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5 choses à savoir sur l’artiste Zanele Muholi

Connaissez-vous Zanele Muholi ? Cet·te artiste sud-africain·e est internationalement reconnu·e et ses œuvres font l’objet de plusieurs rétrospectives à travers le monde. En tant qu’activiste visuel·le, iel s’engage auprès de la communauté noire LGBTQIA+ pour défendre ses valeurs. Son travail photographique explore les questions d’identité, de genre et de sexualité en Afrique du Sud. Ses portraits, souvent en noir et blanc, aux contrastes saisissants, célèbrent la lutte contre les discriminations envers la communauté queer noire africaine. Voici 5 choses à savoir sur l’artiste Zanele Muholi.

5 choses à savoir sur l’artiste Zanele Muholi - Le blog du hérisson
Deux autoportraits de la série Somnyama Ngyonyama

1. Zanele Muholi revendique sa non-binarité

Né·e à Durban, en Afrique du Sud, en 1972, Zanele Muholi est d’origine zoulou·e. Dans sa langue maternelle, il n’existe pas de pronom masculin ou féminin. Le peuple zoulou croit que l’individu ne se déplace jamais seul, mais avec l’héritage de ses ancêtres.
Le·a photographe se revendique comme personne non-binaire et, en hommage à sa langue natale, choisit d’être présenté·e par l’emploi de pronoms neutres, iel et ellui. Iel ne rejette pas son sexe de naissance. Iel est né·e femme et s’identifie comme lesbienne. Mais, l’artiste ne se reconnaît ni strictement comme une femme ni strictement comme un homme.

→ Si le sujet vous intéresse, lisez notre article sur la non-binarité.

2. La photographie lui a sauvé la vie

Originaire d’un township, un quartier défavorisé réservé aux non-Blancs, Zanele Muholi est élevé·e par sa mère Bester. Domestique dans une famille blanche, elle subvient seule aux besoins de ses huit enfants. À 19 ans, Zanele part pour Johannesburg. Iel exerce d’abord le métier de coiffeur·euse puis devient responsable des ressources humaines dans une compagnie d’assurance. À 30 ans, iel s’initie à la photographie et suit les cours du Market Photo Workshop en 2002. Cette école a été fondée par le photographe sud-africain David Goldblatt pour les jeunes des quartiers pauvres de Johannesburg.

La photographie m’a sauvé la vie. C’est la seule chose qui a du sens pour moi.

Iel poursuit ses études à l’université Ryerson à Toronto au Canada. Aujourd’hui photographe de renommée internationale, Zanele est professeur·e honoraire à l’université des Arts de Brême en Allemagne. En 2017, iel a été décoré·e des insignes de Chevalier des arts et des lettres par l’ambassade de France à Pretoria.
Ses œuvres ont fait l’objet de plusieurs expositions rétrospectives à Londres, à Chicago, à New York et en 2023 à la MEP à Paris.

3. Plus qu’artiste, Zanele Muholi est activiste visuel·le

L’artiste sud-africain·e utilise la photographie comme un « outil contre les injustices ». Iel ne considère pas ses modèles comme des sujets, mais plutôt comme des « participant·e·s actif·ve·s » de son œuvre. Et, c’est selon une approche collaborative qu’iel choisit de donner de la visibilité à la communauté queer noire. Ainsi, iel préfère le qualificatif d’activiste visuel·le à celui d’artiste.
Dans les années 1990, après l’abolition de l’apartheid, l’Afrique du Sud est devenue le premier pays à interdire les discriminations liées à la couleur de peau et à l’orientation sexuelle. Pourtant, les personnes noires LGBTQIA+ demeurent la cible de préjugés et de violences. Des crimes de haine et des viols « correctifs » sont toujours perpétrés à l’encontre des personnes noires, trans, queer et homosexuelles. Zanele Muholi célèbre la communauté LGBTQIA+ dans toute sa diversité. Sa série majeure de photos, intitulée « Faces and Phases » est une véritable archive visuelle. L’artiste se prend en photo parmi des personnes appartenant à la communauté queer noire et recueille leurs témoignages. Commencé en 2006, le projet compte plus de 500 portraits en noir et blanc.

4. Zanele Muholi veut raconter l’histoire de la communauté noire LGBTQIA+ en Afrique du Sud

Ma mission est de réécrire une histoire visuelle, Queer et trans noire de l’Afrique du Sud pour que le monde connaisse notre résistance et notre existence, au plus fort des crimes haineux en Afrique du Sud et ailleurs.

Zanele Muholi photographie ses proches, dans la série « Being », afin de montrer des moments intimes pour éclairer d’une lueur douce et positive sa communauté si marginalisée en Afrique du Sud. Son projet « Only Half the Picture » documente la résilience des survivant·e·s de crimes haineux. Iel capture avec tendresse des instants de vie privée. Des photos qui, sans taire la douleur des victimes, célèbrent leur capacité à surmonter leurs traumatismes.
Très engagé·e au quotidien, Zanele est cofondateur·ice du Forum for the Empowerment of Women (FEW) en Afrique du Sud, qui s’occupe de l’accueil des femmes lesbiennes noires. Iel a également créé en 2009, la plateforme multimédia queer Inkanyiso (« lumière » en zoulou), dont la principale mission est de produire, éduquer et diffuser les récits et les savoirs au sein de la communauté noire LGBTQIA+. Iel est convaincu·e de la puissance du collectif parmi sa communauté. Son travail fait l’objet de tensions et son atelier a été cambriolé en 2012. Malgré la perte d’archives représentant cinq années de travail, l’artiste ne se décourage pas. L’éducation est la meilleure des luttes contre la haine et l’ignorance.

5. Zanele Muholi utilise l’autoportrait comme message politique

L’un des travaux les plus magistraux et aboutis de l’artiste est la série d’autoportraits intitulée « Somnyama Ngyonyama » (en zoulou, « Salut à toi, Lionne Noire »). Face à l’objectif, prunelles noires et regard pénétrant, Zanele Muholi livre des photos puissantes, chargées de sens. Grâce à des objets du quotidien, l’artiste se pare d’éponges, de gants de latex, de tissus, qu’iel trouve dans ses chambres d’hôtels aux quatre coins du monde. Accessoires qu’iel transforme en colliers et couronnes extravagants. Iel incarne des personnages historiques ou inspirés de ses expériences personnelles. L’artiste se maquille les lèvres ou les yeux de blanc afin d’accentuer et de magnifier la couleur noire de sa peau.
Derrière cette représentation de la femme africaine, le·a photographe y montre les symboles de l’asservissement et de la répression des personnes noires. Ces inégalités sont toujours présentes malgré l’abolition de l’apartheid. Un hommage non dissimulé à la mère de l’artiste, Bester, qui fut au service d’une famille blanche pendant 40 ans. Cette série d’autoportraits diffuse un fort message historique, politique et culturel. Tout en laissant au visiteur la possibilité d’avoir une approche intime, ouverte sur ces images.

Le travail de Zanele Muholi se confond avec son engagement. Brandissant son appareil photo comme une arme contre les discriminations, iel transforme les victimes de répression en icônes. Iel rêve d’une nation arc-en-ciel où chacun est libre d’être soi-même. Si vous ne le·a connaissez pas encore, découvrez sans attendre les œuvres de cet·te artiste magistral·e et militant·e. Et, vous, quel artiste vous inspire ?

Isabelle Maguin

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