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Les ponts emblématiques de Bordeaux

La ville de Bordeaux se caractérise par ses beaux appartements, ses monuments, ses places célèbres et par son fleuve : la Garonne. Saviez-vous que le franchissement du cours d’eau a été complexe jusqu’à la deuxième moitié du XXe siècle ? Une seule construction était alors disponible. Étonnant n’est-ce pas ? La vie moderne et l’augmentation du trafic routier et ferroviaire ont obligé les autorités à varier rapidement l’offre de voies de circulation. Désormais, ce sont 7 (bientôt 8) points de passage qui sont proposés aux habitants et aux touristes. Découvrons ensemble les ponts emblématiques de Bordeaux et leur histoire.

Les ponts emblématiques de Bordeaux - Le blog du hérisson
Vue du port de la Lune ©Audrey Thiéry

1- Le pont de pierre : le monument le plus emblématique de Bordeaux 

Si les Bordelais ne devaient citer qu’un seul moyen historique de franchir la Garonne, ce serait sans aucun doute le pont de pierre. D’ailleurs, les Français ayant déjà vu ou visité Bordeaux le considèrent comme un des plus beaux monuments de la ville. Il a fêté son 200e anniversaire et continue de faire la fierté des habitants. L’élégance de son architecture en arches de briques roses en fait un des symboles de la « belle endormie ».

• Un chantier ordonné par Napoléon Bonaparte

Il est célèbre pour avoir été commandité par Napoléon Bonaparte en personne. Après le passage compliqué de ses armées vers l’Espagne en 1808, l’empereur décide de sa construction. L’édifice est néanmoins inauguré après sa mort, par son successeur à la tête du pays : Louis XVIII.

Le pont de pierre est alors le seul et unique bâtiment au-dessus la Garonne. Nous imaginons difficilement aujourd’hui des Bordelais contraints de prendre une barque pour atteindre l’autre côté du fleuve. Ce fut pourtant le cas jusqu’en 1822. Face à ces difficultés, il aura fallu attendre la volonté de l’empereur Bonaparte pour optimiser le franchissement du cours d’eau.

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©Audrey Thiéry

La mise en service du pont de pierre a dès lors facilité les déplacements et le commerce de l’époque. Elle a aussi pérennisé l’unification d’une ville totalement coupée en deux. Avec ses 486 mètres de long, la traversée est rapide et simplifie incroyablement la circulation des personnes et des biens. C’est un véritable bouleversement pour la capitale girondine. Il a ainsi été le premier pont emblématique de Bordeaux durant près de 150 ans.

• Une prouesse technique qui continue de fasciner

Bâti en pierre et en brique et ayant la particularité de comporter des espaces creux à l’intérieur, l’édifice a permis aux ingénieurs Deschamps et Billaudel de relever de nombreux défis. Il leur fallait bâtir un ouvrage résistant aux courants et aux tumultes d’un fleuve soumis aux marées. Ils ont alors l’idée de se servir de la vase accumulée au fond de la Garonne pour consolider les piles. Ce fut un succès, la construction n’a pas bougé depuis la Restauration, une véritable prouesse technique !

Reliant la place Bir Hakeim (rive gauche) à la place Stalingrad (rive droite), le pont de pierre figure au domaine historique français depuis décembre 2002. Il se visite une fois par an durant les journées européennes du patrimoine. Les curieux ont alors la chance de marcher à l’intérieur de la culée, dans le tablier. L’engouement est tel que chaque année il faut s’inscrire rapidement pour espérer avoir une place le jour J.

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Tablier réservé aux transports en commun, piétons et cyclistes ©Audrey Thiéry

En 2018, après un premier test concluant, le comité de pilotage réuni autour du maire Alain Juppé a décidé de l’abandon définitif de son ouverture aux automobiles. Le passage des piétons, des cyclistes et des transports en commun est privilégié. Cette solution permet de préserver l’édifice contre les vibrations trop importantes créées par le trafic constant du centre-ville.

• Anecdotes

  • Si vous pensez entendre des mouettes crier en plein centre-ville, ce n’est pas une hallucination auditive. Les grands oiseaux maritimes viennent bien se réfugier en amont de l’estuaire de la Garonne les journées de vent fort.
  • L’ouvrage reste un repère visuel pour les Bordelais. Ceux-ci observent la hauteur de l’eau sur les piles de la construction pour connaître le niveau de la marée.
  • Une rumeur persistante affirme que le nombre d’arcades du pont de pierre est un hommage aux 17 lettres du patronyme de Napoléon Bonaparte. En réalité, il n’en est rien. Le projet initial avait même une architecture de 19 arches. Ce n’est donc qu’une coïncidence amusante.

2- La passerelle Eiffel : l’ouvrage d’art le plus industriel de Bordeaux

La voie ferroviaire historique, également appelée passerelle Saint-Jean par les locaux, doit son nom à son célèbre ingénieur. Celui qui est l’un des plus importants ouvrages métalliques de son époque est conçu entre 1858 et 1860. Gustave Eiffel est alors un jeune directeur de travaux, pour qui le projet représente un véritable défi.

• Le premier chantier phare du jeune Gustave Eiffel

La nécessité de construire un franchissement ferroviaire de la Garonne arrivant et partant de la grande ville de Bordeaux est évidente. Cependant, des difficultés techniques majeures complexifient le programme. L’objectif de ce projet est de mettre en relation les réseaux de chemin de fer d’Orléans et celui de la compagnie du Midi. Eiffel doit alors imaginer un projet permettant de :

  • concevoir un pont droit en tôle rivetée par-dessus un fleuve tumultueux ;
  • fonder des piles supportant les variations et la force des marées ;
  • élaborer un tablier d’une longueur de plus de 500 mètres.
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©Wikimedia

Le pont ferroviaire est le premier chantier d’envergure du jeune Gustave Eiffel, âgé seulement de 26 ans. La structure lui vaudra des louanges et une certaine reconnaissance internationale qui ne le quittera plus. Le génie industriel du jeune homme a ainsi apporté plusieurs innovations à Bordeaux. C’est le cas du rivetage des poutres à treillis, permettant une plus grande résistance aux vibrations, ou encore le fonçage des piles à air comprimé.

• Un style inimitable pour un monument devenu emblématique

D’un point de vue esthétique, le choix de réaliser des façades en fer forgé s’impose à Eiffel. Ceci confère à la passerelle un style unique inimitable qui continue à attirer l’œil, plus de 150 ans après. L’édifice est désormais réservé aux vélos et aux piétons puisqu’une nouvelle construction a été agencée en 2008 pour le remplacer. Nous en parlons plus bas. Il a bénéficié courant 2020 de travaux de restauration respectant les techniques utilisées par Gustave Eiffel sur ses ouvrages.

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©Vincent Le Quéré

Le vieux passage ferroviaire est aujourd’hui une zone de franchissement pour les marcheurs et les cyclistes. Au-delà de l’aspect pratique qu’il conserve, le monument est devenu un point d’intérêt important pour les touristes et un lieu d’échange culturel pour tous. La passerelle Eiffel est toujours considérée comme l’un des ponts emblématiques de Bordeaux.

• Gustave Eiffel, un génie très apprécié

En plus de son génie hors norme, l’industriel est en plus un héros dont une anecdote montre le courage. Durant les travaux de construction de la passerelle, tandis que Gustave Eiffel est présent sur le chantier, un ouvrier tombe dans la Garonne. L’ingénieur plonge et sauve le pauvre homme de la noyade. Une petite histoire qui fait partie de la légende Eiffel.

Grâce à son classement aux monuments historiques, l’ouvrage de Gustave Eiffel échappe tout juste à sa démolition en 2010. L’association « Sauvons la passerelle Eiffel ! », militant pour sa conservation, obtient gain de cause. Assurée de son maintien, elle organise sa mise en lumière en 2012 avec l’aide de l’architecte Jean de Giacinto et du plasticien David Durand.

De grandes festivités ont lieu en 2023 à l’occasion du centenaire de la mort du génial  « magicien du fer ». La Gironde y participe bien-sûr activement, elle qui a toujours été liée de très près à cette grande figure française.

3- Le pont Saint-Jean : le passage routier le plus urbain de la métropole

Le pont de pierre reste en 1960 le seul accès routier permettant la traversée de la Garonne. L’augmentation du trafic devient un point noir très important pour la qualité de vie dans la métropole. Les embouteillages à l’entrée et à la sortie du vieux monument posent un vrai problème que les collectivités doivent résoudre. Bien entendu, il est impossible de l’élargir, il faut donc concevoir un nouvel édifice.

• Une construction simple et efficace

Deux projets surgissent alors quasiment en même temps, au nord et au sud de l’agglomération bordelaise. Celui qui nous intéresse ici est le second. Il doit permettre d’accéder à Bordeaux depuis les quais et desservir la gare Saint-Jean. Le chantier débute après celui du pont d’Aquitaine, mais la rapidité des opérations a permis de le terminer en premier.

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Passage routier reliant les deux rives de la Garonne au sud de la ville ©Jacques Mossot

Cette fois, les travaux se déroulent sans accroc, aucune controverse ne venant interférer ni dans la conception ni dans la réalisation de l’ouvrage. L’inauguration s’effectue en 1965, 3 ans après le concours de projets et 2 ans après le commencement du chantier. Le maire de la capitale girondine, Jacques Chaban-Delmas, accompagné du ministre de l’Intérieur Roger Frey, inaugure cet ouvrage très attendu. Celui-ci relie désormais les quais de Paludate au quartier de la Bastide.

D’une longueur de 474 mètres, l’édifice possède une structure simple et efficace et est conçu en béton précontraint, selon une architecture classique de l’époque. Réalisé à proximité de la passerelle Eiffel, il lui est parallèle.

• Un pont qui régule la circulation chargée de Bordeaux

Drainant une partie du trafic routier se dirigeant vers les villes de Floirac, Sadirac ou Latresne en sortie de Bordeaux, elle soulage le centre-ville de la circulation méridionale. Permettant de rejoindre plus rapidement les voies menant à Libourne et Bergerac à l’est, le pont Saint-Jean est vite devenu essentiel.

À la suite de la fermeture automobile définitive du pont de pierre en 2018, il devient indispensable. Il absorbe désormais une portion supplémentaire du déplacement des particuliers et des professionnels. L’avantage de ce nouvel ouvrage est que face à l’augmentation du trafic routier depuis les années 60, il n’a pas fallu de grands travaux pour l’élargir. Des opérations de requalification sont réalisées entre 2022 et 2023.

L’enjeu plus moderne de ce troisième passage au-dessus de la Garonne est de laisser un espace sûr aux piétons et cyclistes et d’en faire un lieu urbain adapté. Les débouchés à l’entrée et à la sortie des voies sur berges sont également en cours de réaménagement. Le but est d’offrir des parcs et des solutions de mobilité douce.

• À noter

Aujourd’hui, ce monument vit dans l’attente de la mise à disposition du futur pont Simone Veil. Il faudra analyser les comportements sur ce nouveau canal automobile pour connaître la véritable nature du trafic. Les embouteillages matin et soir sont fréquents, notamment durant les grands départs en vacances. C’est donc dans l’espoir d’une amélioration que les usagers regardent du côté du chantier voisin.

4- Le pont d’Aquitaine : la traversée de la Garonne la plus haute de l’agglomération

Le programme de création d’un nouveau passage urbain est né de la nécessité de soulager le pont de pierre des embouteillages. Un édifice plus étendu et apte à recevoir une quantité importante de véhicules était devenu indispensable. Une seule voie d’accès, en pierre, peu large en plein centre-ville pour traverser une métropole aussi majeure que Bordeaux, ce n’était plus suffisante en 1960.

• Le contournement routier du nord de Bordeaux

Comme nous l’avons vu, le projet contemporain de construction routière au sud reliait les deux rives en 1965. Le pont d’Aquitaine avait quant à lui pour ambition de désengorger le centre-ville, notamment le trafic venant de Paris en direction de l’Espagne ou de Toulouse. Le choix de son emplacement a pris beaucoup de temps. Jacques Chaban-Delmas, alors maire de Bordeaux, acte définitivement en 1954 la décision de positionner ce chantier au nord de la ville. Souvenons-nous qu’il était alors aussi ministre des Travaux publics.

Il faudra attendre six années de plus pour que la première pierre de la route suspendue soit posée le 20 mai 1960. Les opérations dureront 7 ans, preuve de la complexité du projet. Son architecture devait bien entendu permettre aux bateaux de passer vers le port de la lune, attache maritime de la ville girondine.

Le pont d'Aquitaine - Le blog du hérisson
Vue depuis la rive droite de la Garonne ©Audrey Thiéry

Petit frère du célèbre Golden Gate de San Francisco, le pont d’Aquitaine apporta à Bordeaux une vraie image de modernité. À l’époque, il a rendu les Bordelais fiers de rivaliser avec celui de Tancarville. Ce dernier détient alors le record européen de la plus longue travée centrale d’Europe avant d’être doublé par celle de son cousin de Normandie en 1995 (856 mètres).

La partie centrale de l’édifice de Seine Maritime, mesurant 608 m, dépasse largement les 394 m de notre construction girondine. Celle-ci était médaille d’argent lors de son inauguration, elle est aujourd’hui à la 5ème place française . Le pont d’Aquitaine est clairement devenu un des emblèmes de Bordeaux, que les locaux comme les touristes connaissent très bien.

• Des chiffres qui donnent le vertige

Suspendues à 53 mètres au-dessus de la Garonne, les voies routières mesurent en tout 1 767 mètres de long. Des pylônes de 103 mètres soutiennent un tablier en acier à l’aide de doubles câbles à fils ronds. Le passage est impressionnant et il ne faut pas trop souffrir de vertige pour surplomber le fleuve à cette hauteur.

Un problème de taille se présente assez rapidement et remet en cause la durabilité de la structure. On constate des ruptures de fils de plus en plus importantes d’année en année. L’ouvrage est menacé et bien entendu la sécurité remise en question. Les dégâts ne cessent d’augmenter :

  • en 1979 : 14 fils rompus ;
  • en 1984 : 68 fils rompus ;
  • en 1993 : 178 fils rompus.

L’inquiétude est au niveau de l’enjeu et on décide, pour sauvegarder l’ouvrage, de remplacer complètement la suspension. Décidé en 1998, le chantier dure 5 ans de 2000 à 2005. Cette fois, le soin apporté aux câbles porteurs du pont d’Aquitaine est décuplé. Un système d’enveloppement et de gaines thermorétractables est imaginé. La circulation de l’air et la déshumidification automatique font l’objet de toutes les attentions.

Les progrès du génie civil permettent une mise en deux fois trois voies, réservées aux voitures et aux camions. La construction est désormais capable d’absorber le franchissement de 100 000 véhicules par jour ! Deux pistes cyclables de 1,70 m de large sont modernisées et encadrées de garde-corps architecturés. Les piétons et les vélos bénéficient lors de la traversée d’un panorama incroyable sur la ville, le fleuve et l’estuaire de la Garonne.

Les ponts emblématiques de Bordeaux - Le blog du hérisson
Vue des quais de la rive gauche de la Garonne ©Audrey Thiéry

• Anecdotes

  • Parmi les monuments emblématiques de Bordeaux, le pont d’Aquitaine est sans doute le plus visible, grâce à sa hauteur et son imposante stature. On peut ainsi l’observer depuis de nombreuses communes de l’agglomération.
  • La poste met un timbre de 0,25 franc en circulation en 1967 pour célébrer son inauguration.

5- Le pont François Mitterrand : le projet le plus utile contre les embouteillages

Afin d’achever le périphérique bordelais et de lier définitivement les deux rives, un nouveau passage devait être construit au sud de Bordeaux. Cet édifice mesurant 642 mètres de long et 15 mètres de large est conçu en béton. Raccorder la rocade du côté de Bègles à la Bastide devait également alléger et fluidifier le trafic lié aux voitures et aux poids lourds sur les autres passerelles de la ville.

• Une inauguration en deux temps

De 1993 à 1997, la construction porte le nom « d’Arcins » pour rappeler sa proximité avec l’île du même nom toute proche. Cette île est un ancien lieu d’expérimentation national pour l’amélioration de certaines espèces végétales. Sur votre trajet le long des berges, vous pouvez apercevoir de nombreux carrelets. Ce sont des cabanes de pêcheurs typiques des rivages de l’estuaire girondin.

C’est bien François Mitterrand qui a inauguré cet ouvrage en 1993. Ce n’est cependant qu’un an après sa mort qu’il a été renommé, pour rendre hommage à l’homme politique français. La cérémonie s’est déroulée en présence de :

  • Laurent Fabius, alors président de l’Assemblée nationale ;
  • Mme Danièle Mitterrand, veuve de l’ancien dirigeant ;
  • Alain Juppé, maire de Bordeaux et président de la communauté urbaine ;
  • les responsables des conseils général et régional.

• La déviation d’une partie du trafic bordelais vers le sud

Comme nous l’avons vu plus haut, le pont d’Aquitaine a nécessité des travaux d’envergure dans les années 2000. C’est grâce à l’ouvrage dédié à François Mitterrand que les automobilistes ont traversé la Garonne par le sud de l’agglomération. Ils ont ainsi pu éviter soir et matin le centre-ville et ses célèbres embouteillages.

Pont François Mitterrand - Le blog du hérisson
©Jacques Mossot

Ce passage autoroutier raccourcit ainsi le trajet et le temps de circulation des usagers partant de Paris et se dirigeant vers l’Espagne ou l’Occitanie et inversement. Il permet également de rejoindre la gare Saint-Jean rapidement, tout comme les universités, depuis Fargues Saint-Hilaire, Pompignac ou encore Bouliac. Voici donc une alternative intéressante au pont Saint-Jean pour les habitants de la rive droite de la Garonne. Ceux qui souhaitent aller vers la plage de Bègles ou l’aéroport de Mérignac gagnent aussi un temps précieux.

• Spécificités du projet

  • Il a l’originalité de se présenter de biais par rapport au fleuve.
  • Les deux travées en longueur de l’édifice ne se rejoignent pas au centre, ceci crée une ligne de jour au milieu de la construction. Ceci n’est pas visible lorsque l’on passe en voiture, mais vous pouvez l’apercevoir en regardant l’ouvrage par en dessous, depuis les rives.

6- Le pont Garonne : le chemin le plus rapide de l’Ouest

La passerelle Eiffel a permis aux usagers des trains de toute la France d’arriver et de partir de Bordeaux durant près de 150 ans. Cependant, le projet de Ligne à grande vitesse (LGV) a changé la donne.

• Un souffle de modernité aux portes de la gare Saint-Jean

Toute la sphère économique et politique de la capitale girondine s’interroge. Il est rapidement évident que l’ancienne passerelle ferroviaire n’est pas apte à supporter le flux de trains prévu. Au vu de sa structure métallique datant de 1860, il est impossible d’envisager son élargissement. L’ancien pont emblématique de Bordeaux, signe de modernité et d’ingénierie de pointe d’une certaine époque, ne correspond plus au mode de vie du XXIe siècle.

La création d’un remplaçant est inévitable. La décision est prise de réaliser un nouveau chemin ferroviaire à proximité immédiate de l’ancien, puis de détruire la passerelle historique devenue inutilisable. Comme nous l’avons vu plus haut, les associations se sont mobilisées avec succès contre ce projet de démantèlement. Nous pouvons désormais voir les édifices de deux périodes bien différentes côte à côte, le long de la Garonne.

Les architectes Jean-Pierre Duval et Jean de Giacinto s’attellent à imaginer puis bâtir un pont à poutres en béton armé et en métal, supportant le trafic intensif de la gare Saint-Jean. Avec une longueur de 476 mètres et une largeur de 22 mètres, le pont Garonne accueille 4 voies. Il permet ainsi aux trains de passer rapidement le fleuve. Le budget du programme atteint 55 millions d’euros. Le financement est assuré conjointement par :

  • réseau ferré de France ;
  • l’Europe ;
  • l’État français ;
  • la région Aquitaine ;
  • le département de la Gironde ;
  • la Communauté urbaine (désormais renommée Bordeaux métropole).
Le pont Garonne - Le blog du hérisson
Croisillons de l’ancienne passerelle Eiffel ©Florian Pépellin

• Une mise en service exceptionnelle

Le pont Garonne est ouvert à la circulation des trains en 2008. Afin de mettre en route les nouvelles voies accueillant les lignes de grande vitesse, il a fallu couper totalement le trafic ferroviaire à deux reprises. Des centaines de techniciens se sont relayés nuit et jour lors de ce passage de témoin, pour que tout soit en ordre à la suite de ces travaux exceptionnels.

Le nouvel ouvrage est inauguré en grande pompe le 18 mai 2008, à grand renfort de feux d’artifice et d’animations diverses. Sa mise en service sera pourtant très progressive et prendra 2 années complètes pour être efficace à son maximum. Les usagers de la ligne à grande vitesse « Sud Europe Atlantique (SEA) » rejoignent désormais Paris et Bordeaux en à peine plus de 2 heures. Il s’agit d’une petite révolution !

De nombreux Parisiens viennent vivre le week-end en Gironde et certains Bordelais réalisent l’aller-retour à Paris dans la journée. De plus en plus de visiteurs viennent profiter du climat océanique et du tourisme de la région. Vignes, châteaux, plages et bien sûr centre historique, de nombreuses activités vous attendent alors avant de partir, n’hésitez pas à consulter nos bonnes idées et adresses sur Bordeaux !

• Anecdote visuelle

Il est impossible d’observer ce nouvel édifice sans que l’ancienne passerelle Eiffel prenne le dessus. En effet, leur proximité immédiate, combinée aux croisillons si représentatifs de l’œuvre de Gustave Eiffel, permet à celui-ci de conserver la vedette de tous les points de vue. La vieille structure ferroviaire tient-elle sa revanche sur la technologie du XXIe siècle ?

7- Le pont Chaban-Delmas : le plus moderne des ponts emblématiques de Bordeaux

Situés loin des constructions historiques, les quartiers Bacalan et Bastide manquaient d’une traversée rapide de la Garonne. Le projet d’un franchissement routier citadin intermédiaire s’avère nécessaire pour relier ces deux quartiers en pleine évolution.

• Un tablier levant à la conception inédite

Le cahier des charges spécifique à la mise en place d’un tel édifice a donné du fil à retordre aux candidats lors de sa conception.

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Tablier central levé puis baissé ©Audrey Thiéry

L’ouvrage devait :

  • privilégier les modes de transport doux, tramway, bus, vélos, piétons ;
  • être urbain, donc limiter la vitesse à 50 km/h  ;
  • permettre l’accès des bateaux au port de la lune, y compris les gros paquebots ou voiliers et donc être levant.

Le plus grand pont d’Europe à travée levante est ainsi réalisé en plein centre de Bordeaux. Il s’agit alors de construire le bâtiment le plus moderne et technique de la ville. À la suite de l’appel d’offres et de la décision de la région Aquitaine, les travaux sont confiés au binôme Lavigne-GTM. La région décide de récompenser leurs idées sur l’originalité des passerelles piétons/cyclistes séparées, la profondeur des fondations, l’efficacité de la protection des piles et celle du système de levage. C’est également le dossier le plus fiable et le plus sobre qui est retenu.

• Un nouvel hommage à « Chaban »

Le chantier démarre en décembre 2009 entre les quartiers de Bacalan et de la Bastide. Le nom donné durant les travaux par le futur édifice est tout trouvé : Bacalan-Bastide. Les locaux lui attribuent même le surnom de « Baba ». Certains continuent d’ailleurs aujourd’hui à utiliser ce terme.

Le nouveau pont emblématique de la préfecture de la Gironde a une longueur de 575 mètres, dont 117 mètres de travée mobile. Les pylônes mesurent 77 mètres de haut. Le tablier est conçu pour laisser passer 43 000 véhicules par jour et supporter environ 60 levées annuelles. Comme l’exigeait le cahier des charges, il offre quinze mètres de largeur aux mobilités douces. Les transports en commun, les piétons et les deux-roues ont une place prépondérante. La particularité esthétique et sécuritaire de la construction est que les vélos et marcheurs sont totalement séparés des voies routières et se déplacent à l’extérieur des piliers.

Quelques mois avant son inauguration le 16 mars 2013 par François Hollande, président de la République et Alain Juppé, le baptême est officiel : il s’appellera pont Chaban-Delmas. La ville avait déjà accordé son nom au stade de football municipal (anciennement nommé stade Lescure) en 2001 et érigé une statue à son effigie près de la mairie en 2012. Le conseil municipal de Bordeaux appuie son hommage à Jacques Chaban-Delmas, homme politique et maire de Bordeaux de 1947 à 1995, en octroyant son patronyme au monument à la structure levante.

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Hommage à Chaban Delmas ©Audrey Thiéry

• Le laissez-passer des plus grands bateaux

La levée du tablier était une obligation pour ne pas bloquer l’accès au port des plus grands paquebots et voiliers. À chacun de ses mouvements, la circulation est donc totalement interrompue pendant 1 à 2 heures.

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©Audrey Thiéry

Les motifs de levage sont bien évidemment exceptionnels, il en existe deux.

1/ Arrivées et départs de paquebots et navires de croisière :

Le passage de ces gros bateaux permet aux autres plaisanciers de profiter de la levée du tablier. Pour cela, il faut prévenir la capitainerie et respecter quelques règles. Il ne faut évidemment pas gêner les allées et venues des bâtiments prioritaires.

2/ Visite des bateaux de plaisance :

Les yachts de grande taille et les voiliers non démâtés ne peuvent s’engager vers le port de la lune qu’après levage du pont Chaban-Delmas. Les plaisanciers doivent donc avertir la Mission Tourisme de Bordeaux Métropole de leur venue, au moins 8 jours à l’avance. Ceci leur assure le bénéfice de la manœuvre et d’une place au port de la lune.
Parallèlement à la circulation des bateaux de croisière ou de plaisance, la société Eiffage, responsable d’exploitation et de maintenance de l’ouvrage, doit gérer les arrivées et départs de bâtiments invités aux fêtes maritimes. Les curieux sont toujours très nombreux à venir admirer le passage des voiliers. Les célèbres Belem ou El Galeón, réplique d’un galion espagnol du XVIe siècle, passent régulièrement sous l’édifice ultramoderne, notamment lors des festivités de « Bordeaux fête le vin ».

• Mise en lumière du pont Chaban-Delmas

L’illumination du monument a été confiée à Yann Kersalé, appelé par l’UNESCO pour sublimer l’ouvrage. Le scénographe a conçu un changement de couleur en fonction de la marée. Quand les pylônes scintillent de bleu, cela signifie que la marée est haute. Lorsqu’ils se parent de vert, la marée est basse. Des milliers de diodes électroluminescentes donnent au pont Chaban-Delmas sa touche finale de modernité. Le ballet de lumières de couleurs fascine les touristes comme les Bordelais.

Pont Chaban-Delmas - Le blog du hérisson
Illuminations réalisées par Yann Kersalé ©Audrey Thiéry

8- Le pont Simone Veil : un lieu de vie très attendu

De l’autre côté de la Garonne, une nouvelle structure aurait dû voir le jour en 2020. En 2023, celui-ci est toujours en travaux et les Bordelais ironisent régulièrement sur les retards qui s’accumulent. De vraies péripéties empêchent le futur pont Simone Veil de sortir du fleuve selon les plans initiaux.

• Un chantier ultramoderne

Localisée au sud de l’agglomération bordelaise, la construction peut être considérée comme le petit frère du pont Chaban-Delmas. Elle ne sera pas levante, elle n’en a pas l’utilité, mais elle permettra de fluidifier également le trafic. Ce huitième passage d’une rive à l’autre doit faire la part belle aux vélos et aux piétons et sera conçu comme un véritable lieu de vie.

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Fin de chantier initialement prévue en 2020, espéré maintenant en 2024 ©Bordeaux Métropole

L’ouvrage d’art relie les villes de Bègles et Villenave-d’Ornon sur la rive gauche à celle de Floirac et Saint-Louis de Montferrand sur la rive droite. Devant les problèmes de circulation du secteur, on comprend l’impatience des automobilistes de le voir ouvert.

L’originalité du projet se trouve surtout dans la création d’un espace public majeur, une plate-forme urbaine qui s’étend au-dessus de la Garonne grâce à un élargissement de près de 20 mètres de l’espace affecté aux piétons et deux roues. (Bordeaux-Métropole)

Le pont Simone Veil doit également permettre une approche simplifiée et rapide de la grande salle de spectacle de l’agglomération bordelaise, l’Arkea Arena. Celle-ci, inaugurée en 2018, nécessite un accès direct depuis la rive gauche. Les départs groupés du public, qui cherche à se rendre aux villes alentour, seront facilités par la proximité des différentes possibilités de traversée du fleuve.

Enfin, la nouvelle construction permettra aux habitants des quartiers Bordeaux-Euratlantique, situés de part et d’autre du cours d’eau, de gagner du temps. Le futur pont emblématique de Bordeaux s’inscrit aussi dans le programme d’aménagement Bègles Garonne, qui vit sa phase de concertation jusqu’au 30 septembre 2023. Il s’agit du plus vaste projet d’aménagement urbain de France.

• Un chantier stoppé en catastrophe, mais qui reprend vie

La jonction entre les deux rives a enfin eu lieu début 2023. Tout un symbole quand on connaît les soucis monstrueux qu’ont traversés les protagonistes. De nombreux désaccords ont en effet mis l’entreprise en danger. Bordeaux Métropole et Fayat, maître d’ouvrage, ont stoppé les travaux à cause de conflits financiers. Le constructeur demandait une rallonge budgétaire de 18 millions d’euros pour garantir la solidité de l’édifice. L’organisme public estimait que le dossier d’appel d’offres avait été sélectionné sur un montant global à ne pas retoucher.

Le contentieux s’est terminé par la rupture du contrat. Le dossier revient alors à Bouygues en deuxième intention. Après une pause de plus de deux ans, le chantier reprend en mars 2021. La mise en service doit intervenir courant juin 2024. Le projet prévoit une longueur de 549 mètres et une largeur de 44 mètres. Celui-ci comprend une double voie routière dans chaque sens de circulation, deux couloirs de transport en commun et deux pistes cyclables. Ces dernières s’intégreront au Réseau express vélo (ReVE). Les deux-roues disposent ainsi de 272 kilomètres de chaussées larges sur 14 itinéraires distincts.

• Un nouveau lieu tout en verdure

Le dernier né des monuments bordelais sera très arboré et un important programme de boisement est en cours. Ainsi, plus de 1 100 arbres seront plantés aux abords de l’édifice, des deux côtés de la Garonne. L’objectif annoncé est de créer un petit poumon au cœur de la ville, sur les deux rives, et d’ajouter de nouveaux lieux de verdure au sud de l’agglomération.

Bordeaux comptera bientôt huit ponts emblématiques permettant aux usagers de se déplacer facilement de la rive gauche à la rive droite du fleuve et inversement. Parmi ceux-ci, un est réservé à la circulation des trains, notamment ceux à grande vitesse. Deux autres sont interdits au franchissement automobile. La capitale girondine proposera donc cinq points de passage ouverts aux voitures. Parallèlement aux voies routières, piétonnes et ferroviaires, les habitants disposeront dès 2028 de télécabines leur permettant de relier facilement les deux rives. Cela suffira-t-il à dissiper les fameux « bouchons bordelais » ?

Audrey Thiéry

2 réflexions sur “Les ponts emblématiques de Bordeaux

  • Wouah c’est un super article, on apprend tellement de choses ! J’ai bien aimé aussi les petites anecdotes sur chaque pont! Merci !

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