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Être une personne non-binaire un effet de mode ?

Êtes-vous femme ou homme ? Êtes-vous non-binaire ? Mais surtout, savez-vous ce que ce terme signifie ? Dans le domaine de la transidentité, chaque mot a un sens précis et doit être employé à bon escient. Parce que le mégenrage peut blesser ! Être une personne non-binaire, un effet de mode ? Depuis votre plus jeune âge, on vous rebat les oreilles avec des propos comme « Tu pourrais mettre des jupes de temps en temps. » , « Les garçons ne pleurent pas ! » , « Le rose, c’est pour les filles ! ». Tout ça, ce sont des stéréotypes sociétaux ma bonne dame ! Déjà, il y a beaucoup à faire avec le féminisme, alors imaginez si chacun pouvait décider d’être neutre, agenre, transgenre, gender fluid ou que sais-je encore ! Ce concept de système binaire des individus est la structure de base de la société occidentale. Soit vous êtes une femme, soit vous êtes un homme. Or, tout le monde ne se sent pas strictement homme ou femme. Voire pas du tout. Il existe depuis les temps lointains des premières communautés, une grande diversité d’identités de genres comme d’orientations sexuelles. En lisant ces lignes, vous sera révélé la confusion fréquemment faite entre ces deux concepts. Vous comprendrez aussi qu’il y a autant de genres que d’individus, ou presque. Et surtout, vous découvrirez qu’être une personne non-binaire n’est pas une nouvelle tendance de développement personnel.

Être une personne non-binaire un effet de mode ? - Le blog du hérisson

Différence entre le genre et le sexe

• Petite mise au point : « Tu seras un homme, mon fils. »

La nature crée des différences, la société en fait des inégalités. – Tahar Ben Jelloun.

Le genre et le sexe sont deux parties distinctes et complémentaires d’un individu. Le sexe est une distinction biologique. Le genre quant à lui est un élément plus subtil de la personnalité. Il dépend de la construction identitaire de chacun. C’est la manière dont un individu perçoit et ressent son environnement à travers sa culture, son éducation, ses interactions sociales, etc.

Beaucoup de formulaires administratifs, de dossiers de candidature ou autre nécessitent la précision du sexe de la personne. Il est vrai que l’identité de genre a un impact conséquent sur la réussite d’une mission professionnelle, davantage que les compétences et les diplômes, c’est bien connu ! L’assignation sexuelle correspond donc à la lettre « M » ou « F », c’est-à-dire le sexe sous lequel l’enfant a été désigné à la naissance. Ainsi, tout le monde naît AMAB – « Assigned male at birth » –  ou AFAB  – « Assigned female at birth ». Cette précision administrative pose un véritable problème aux personnes non-binaires qui ne se reconnaissent pas dans cette dualité imposée. Elle est souvent une source de discrimination.

De plus, « l’identité de genre » peut être différente de « l’expression de genre » . Ainsi, une personne non-binaire assimilée à sa naissance au genre féminin, pourrait se sentir homme, mais s’habiller de façon neutre, c’est-à-dire ni homme ni femme. La non-binarité correspond à une identité, mais ne se répercute pas nécessairement sur le physique.

• Les origines de la non-binarité ou la peur de la différence

L’idée du genre a évolué au cours du temps. Ce n’est pas parce que personne n’en parlait que la non-binarité n’existait pas. C’est un concept tout à fait occidental. Ainsi, dans certaines régions du monde, plusieurs genres cohabitent depuis des décennies. En Polynésie, au Bangladesh et ailleurs, il y a trois ou quatre genres admis. En Indonésie, il y en a même cinq !

La non-binarité n’est pas un phénomène récent. La preuve en est que dans les premières nations d’Amérique du Nord, trois à six genres différents cohabitaient. En plus des hommes et des femmes, il y avait des personnes se reconnaissant comme « two-spirit ». Il existe une quantité d’autres termes à travers le monde – comme nadleeh, i-coo-coo-a, mahus, etc.  pour désigner les individus qui ne se sentent ni homme ni femme à 100 %, mais qui ont une véritable place dans la société. Bien sûr, les colons, qui trouvaient que ces individus ne rentraient pas dans leurs normes de chrétiens, ont voulu reformater ces profanes. De nos jours, de plus en plus de personnes, ne considèrent plus le sexe biologique comme un marqueur identitaire.

• Les progrès de l’éducation non-genrée : « Quand je serai grande, je serai chauffeuse de bus ! »

Avec la montée du féminisme, de plus en plus de parents en France font attention à ne pas dispenser une éducation genrée. Ce n’est pas parce qu’un petit garçon va jouer à la poupée qu’à l’âge adulte, il portera des robes. Ce n’est pas pour ça qu’il va devenir une personne non-binaire. S’il en a envie et que ça le rend heureux, très bien, mais l’un n’est pas la conséquence de l’autre. Permettre à son enfant de découvrir le monde, c’est lui donner les moyens de se construire une personnalité riche, loin des stéréotypes.

Vous comprenez donc que le genre n’est pas le sexe. Pourtant, c’est le cas dans la société moderne. C’est une des raisons pour lesquelles le concept de non-binarité est encore difficile à admettre. De nos jours, le sexe d’une personne non-binaire, ou pas, peut encore lui fermer des portes. Le genre est vecteur d’inégalités sociales. Mais ces différences sont elles-mêmes dues à une éducation trop genrée. Les filles (et plus tard les femmes), comme les garçons (et plus tard les hommes), sont traitées de manière différente.

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Être une personne non-binaire : les subtilités du genre

On ne naît pas femme, on le devient. – Simone de Beauvoir

Chacun.e se perçoit d’une façon personnelle et différente des autres. Il y a une multitude de manières de spécifier son genre, ou son absence de genre. Sans être exhaustif, une dizaine de termes différents peut être comptabilisée, tous avec une infinité de nuances. Il sera donc question ici de non-binarité, sur le plan de l’identité de genre et non pas :

  • de l’expression de genre ;
  • de l’identité sexuelle – que ce soient les organes, les chromosomes ou même les hormones.

Ces notions ne sont pas nouvelles, ce sont les mots qui les caractérisent qui le sont. D’ailleurs, de plus en plus de gens se reconnaissent dans ces définitions. Pourtant, peu de personnes connaissent ces nuances de langage sans être directement ou indirectement concernées. Sachant que le commun des mortels est méfiant envers ce qu’il ne connaît pas, voici quelques définitions essentielles afin de vous éviter de mégenrer et de blesser une personne non-binaire.

La signification de la non-binarité est complexe. La non-binarité regroupe tout individu qui n’est ni exclusivement un homme ni exclusivement une femme, dont le genre se situe en dehors de la norme cisgenre. Pour rappel, une personne cisgenre – ou « cis » – est quelqu’un dont le sexe de naissance correspond à son identité genrée. En clair, une femme cisgenre se reconnaît parfaitement dans son corps de femme. Idem pour un homme.

Il existe beaucoup de variations lexicales de la non-binarité comme polygenre, gender fluid, bi-genre, agenre, neutre, etc. Une personne non-binaire rejette la norme établie de binarité homme/femme. Iel – pronom permettant de désigner une personne sans distinction de genre ne se reconnaît pas uniquement dans un seul de ces deux genres, mais quelque part entre homme et femme. Iel peut estimer être entre les deux, aucun des deux ou même un mélange des deux.

Être une personne non-binaire ou genderqueer

• Être agenre

Une personne non-binaire qui se reconnaît agenre, ne s’identifie à aucun genre. Il est sans genre, dans le sens d’une absence de genre. Pour autant, iel ne rejette pas automatiquement son genre de naissance, mais iel ne se définit ni en tant qu’homme, ni en tant que femme. Son identité peut même se situer hors des catégories binaires de genre.

• Être neutre ou neutrois

La nuance est très fine, voire inexistante, être un genre neutre et agenre. Une personne non-binaire qui a un genre neutre n’est ni féminine ni masculine.

  • Cela peut signifier qu’iel ne s’identifie ni en tant que femme ni en tant qu’homme ;
  • Iel peut se situer entre ces deux genres ;
  • Ou iel ne s’identifie à aucun genre (rejoint la notion agenre).

Par contre, il ne faut pas faire l’amalgame avec « androgyne » qui déroge aux codes vestimentaire du masculin et du féminin. Quelqu’un d’androgyne transgresse les stéréotypes de la binarité, mais n’est pas forcément une personne non-binaire.

• Être transgenre

Un.e transgenre – ou « trans » – est une personne dont l’identité de genre assigné à la naissance, ne correspond pas – ou pas totalement – à ce qu’iel est au fond d’iel-même. Les personnes totalement transgenres n’entrent pas dans le concept de non-binarité, car même s’iels ne correspondent pas aux critères cis-normés, iels se reconnaissent 100 % homme ou 100 % femme.

  • Une femme partiellement transgenre – transféminine, demi-girl – est une femme qui a été assignée garçon à la naissance, mais se reconnaît en partie femme, en partie un autre genre non-binaire.
  • Un homme partiellement transgenre – transmasculin, demi-boy – est un homme qui a été assigné fille à la naissance, mais qui se reconnaît en partie homme, en partie un autre genre non-binaire.

• Être bi-genre, tri-genre et polygenre

Une personne bi-genre quant à iel, se reconnaît dans deux genres, soit simultanément, soit à des moments différents. Cette identité peut être confondue avec le genre fluide. Cette dualité de genre peut s’exprimer aussi bien à travers une identité binaire, non-binaire ou fluide. De même, une personne non-binaire tri-genre s’identifie à trois genres simultanément et une personne polygenre à de multiples genres.

• Être de genre fluide ou gender fluid

Une personne non-binaire qui se revendique de genre fluide a une identité qui fluctue entre le masculin et le féminin. Certains jours, iel se sentira femme et d’autres jours plus ou moins homme. Ou l’inverse. Mais également, de temps en temps de genre neutre. Son genre varie sur tout le spectre de la binarité selon son humeur, ses émotions, ses envies, etc.

Tolérance dans les nuances de genre

• L’évolution des mentalités

Les hommes sont des femmes comme les autres. – Rouch Marx

Heureusement pour l’être humain, la parole se libère de plus en plus et les mentalités évoluent. Une certaine tolérance se répand, notamment à travers la reconnaissance des minorités. La multiplication des modes de communication a un impact probable sur cette ouverture d’esprit. Chacun.e peut s’informer, discuter, apprendre à se connaître et à se reconnaître. Des affinités se créent. Malgré l’aspect virtuel, les gens ne sont plus seuls avec leurs questions et leurs problèmes. Le bonheur tient une part importante dans la vie de chacun.e, et cela passe par le bien-être personnel. Les gens assument de plus en plus leur identité profonde. ils peuvent poser des mots – nouveaux – dessus. Iels sont plus à l’aise pour en parler.

• La non-binarité n’est pas un effet de mode

La non-binarité n’est pas un phénomène générationnel, contrairement à ce que l’on a pu entendre un peu partout. Pour preuve, en 2014, un.e australien.ne de 52 ans a obtenu la reconnaissance officielle de « troisième sexe ». De même en 2018, en Europe, la première personne reconnue de genre neutre sur ses papiers d’identité est un.e cinquantenaire néerlandais.e. La société actuelle cis-hétéro normée a encore du mal à sortir des cases du féminin et du masculin. Pourtant, un certain nombre de pays dans le monde ont reconnu officiellement l’existence d’un troisième genre. C’est le cas de l’Inde, du Pakistan, de la Nouvelle-Zélande, du Népal, de l’Argentine, du Canada, de l’Allemagne, du Danemark, de Malte, etc. Ainsi, une personne non-binaire devra monter un dossier solide à présenter au juge si iel souhaite changer d’état-civil. La France quant à elle, n’en est pas encore là.

La binarité est un concept bien de chez nous. Or, les connexions sont bien plus complexes entre le sexe et le genre. Ce dernier ne se limite pas à la binarité homme/femme. Une personne non-binaire rejettera forcément ce système simpliste. Il est en réalité beaucoup plus nuancé. La non-binarité est une forme de transidentité dans laquelle un individu ne se reconnaît pas à 100 %, selon son échelle personnelle de genre féminin ou masculin. Un trouble dans la construction personnelle genrée peut apparaître chez une personne n’ayant pas une idée claire de son identité. La non-binarité existe et il est tout à fait légitime de se sentir ainsi. Avec l’explosion des systèmes de communication, la non-binarité est de plus en plus visible, et tend même à se normaliser. Un certain nombre de célébrités – telles Kate Bornstein, Tyler Ford, Ezra Miller, Ruby Rose, etc. – ont fait leur coming out. Iels médiatisent par ce biais la communauté LGBTQIA+.

Mais les préjugés ont la dent dure. La tolérance et l’acceptation bienveillante de la personne non-binaire passent par la compréhension et la normalisation. Le langage joue un rôle essentiel. Les mots sont un vecteur social important. Il existe encore peu de termes neutres. Pourtant, les choses bougent. Il y a maintenant des alternatives grâce à l’écriture inclusive. Avec la valorisation croissante du féminisme, cette dernière prend de plus en plus de place. Sur Le blog du hérisson, vous pouvez d’ailleurs lire un article sur un sujet qui divise : l’écriture inclusive.

Céline Lorenzi

4 réflexions sur “Être une personne non-binaire un effet de mode ?

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