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Qu’est-ce que la sérendipité en sciences ?

Prêt(e) pour une énigme : quel est le point commun entre les découvertes de l’Amérique, la grotte de Lascaux, la pierre de Rosette, la loi de la gravité, la poussée d’Archimède ou encore, la radioactivité, la pénicilline, le vaccin variolique, le viagra, le velcro, le téflon, la fameuse tarte tatin ? Préparez-vous à être surpris, car c’est bel et bien la sérendipité qui se cache derrière cette étonnante diversité de découvertes scientifiques ! Alors, qu’est-ce que la sérendipité en sciences ? Plongez au cœur de ce concept clé et découvrez comment il illumine le monde passionnant des chercheurs.

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La sérendipité : un concept souvent mal compris

► Origine et définition de ce mot

La sérendipité est un terme anglicisme, inspiré de « serendipity », un concept développé par Horace Walpole en 1754. Ce collectionneur résolut par pur hasard une énigme sur des armoiries vénitiennes en se remémorant un livre de sa jeunesse, le fameux conte persan Voyages et aventures des trois princes de Serendip. Il qualifia alors ce phénomène de « sagacité accidentelle », ouvrant ainsi la voie à une nouvelle forme de découverte.

Ce n’est qu’à partir des années 1930-1940 que le mot sérendipité prit vraiment son envol, notamment au sein du milieu scientifique américain. En 1953, il fut traduit en français par Bernard Kwal, gagnant ainsi en popularité et se diffusant largement en Europe.

Ce mot fut finalement consacré dans le dictionnaire Le Robert en 2011. Il est officiellement défini comme la capacité à faire par hasard une découverte inattendue et à saisir son utilité. Il s’agit d’une découverte fortuite, quelque chose que l’on ne cherchait pas, mais qui se révèle être une trouvaille précieuse, notamment dans le contexte des découvertes scientifiques.

Avec l’avènement d’Internet et l’engouement médiatique, ce terme est devenu à la mode. Cependant, sa signification s’est simplifiée, mettant l’accent sur le hasard, l’inattendu et l’imprévisible. Ainsi, la sérendipité est souvent associée à la chance, à un heureux hasard, et à des découvertes non planifiées qui se transforment en opportunités bénéfiques et inattendues.

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Les trois princes de Serendip

► Au-delà du hasard : un processus clé de prise de conscience

La sérendipité va bien au-delà du simple hasard. Elle repose sur le surgissement imprévu d’un phénomène non planifié ou d’une erreur, mais son essence réside dans la capacité de l’observateur à percevoir et interpréter l’élément accidentel ou inattendu. Sans cette attention et cette curiosité, il n’y a pas de véritable découverte. Le hasard, plutôt que de se référer simplement à l’imprévu, renvoie donc davantage à cette liberté imaginative.

En effet, ce n’est pas tant le hasard, l’erreur ou l’accident en soi qui compte, car nous en faisons tous sans y prêter attention. Ce qui importe, c’est la capacité à s’étonner, à être surpris par ce qui contredit nos attentes et nous intrigue. C’est cette curiosité qui nous pousse à chercher des explications et à comprendre le phénomène inattendu.

Walpole n’a pas simplement parlé de découverte par hasard ou accidentelle, mais plutôt de « sagacité accidentelle ». C’est là une nuance essentielle, car la sérendipité implique d’être attentif à ce qui nous surprend. Elle engendre inévitablement une pulsion épistémophilique qui fait appel à notre mémoire, nos compétences, notre savoir conscient et inconscient, notre intuition, nos obsessions et notre imagination pour imaginer des raisons à ce qui nous étonne.

En somme, la sérendipité est un concept clé de prise de conscience qui mobilise tout notre être. C’est le fait de prêter attention à ce qui surprend, de l’interpréter de manière pertinente et d’en tirer des conclusions fécondes. Ce processus complexe repose donc sur un dialogue constant entre notre raison et notre imagination, entre notre conscient et notre non-conscient.

Le hasard ne favorise que les esprits préparés. Louis Pasteur

Quand le hasard devient inspiration : les découvertes faites par sérendipité

► Surprendre le monde : exemples probants d’accident fortuit

La découverte de la pénicilline par Fleming est un exemple probant de sérendipité. En 1928, Alexander Fleming oublie de fermer une boîte de Pétri contenant des staphylocoques. En rentrant de vacances, il découvrit une moisissure qui avait tué ces bactéries. Alors que d’autres auraient jeté cette culture, Flemming fut surpris et intrigué par cette réaction inattendue. Il imagina que cela pouvait conduire à l’identification de substances non-toxiques à l’homme mais capables de tuer les bactéries. Ainsi, cette observation fortuite et sa curiosité le conduisirent à la découverte révolutionnaire de la pénicilline, le premier antibiotique qui a sauvé des millions de vies.

La découverte de la plus célèbre grotte préhistorique, celle de Lascaux, par le jeune Marcel Ravidat en 1940, est un cas emblématique d’accident fortuit. Lors d’une balade en Dordogne en compagnie de son chien, ce dernier déniche par hasard un trou. Alors que beaucoup auraient simplement poursuivi leur chemin, l’adolescent a l’idée d’y jeter des pierres et s’aperçoit qu’elles résonnent dans les profondeurs. Quatre jours plus tard, ils explorèrent l’endroit et atterrirent dans une immense salle ornée de peintures rupestres. Cette trouvaille fortuite révéla l’un des trésors artistiques préhistoriques les plus importants de ce siècle.

Le velcro illustre également un parfait exemple d’idées incidentes. Lors d’une randonnée en montagne, George de Mestral fut captivé par les petites boules de bardane s’accrochant à ses vêtements. Alors que beaucoup se seraient simplement contentés de les retirer, George, animé par une curiosité, inspecta ces minuscules crochets sous un microscope et eut une idée brillante : concevoir un système d’attache similaire. C’est ainsi qu’est né le velcro.

De très nombreuses trouvailles ont été le fruit de la sérendipité. Ces instants imprévisibles, où des idées fortuites se rencontrent en heureuses coïncidences, ont souvent joué un rôle crucial dans l’évolution de la connaissance et de la technologie. Ils sont suscités par la sagacité, la curiosité et l’imagination de l’observateur.

Pasteur dans son laboratoire - Le blog du hérisson

► L’art de l’accident créatif : source d’innovation humaine

Une vérité fascinante émerge : au-delà de la prédictibilité et de la planification dans la méthode expérimentale, c’est la capacité à s’émerveiller devant l’inattendu qui ouvre la voie à l’innovation. En acceptant que la recherche ne soit pas uniquement régie par des méthodes rigoureuses, mais également influencée par la subjectivité, l’imagination et l’inconscient du chercheur, de nouvelles portes s’ouvrent. Prendre conscience de cette dimension subjective dans la recherche est essentiel car elle favorise l’émergence d’idées novatrices.

Dans ce terreau fertile de créativité, des idées émergent de manière inattendue en fusionnant des concepts disparates, créant ainsi de nouvelles théories. Les chercheurs peuvent associer différentes disciplines, formuler des hypothèses audacieuses et explorer de nouvelles idées qui donnent naissance à des découvertes révolutionnaires.

La sérendipité, bien au-delà du simple hasard, incarne ce potentiel inexploité d’innovation en sciences. En encourageant la sagacité de chacun, en accordant aux chercheurs la latitude d’explorer et de tenter, les frontières de la connaissance humaine s’élargissent, ouvrant ainsi des perspectives inédites pour l’innovation. Cette approche créative, audacieuse et imprévisible se révèle être un atout crucial pour l’avenir des sciences et de la technologie, car c’est souvent là que gît le véritable potentiel de transformation et de progrès pour l’humanité.

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La sérendipité dans la recherche d’aujourd’hui : une force à reconnaître

► Briser les frontières : les contraintes de la recherche et l’interdisciplinarité

La sérendipité en recherche actuelle est souvent entravée par les contraintes de la méthode scientifique et l’approche disciplinaire. Dans le système éducatif, l’accent est mis sur le raisonnement déductif, ce qui limite parfois la capacité à s’étonner et à imaginer des possibilités nouvelles. Les paradigmes disciplinaires renforcent également cette approche en restreignant la créativité et l’exploration interdisciplinaire.

De plus, les obligations de publication poussent les chercheurs à présenter des résultats rigoureux et en accord avec leurs hypothèses de départ. Les éléments inattendus, les facteurs inconnus, le hasard ou l’erreur sont souvent passés sous silence, car ils ne correspondent pas à la trajectoire prévue de la recherche.

La quête effrénée de subventions et l’impératif de publications fréquentes peuvent entraîner une orientation programmée et hâtive de la recherche. Les découvertes accidentelles, qui pourtant renferment des horizons novateurs, se retrouvent souvent reléguées en arrière-plan. Dans ce contexte, la sérendipité peine à s’épanouir pleinement au sein de la recherche scientifique.

► La sérendipité : un mot révélateur d’un malaise ?

Le concept de sérendipité reflète fidèlement les réalités actuelles au sein de la recherche scientifique. Il met en lumière le besoin crucial de liberté pour les chercheurs. En 1949, après avoir fait la découverte de la pénicilline, Fleming souligna, dans un article du New York Times, l’importance capitale de cette liberté. Il prit conscience que la recherche, qu’elle soit fondamentale ou appliquée, ne peut être totalement soumise à une planification rigide, et que la créativité joue un rôle primordial dans les avancées scientifiques.

L’essor de l’utilisation du terme « sérendipité » dans le contexte scientifique révèle de manière frappante ce malaise actuellement ressenti par les chercheurs. Ces derniers font face à d’importantes évolutions dans les conditions de la recherche, marquées par des pressions professionnelles, des contraintes financières et des attentes académiques. Ces éléments font souvent obstacle à la libre expression de la créativité et de l’innovation, ce qui limite les occasions de découvertes fortuites et inattendues. Le succès grandissant du concept de sérendipité met ainsi en lumière cette tension palpable entre la recherche méthodiquement planifiée et la nécessité impérieuse de laisser une place au hasard et à l’exploration.

À la question « Qu’est-ce que la sérendipité en Sciences ? », une réponse s’impose : la sérendipité constitue le moteur des grandes avancées scientifiques. Elle incarne la capacité à saisir les opportunités inattendues, à transformer les découvertes fortuites et à ouvrir vers de nouvelles perspectives. Ainsi, il devient impératif de nourrir cette finesse d’esprit en adoptant une approche ouverte, interdisciplinaire et créative. Cela permettra aux chercheurs de repousser constamment les limites du savoir et de contribuer de manière significative aux avancées bénéfiques pour l’humanité.

Stéphanie Bondu-Guiselin

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