Marie Marvingt : l’aventurière sans limites
Aviatrice, sportive médaillée, infirmière, correspondante de guerre, voici une brève énumération des casquettes portées par celle que l’on surnommait « la fiancée du danger ». En 1963, c’est dans la misère et le silence que disparaît cette femme détentrice de 34 décorations et distinctions. Découvrez, dans cet article, la vie mouvementée de Marie Marvingt : l’aventurière sans limites.
Les premières années de Marie l’intrépide
Née à Aurillac en 1875, Marie Marvingt est une éternelle curieuse. Durant toute sa vie, elle ne cessera de repousser ses limites et ne fera que ce qu’il lui plaît.
Je décide de faire mieux, encore et toujours. – Marie Marvingt
► Une petite enfance prometteuse
Très tôt, l’apprentie aventurière révèle des aptitudes sportives hors norme. Après avoir perdu 3 de ses fils, son père Félix-Constant l’initie aux activités physiques comme si elle était un garçon. À cinq ans, Marie nage 4 km chaque jour dans la rivière Jordanne (Auvergne). Dans les années qui suivent, la petite fille déménage à Metz et intègre une formation au cirque Rancy où elle pratique avec excellence :
- la gymnastique,
- le funambulisme,
- le trapèze,
- la jonglerie,
- la voltige.
► Les débuts de Marie Marvingt à Nancy
Marie a 9 ans lorsque sa mère est emportée par la maladie. Elle déménage à Nancy avec son père et son dernier frère Eugène dont la santé est fragile. À l’âge de 15 ans, elle parcourt plus de 400 km en canoë et relie Nancy à Koblentz. Soutenue par Félix-Constant, l’adolescente se lance ensuite dans le cyclisme et dans l’alpinisme avant d’explorer plus d’une quinzaine de disciplines à l’âge adulte.
► Les études d’une future championne
En ce qui concerne les études, la jeune femme n’est pas en reste. À ses 25 printemps, Marie est titulaire d’une licence de lettres et d’un diplôme d’infirmière à la Croix-Rouge. Elle parle 7 langues :
- le français,
- l’allemand,
- l’italien,
- l’anglais,
- le russe,
- le néerlandais,
- l’espéranto.
Dormant peu, elle multiplie les activités. Elle apprend le droit et la médecine. Mademoiselle Marvingt est la première femme d’Europe à obtenir le certificat de capacité appelé aujourd’hui le permis de conduire.
Une sportive accomplie et libre
Marie ne se préoccupe pas des convenances de l’époque et se lance à corps perdu dans le sport. Très présente sur les podiums, cette touche à tout collectionne les médailles.
► Une athlète jamais égalée
Depuis son plus jeune âge, Mademoiselle Marvingt excelle dans de nombreuses pratiques sportives. Elle remporte les premiers prix en :
- ski alpin,
- cyclisme,
- alpinisme,
- escalade,
- patinage,
- bobsleigh,
- équitation,
- athlétisme,
- escrime,
- tir sportif,
- luge,
- natation,
- saut.
Pour récompenser ce parcours exceptionnel, l’académie des sports lui remet en 1910 la grande médaille d’or dans la catégorie « toutes disciplines ». Jusqu’à aujourd’hui, aucun autre athlète n’a obtenu cette distinction.
► Marie Marvingt fait son Tour de France
L’une des activités favorites de cette sportive hors norme est le vélo. Durant ses jeunes années, elle relie Nancy à Bordeaux, à Milan puis à Toulouse. Cependant, l’exploit le plus marquant reste le voyage Paris-Nancy qu’elle a parcouru à l’âge de 86 ans sur sa bicyclette qu’elle appelle « zéphyrine ».
Avec un tel caractère, il est facile d’imaginer qu’en 1908, Marie ne se laisse pas abattre lorsque sa candidature au Tour de France est refusée. Vêtue d’une jupe-culotte, la jeune femme participe à la compétition en démarrant la course quelques minutes après le peloton. Sur les 144 participants, seuls 36 terminent l’épreuve. C’est en sportive accomplie, qu’elle franchit également la ligne d’arrivée.
Savoir vouloir, c’est pouvoir. – Marie Marvingt
Une pionnière dans l’aviation
Marie « casse-cou », comme la surnomment les journaux, est une passionnée d’aviation. Elle délaisse un temps le sport pour se consacrer entièrement à l’aéronautique.
► Les exploits aéronautiques de Marie casse-cou
C’est en multipliant les prouesses, les distinctions et les brevets de pilotage que cette pionnière a marqué le monde de l’aviation féminine :
- 1901 (26 ans) : obtention du brevet de pilote de ballon libre ;
- 1909 : première femme à traverser la manche de la France à l’Angleterre en ballon libre ;
- 1910 : troisième femme au monde à obtenir le brevet de pilote d’avion ;
- 1910 à 1934 : élaboration des plans et présentation de l’avion sanitaire ;
- 1955 : octroi du Grand Prix de la fédération de l’aéronautique ;
- 1957 : octroi de la médaille de service de la santé de l’air ;
- 1959 : (84 ans) obtention du brevet de pilote d’hélicoptère.
► Marie Marvingt : son mariage raté avec la mort
En plus de 900 heures de vol, elle n’a eu qu’un accident dans toute sa carrière. En 1913, l’aviatrice amorce un atterrissage forcé avant de s’écraser dans un champ. Coincée sous la carcasse de l’avion, son visage est enfoncé dans la boue. Toujours consciente, elle creuse avec sa main gauche un trou dans la terre pour que l’air arrive jusqu’à sa bouche. Grâce à ce geste, la pilote peut respirer en attendant les secours. C’est non sans humour, lors de sa convalescence, que Marie casse-cou déclare au Figaro du 3 janvier 1914 :
Une fois de plus, je reste la fiancée du danger, mais le mariage n’a pas été loin.
► Pilote jusqu’à la fin
Après cet accident, qui lui vaut de graves blessures au visage et dont elle gardera des cicatrices, mademoiselle Marvingt n’est pas échaudée. Aventurière dans l’âme, elle pratiquera l’aviation jusqu’à la fin de sa vie. Pour célébrer ses 80 ans, le gouvernement américain lui offre un vol à bord d’un chasseur supersonique. À 84 ans, elle obtient son brevet de pilote d’hélicoptère.
J’ai le mal des hauteurs et n’en veux point guérir. – Marie Marvingt
La fiancée du danger s’en va en guerre
Marie a traversé deux guerres mondiales. Jamais effrayée par le danger, son côté patriotique fait d’elle une héroïne. Au même titre que Joséphine Baker et Rose Valland, elle incarne à travers ses aventures l’image d’une femme courageuse et infiniment libre.
► Une aviatrice chez les poilus
Refusée en tant qu’aviatrice au sein de l’armée française, Marie compte bien participer d’une façon ou d’une autre à la guerre de 14 – 18. Transformée en caporal Beaulieu, elle combat au front dans le bataillon des chasseurs à pied. Démasquée après plusieurs mois dans les tranchées, elle est transférée en tant qu’infirmière auprès des chasseurs alpins. Durant cette période, elle est également correspondante de guerre pour différents journaux.
Événement rarissime, l’armée lui demande en 1915 de remplacer un pilote malade. Elle participe avec succès à 3 bombardements, dont celui de la base aérienne de Metz-Frescaty. Reconnue pour ses faits d’armes, l’aviatrice reçoit la croix de guerre. Malgré sa bravoure, Marie se verra refuser son intégration au corps aérien de l’armée.
► Une infirmière héroïque sur le front
Lors de la Seconde Guerre mondiale, Marie est une infirmière très présente sur le front. Elle crée un point de suture chirurgicale rapide à réaliser. Cette invention limite les risques d’infection des blessures des soldats lorsqu’ils sont sur le champ de bataille.
En 1939, elle fonde le centre « le repos des ailes ». Il s’agit d’un lieu de convalescence pour les aviateurs mutilés lors des combats. Dix ans plus tard, mademoiselle Marvingt se voit décerner le titre d’officier de la Légion d’honneur qui est l’une des plus hautes décorations honorifiques françaises. Celle-ci est remise aux civils et aux militaires ayant servi la Nation à travers des actes héroïques.
L’avion-ambulance : le projet de vie d’une inventrice audacieuse
En 1910, Marie commence les plans d’un avion-ambulance. Elle les soumet 2 ans plus tard à la direction de l’aéronautique militaire qui valide le projet. Eugène Étienne, ministre de la Guerre, montre un vif intérêt pour ces avions sanitaires. Durant encore deux années, l’inventrice parcourt la France pour présenter son invention jusqu’à ce que la Première Guerre mondiale éclate. Elle interrompt son programme et part sur le front.
En 1917, le docteur et député Eugène Chassaing reprend le projet de mademoiselle Marvingt et le fait aboutir en transformant des avions de guerre en avion sanitaire. À partir de 1920, Marie l’inventrice fait place à Marie la conférencière. Elle voyage à travers le monde et fait près de 3 000 interventions publiques pour promouvoir l’utilité de l’avion-ambulance. Toujours dans le but de faire connaître l’évacuation de blessés par les airs, elle réalise deux films documentaires sur le service sanitaire aérien :
- Les ailes qui sauvent (1935) ;
- Sauvés par la colombe (1949).
En parallèle de ces activités, Marie qui vit au Maroc durant l’entre-deux-guerres crée un centre de formation. Elle y enseigne aux femmes à devenir infirmières et pilotes d’avion sanitaire.
La triste fin d’une infatigable globe-trotteuse
Grâce à ces travaux journalistiques, madame Marvingt perçoit une retraite. Cependant, celle-ci ne couvre pas ses besoins. Afin de compléter cette maigre pension, la vieille dame doit continuer d’officier en tant qu’infirmière. C’est à l’hospice de Laxou (Meurthe-et-Moselle) que Marie s’éteint à l’âge de 88 ans.
Aujourd’hui, la fiancée du danger se retrouve presque oubliée de tous. Décorée de la Légion d’honneur, cette héroïne de guerre a fait de sa vie ce que lui dictait son cœur. Aventurière sans limites, les péripéties de l’infatigable Marie Marvingt montrent que lorsque l’on croit en soi, on peut être capable de faire de grandes choses.
Hélène Honhon