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L’anglais ne remplacera jamais le français

Il ne se passe pas une saison sans que l’on parle de la langue française dans les médias. Les inquiétudes sont nombreuses : les jeunes ne savent plus parler, le monde du travail utilise des mots étrange(r)s, le niveau scolaire est catastrophique. Mais tout cela n’est rien face aux attaques puissantes et répétées du monde anglophone pour détruire notre idiome. Pourtant, en regardant l’histoire de la langue, tout va bien. Découvrez en 3 points pourquoi l’anglais ne remplacera jamais le français !

L’anglais ne remplacera jamais le français - Le blog du hérisson
©Eddie Junior

Les emprunts à des langues étrangères ont toujours existé

Lorsqu’un locuteur utilise un mot ou une expression appartenant à une langue différente de la sienne, on parle d’emprunt linguistique. Ce phénomène remonte à bien avant l’Antiquité, bien qu’on en atteste principalement grâce au grec et au latin. Il est dû à différents facteurs : la proximité géographique, le commerce, la colonisation et la guerre.

La France, voisine de la Grande-Bretagne, a reçu un grand nombre de mots venant de la langue anglaise (environ 2000), mais elle en a transmis également énormément (près de 30 % du vocabulaire anglais vient du nôtre). Dès 1066, les Vikings francophones installés en Normandie ont conquis l’Angleterre et imposé le franco-normand comme langue officielle. Jusqu’au XIVe siècle, le français est resté la langue du roi et de sa cour.

Depuis la révolution industrielle, la tendance s’est inversée et l’anglais est devenue la langue d’emprunt de nombreuses communautés linguistiques. Langue des sciences et du commerce, elle s’est aussi imposée mondialement grâce à la puissance des États-Unis. Cependant, la France possède une Commission d’enrichissement de la langue française, ce qui n’est pas le cas dans tous les pays. C’est pourquoi le français possède des termes tels que logiciel ou ordinateur alors que les Allemands et les Italiens utilisent software et computer.

De plus, le vocabulaire anglais peut survenir dans la langue sous l’effet d’une mode. Il y a quelques années, les adolescents qualifiaient une nouvelle paire de baskets de « cool », alors qu’aujourd’hui ils diront plutôt qu’elles sont « fraîches » ou « stylées ». Cet anglicisme a été détrôné, montrant le caractère parfois éphémère des emprunts. Enfin, parfois les mots anglais qui nous parviennent sont issus du français : manager nous revient après avoir été emprunté sous la forme de « ménagère », tout comme spoil, venu de « spolier ».

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©Clarissa Watson

La vitalité d’une langue ne se mesure pas par son nombre d’emprunts

Les Français souffrent d’une peur collective concernant la vitalité de leur langue. Ils se sentent profondément menacés par les fautes d’orthographes et par les anglicismes. Pourtant ces peurs ne sont pas partagées par nos voisins européens. Les Scandinaves éprouvent beaucoup moins de complexes à intégrer des mots ou expressions anglaises à leur vocabulaire, alors qu’ils parlent des langues et dialectes bien moins connus que le français.

Avec plus de 300 millions de locuteurs, le français est aujourd’hui la cinquième langue la plus parlée au monde. Au sein d’une aussi large communauté linguistique, on pourrait croire que les Français se sentent à l’abri de l’extinction de leur langue. Toutefois, on constate que dès l’évocation d’un parler autre que celui de France métropolitaine, on le considère fautif voire même impur. C’est sans doute pourquoi nous parlons de fautes d’orthographe alors que beaucoup d’autres langues les appellent « erreurs » : la pratique non savante du français serait à proscrire.

La réalité est pourtant autre : comme toute langue vivante, le français est en constante évolution. Des mots sont créés, certains deviennent désuets, des emprunts sont faits à d’autres langues, il comporte des créoles et des variantes régionales. On parle souvent de la langue de Molière pour désigner le français, ce qui était le cas il y a environ 350 ans. Depuis il a tellement évolué que les non-spécialistes ont besoin d’une traduction pour le comprendre. On peut alors parler non pas de la langue française, mais des langues françaises, inscrites chacune dans un espace et un temps donnés.

Avec près de 17 millions d’habitants, Kinshasa, en République démocratique du Congo, est aujourd’hui la capitale de la francophonie. Le français est la langue officielle de 13 pays, mais elle est parlée dans 29 pays au total. Il serait naïf de croire que le français de Paris est celui qui est enseigné à toutes ces populations. Par exemple, le québécois est assez éloigné du français de France pour qu’on ne puisse pas le comprendre instantanément. Pourtant, il est indéniable qu’il fait partie de la même langue.

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L’évolution de la langue ne peut pas être empêchée

En 1909, des enseignants s’indignaient déjà que les jeunes ne savaient plus écrire ni parler. Un désaccord générationnel se reproduit afin d’établir que tout était mieux avant : le niveau, la mentalité, les institutions, etc. Cependant, l’évolution de la langue ne peut pas faire de pause. Elle ne peut pas être régie par une institution, car elle prend racine dans l’essence même de l’humanité : la faculté de parler. Pour exprimer nos besoins, nos opinions, nos pensées, cette capacité est difficilement contrôlée lorsqu’elle nous octroie l’appartenance à un groupe.

Pourtant, en Corée du Nord, le régime totalitaire a réussi à formater le coréen si bien que les habitants des deux Corées peuvent avoir des difficultés de compréhension. Depuis la séparation du pays en 1948, la langue a évolué différemment. Au Sud et avec l’influence des États-Unis, le coréen s’est enrichi avec des anglicismes et des nouveaux mots. Au Nord, certains affirment que la langue enseignée à l’école est la même depuis les années 1950. Pour les Coréens du Sud, elle semble vieillotte, répétitive et remplie d’expressions désuètes. Les réfugiés du Nord arrivant au Sud ont souvent beaucoup de mal à s’intégrer, ne comprenant pas les mots anglais. Une fracture linguistique et culturelle continue à les exclure après avoir fui la dictature.

Le nationalisme et le passéisme, joints à une politique stricte dirigeant tous les aspects de la vie d’une population, peuvent manier la langue. Cependant, cela se fera au prix de la liberté du peuple et de son isolement géographique et culturel. Si aucun mot ne doit être inventé et une langue préservée, alors nous ne pourrions pas désigner des objets du quotidien tels que téléphone ou réfrigérateur. Qui sait si ces objets auraient été inventés ?

Les débats autour de notre langue cachent en réalité une autre peur. En adoptant des anglicismes à foison, nous modelons notre vision du monde à la culture et aux concepts anglophones. Néanmoins, outre-Manche et outre-Atlantique, on regarde toujours l’Hexagone avec envie. Avec 52 biens inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, la France est au 4ème rang des pays possédant le patrimoine le plus riche. Nul besoin de s’inquiéter pour notre langue ou notre culture : l’anglais ne remplacera jamais le français !

Violette Besson

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