ La culture toxique du glow up

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