Éco-gestes : des vertus méconnues
Les éco-gestes souffrent malgré eux de nombreux clichés. Trop contraignants pour les uns, pas assez efficaces pour les autres, les éco-gestes possèdent pourtant de nombreuses vertus méconnues à mettre en lumière afin de mieux les comprendre.
Qu’est ce qu’un éco-geste ?
Les éco-gestes sont de petites habitudes écologiques à entreprendre au quotidien, qu’il s’agisse de baisser sa consommation d’eau, acheter moins mais mieux en sélectionnant des objets à base de matériaux éco-responsables, de consommer local, ou de faire des économies d’énergie, nombreuses sont les solutions et les propositions dans le domaine.
Éco-gestes et culpabilisation
Il est impossible de parler d‘éco-gestes sans les lier à la traditionnelle culpabilisation des consommateurs qui, bien souvent, n’ont pas la possibilité de pouvoir drastiquement changer de mode de vie du jour au lendemain. Rappelons tout de même que les ménages les plus aisés sont ceux qui polluent le plus selon une étude du World Inegality Lab rapportée par le journal Les Echos, et que les classes populaires sont souvent les premières à effectuer des éco-gestes malgré elles, notamment au niveau de la réduction du gaspillage alimentaire ou en baissant leur consommation de chauffage par souci d’économie d’argent.
Au final, ce ne sont pas les ménages, mais bien les grandes entreprises, notamment productrices d’énergie fossile, qui sont à la racine des problématiques de pollution à l’échelle mondiale, comme l’affirme ce listing des vingt entreprises les plus polluantes du monde.
Malgré tout cela, les injonctions aux éco-gestes sont malheureusement nombreuses et peuvent bien souvent empêcher certaines personnes de se lancer sérieusement de peur de ne pas être à la hauteur, ou par lassitude des donneurs de leçons.
Éco-gestes et greenwashing
Parfois, les marques peuvent ne pas dire toute la vérité au consommateur. En plus d’être parfois accusé de greenwashing, ces marques peuvent utiliser des labels contenant des informations délibérément vagues ou imprécises pour tromper les consommateurs.
Dans un autre domaine, il est difficile de garder un objet durant des années à l’ère de l’obsolescence programmée. Malgré les promesses des fabricants qui affirment devenir plus vertueux, les marques telles qu’Apple ne réparent plus leurs produits datant d’à peine une dizaine d’années.
Les éco-gestes, inutiles pour protéger l’environnement ?
Il est utile de préciser que les éco-gestes et toutes les actions individuelles dans leur globalité ne sont rien sans véritable volonté politique et collective. Ainsi, on peut faire sa part, ce qui n’est pas inutile et même indispensable lorsque l’on sait que le mode de vie occidentale est à l’origine du fameux ‘jour du dépassement’ qui nous indique la date à laquelle nous consommons davantage de ressources que la terre n’est capable d’en produire en une année. La date était celle du 2 août 2023, selon la WWF.
Pour Carbone 4, allier changements d’habitudes et action publique permet un gain de 20 % de l’empreinte carbone pour chaque individu. Ce qui prouve que, malgré toute la bonne volonté du monde, notre mode de vie nous échappe suffisamment pour que nous n’ayons pas la main sur la majorité du CO2 que nous produisons. Éco-gestes ou non.
Pour Carbone 4 toujours, c’est donc aux pouvoirs publics de faire la grande partie du chemin, car eux seuls possèdent la possibilité d’actionner de grands changements comme
Édicter les règles qui permettent de réorienter les investissements dans les filières décarbonées, conditionner les accords commerciaux au climat si nécessaire
ou encore conduire un
grand plan de rénovation des bâtiments résidentiels et tertiaires.
Une France éco-responsable peut-elle résoudre les problématiques climatiques mondiales ?
L’un des arguments les plus populaires lorsqu’il s’agit de réduction d’émission à effet de serre est que la France et l’Europe ne sont que très peu contributrices si on les compare à de grands pays comme les États-Unis ou la Chine par exemple.
Il faut cependant prendre en compte les émissions produites par la France en dehors de ses frontières, notamment au niveau du financement des énergies fossiles par les banques françaises comme nous le rappelle également l’ONG Oxfam. Il est donc possible de mieux dépenser son argent dans des produits de qualité, être éco-responsable au quotidien, mais que faire alors, lorsque ceux qui gèrent votre argent, l’utilisent pour financer des projets climaticides ? Là encore, le consommateur n’a pas les pleins pouvoirs sur la situation.
Les divers gains des éco-gestes au quotidien
Il est toujours difficile de changer ses habitudes, surtout si on croit perdre au change en le faisant. Il est cependant important de connaître les gains concrets d’une consommation plus écologique, car l’écologie renferme en elle-même de nombreuses vertus : nous maintenir en bonne santé, prendre soin de notre portefeuille, et même de notre système de solidarité ! Comment les éco-gestes peuvent-ils nous aider au quotidien ? C’est parti pour un petit tour d’horizon.
► Des éco-gestes simples pour faire des économies d’argent
La part du gaspillage alimentaire en Occident est assez spectaculaire, à raison de 10 millions de tonnes de nourriture pour les français. Et ce gaspillage est autant catastrophique pour nos économies que pour la planète.
Dans le monde de la consommation abondante, il est facile de penser que l’on fait des économies car tout ce qui nous est présenté est à rabais, et souvent en promotion. Cependant la fréquence et la quantité d’objets achetés entraînent en réalité des pertes d’argent significatives. 30 kg de nourriture sont par exemple jeté par personne chaque année, dont 7 kg jetés et jamais déballés selon le Ministère de la Transition Écologique.
Les produits low cost ont également une durée de vie limitée, et ils peuvent également parfois se transformer en dépenses imprévues et urgentes, qui pèsent sur le budget. Selon statista, nous remplaçons nos téléphones tous les 2 à 3 ans, nos ordinateurs tous les 2 à 5 ans, nos télévisions tous les 7 à 10 ans. À l’échelle d’une vie, cela représente des dépenses conséquentes pour des appareils valant plusieurs centaines d’euros.
Désormais, nous avons le réflexe d’acheter vite, pour faire des économies rapidement, mais cela se révèle souvent être un piège. Car sur le long terme, le consommateur perd en réalité de l’argent. La part des vêtements non portés dans l’hexagone s’élève à 114 euros. Autant d’argent perdu pour 30 kg de vêtements achetés chaque année. Combien de vêtement porté une, deux fois avant de retourner au placard ? Mystère, mais ce qui est certain, c’est que ces vêtements représentent également un manque à gagner certain.
💡 Quelles solutions ?
L’éco-geste le plus facile à mettre en place pour être certain d’acheter un objet qui ne lâchera pas en cours de route est de chercher les objets ayant un bon indice de réparabilité. Cela permet d’éviter des dépenses de dernière minute lorsqu’un objet lâche sans possibilité de le remplacer dans l’immédiat. D’autres applications comme Geev permettent de faire du troc entre particuliers sans dépenser d’argent, et par conséquent sans notion de dépense ou de profit. L’application Selency propose quant à elle une véritable brocante en ligne afin de favoriser une économie réellement circulaire avec des produits vintage.
Cette impression du tout jetable va également de pair avec le fait que nous n’avons que peu d’attachement à des biens que nous pensons facilement et rapidement remplaçables. Retrouver de l’attachement aux choses peut donc être sain pour notre porte-monnaie !
Un autre éco-geste facile à effectuer est d’utiliser des applications telles que Nous anti-gaspi ou la plus connue d’entre toutes, Too Good To Go, permettant d’acheter de la nourriture à prix réduit afin d’éviter que des denrées encore consommables ne terminent à la poubelle. De nombreux magasins anti-gaspillage proposent également des prix défiant toute concurrence car proposant des denrées destinées à être jetées si elles ne sont pas achetées. Des économies pour le portefeuille, et une bonne action contre le gaspillage.
Dans un autre registre, il est possible de faire des économies sur sa facture d’eau par l’utilisation d’un mousseur pour robinet afin de réduire le débit et donc la quantité d’eau utilisée.
Pour faire des économies d’énergie, des ampoules LED, beaucoup moins gourmandes en énergie que les ampoules traditionnelles, peuvent aider à faire baisser la facture d’électricité. En cas de petit budget, les ampoules LBC ou basse consommation peuvent également être un choix judicieux.
► Des éco-gestes au service de la solidarité
En forçant les populations les plus modestes des pays occidentaux à consommer le labeur des pays du Sud Global, on casse la solidarité entre les êtres humains, et surtout entre les travailleurs. Les vêtements de basse qualité sont par exemple particulièrement polluants, notamment pour les pays les plus pauvres dans lesquels ils atterrissent à la fin de leur vie.
La toxicité de la teinture des jeans a également un impact global sur ceux qui les produisent, comme c’est le cas en Chine selon le rapport Usés ! du collectif Éthique sur Étiquette qui œuvre pour les droits des travailleurs dans le monde.
Nombreuses sont les marques au sigle ‘girl power’ qui pourtant utilisent la main d’œuvre précaire des pays plus pauvres, exploitant majoritairement des employées féminines dans des conditions menant aux pires désastres, comme ce fut le cas pour l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh.
En RDC, ce sont 40 000 enfants qui permettent à nos smartphones de fonctionner.
En ce qui concerne la solidarité proche de chez nous, mieux consommer permet également de soutenir les associations avec des dons de qualité lorsque les particuliers décident d’offrir un vêtement ou objet qu’ils n’utilisent plus. En effet, Actu.fr rappelle que le Secours populaire a annoncé une baisse significative du nombre de vêtements que l’association est capable de prendre en compte, la faible qualité de ces derniers ne permettant pas de les offrir à leurs bénéficiaires ou de les mettre en vente dans leur boutique. Ou parce que ces vêtements partent tout simplement sur Vinted.
💡 Quelles solutions ?
Premier éco-geste : recycler ses vêtements pour acquérir un autre sens du style ! Connaissez-vous le minimal dressing ? Ce dressing qui ne contient que des pièces sobres et intemporelles. Le secret étant d’acheter des pièces indémodables et allant avec tout pour ne pas être limité par la coupe ou la couleur d’un vêtement. Ainsi, il est possible de constituer une multitude de looks avec peu de vêtements.
Pour ce second éco-geste, le label indépendant SLOWEARE propose un catalogue pour aider les consommateurs à se retrouver dans la mode éthique. La marketplace WeDressFair propose également sa propre sélection de marques porteuses de différents labels éthiques à qui faire confiance les yeux fermés.
De nombreux sites de seconde main existent également : Seconde main Zara, Kiabi, Modalist, Once Again, Vide Dressing, Vestiaire Collectif, etc… mais attention, comme dit précédemment, une enquête de Capital rapporte que Vinted peut devenir un véritable business qui n’a plus rien d’éco-friendly. La seconde main peut parfois se transformer en appel d’air poussant à davantage de consommation, car avec des prix défiant toute concurrence, nombre de consommateurs pourraient être tenté de refaire (trop) souvent leur garde robe. Là encore, c’est un piège financier, pour des pièces que l’acheteur n’est même pas sûr de porter.
Eh oui, être éthique n’est pas facile, mais la solution reste la même : se contenter de ce que l’on souhaite vraiment, et ce peu importe la marque auprès de laquelle on achète. Essayer de garder ses vêtements le plus longtemps possible est toujours une bonne idée.
►Des éco-gestes individuels pour la santé
Nos habitudes de consommation sont également nocives pour notre santé, et ce sur plusieurs points.
La viande rouge que l’on consomme à outrance est à l’origine de nombreuses maladies, dont des cancers.
L’agriculture intensive est à l’origine d’une partie de la déforestation, de la destruction des milieux naturels et de la biodiversité, nous exposant à davantage de risque de pandémie, alerte la journaliste Marie-Monique Robin à Paris Match.
Selon une étude de l’inserm, le lien entre pesticides et recrudescence de diverses maladies devient de plus en plus étroit, notamment en ce qui concerne la maladie de parkinson, le cancer de la prostate, et d’autres formes de cancers.
Outre les problématiques liées au budget, la consommation à outrance entraîne également des problèmes pouvant engendrer des effets destructeurs sur le mental des acheteurs, comme le rapporte une étude anglophone publiée sur Medical News Today.
Ajoutons à cela les divers nombreux nocifs trouvés dans les divers produits que nous achetons au quotidien, des produits de beauté aux produits ménagers jusqu’aux vêtements, et il peut souvent être difficile de protéger sa santé au jour le jour.
💡 Quelles solutions ?
Plusieurs éco-gestes peuvent permettre d’améliorer la santé.
Pour le maquillage et les produits bien-être, des comparateurs sont disponibles, notamment sur le site internet d’UFC Que choisir ou sur les applications les plus connues du genre : Yuka, ou encore Foodvisor. Attention cependant, les critères de notation de ces applications ne sont pas totalement transparents et peuvent donc parfois être arbitraires.
D’autres labels plus fiables proposent leur propre liste de produits labellisés. C’est le cas pour Cosmébio, issu de l’association française du même nom, dont tous les produits contiennent à minima 95 % d’ingrédients naturels, et sans aucune substance controversée ou perturbateur endocrinien potentiel. Le label Slow Cosmétique, là encore issu de l’association du même nom, propose toutes les gammes de produits répondant à leur charte, allant des exigences environnementales jusqu’à des critères de marketing responsable.
Pour se protéger des substances toxiques des vêtements, le label Eoko-Tex garantit quant à lui qu’aucun produit chimique dangereux n’a été utilisé dans les matières ayant contribué à la fabrication du vêtement porté.
Pour avoir une meilleure alimentation, il faut d’abord pouvoir s’y retrouver dans les fruits et légumes de saison. De nombreux tableaux à télécharger sont trouvables sur internet, dont certains émanant directement d’ONG environnementales. Il est également possible de lire le rapport Future 50 Foods qui dessine les contours d’une alimentation saine pour la santé et la planète.
Afin de trouver des producteurs locaux et des produits frais directement du jardin ou de la ferme, plusieurs cartes interactives sont disponibles sur internet : Frais et Local, Bienvenue à la Ferme, Le Potiron, la carte interactive UFC Que Choisir, et la carte des producteurs d’Agap Pro.
Pour les produits ménagers, des labels fiables existent également pour se repérer dans les produits du quotidien. L’écolabel Européen et sa version exclusivement française NF Environnement, proposent plusieurs guides pour acheter responsable et écologique dans des domaines divers et variés. L’entreprise française spécialisée dans le développement durable Ecocert rassemble quant à elle sur son site nombre de ses labels dans tous les domaines de la consommation responsable.
► Des éco gestes pour une prise de conscience des dirigeants et des entreprises
L’écologie devrait avant tout mettre en lumière les difficultés des plus modestes et les inégalités entre les personnes, comme par exemple le manque de transport en commun pour remplacer la voiture, ou un pouvoir d’achat trop faible pour pouvoir remplacer son véhicule. Les difficultés pour les moins aisés de se nourrir correctement, ou encore la réalité du mal logement et ses mauvaises isolations.
Les éco-gestes peuvent donc servir à mettre en lumière ce qu’il reste à changer. Il ne sert à rien d’être prudent sur sa consommation si le chauffage polluant du logement n’est pas remplacé par son propriétaire, il ne sert à rien d’essayer de s’efforcer à ‘mettre un pull’ si on vit dans une passoire thermique.
Ainsi, la vertu la plus importante de ces éco-gestes reste ultimement d’interpeller les dirigeants sur le fait que le public est prêt à engager une grande transition vers une économie plus vertueuse pour tous. Des prises de décision véritablement écologiques pourraient ainsi positivement impacter le consommateur, à l’image des transports en commun gratuits dans plusieurs villes du pays.
Sur le cas de la rénovation énergétique également, il est possible de mobiliser les politiques : lors du vote du budget 2023, un amendement proposant d’allouer 12 milliards d’euros à la rénovation thermique des logements a été proposé par la NUPES avant d’être adoptée par l’Assemblée nationale. Cet amendement a cependant été supprimé suite à l’emploi du 49.3 par l’ex-première ministre Elisabeth Borne. Signe que la lutte doit encore être menée, mais que certains élus sont prêts à écouter.
Devenir un écocitoyen, c’est donc également s’engager pour la justice sociale.
Ces quelques vertus méconnues ne sont que quelques-uns des nombreux avantages des éco-gestes, et plus largement de l’écologie, qui peuvent nous permettre de vivre et consommer mieux. Pour cela cependant, peut-être faut-il changer le discours écologique afin de montrer ce côté pragmatique que l’on oublie trop souvent.
Kimberley Sanson