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Inégalité homme femme dans le domaine du soin

En plus de leurs disparités biologiques, les facteurs culturels, économiques et sociaux entretiennent une inégalité entre l’homme et la femme dans le domaine du soin. Ces stéréotypes de genre seraient dommageables davantage aux femmes par un retard, voire un défaut de prise en charge médicale. Un constat alarmant, aux conséquences néfastes sur le bien-être et la longévité de tous les individus. Et si la prise en compte du sexe et du genre en matière de soins médicaux pouvait être la solution pour une médecine plus moderne et plus performante…

Inégalité homme femme dans le domaine du soin - Le blog du hérisson
©Tumisu

Les stéréotypes de genre responsables de l’inégalité homme femme dans le domaine du soin

• Le sexe et le genre en santé

Pour mieux comprendre ce que l’on entend par sexe et genre en santé, il est utile de clarifier ces deux notions :

  • le sexe est caractérisé par des spécificités biologiques (appareils reproductifs, chromosomes, hormones) ;
  • le genre représente les disparités non-biologiques dissociant chaque individu. Il qualifie le style d’apprentissage social et culturel de l’homme et de la femme indépendamment, ainsi que leurs relations entre eux ;
  • l’identité de genre est liée au sexe et au genre. Elle marque la reconnaissance d’une appartenance à un modèle de construction sociale, sans forcément correspondre à la physiologie ou au sexe de la personne.

• Les stéréotypes de genre

En fonction de la société dans laquelle ils vivent, les hommes et les femmes évoluent suivant des codes et des valeurs différents, correspondant à des stéréotypes de genre. Cela a donc une influence sur l’attitude et le rôle supposé de chacun des sexes. Déterminé selon le type de mœurs d’une société, le genre peut varier selon la localisation et peut évoluer dans le temps.

Ces représentations sociétales impliquent inévitablement des inégalités de genre avec pour conséquence l’attribution de pouvoirs supérieurs à un groupe au détriment de l’autre. Un exemple éloquent d’inégalité de genre, correspondant à une réalité mondiale, est la différence de salaire entre hommes et femmes pour un travail égal.

De plus, ces marqueurs sociaux, économiques et culturels freinent l’égalité femmes hommes en matière de santé et de recours aux soins. Les femmes en sont les premières victimes.

Les inégalités de genre dans le soin, sources de danger pour la santé

• Femme et santé

Hommes et femmes sont pénalisés par ces discriminations sexuelles qui mettent en danger leur santé. Cependant, l’information et l’accès aux soins pour les femmes sont plus compliqués à cause de plusieurs facteurs :

  • une mobilité restreinte ;
  • un pouvoir de négociation et de décision réduit (notamment dans la prévention des MST, avec le préservatif masculin) ;
  • un taux d’alphabétisation largement inférieur à celui des hommes ;
  • un manque de formation des professionnels de santé aux pathologies et besoins spécifiques aux femmes.

Pour illustrer ce dernier point, en 2019, la France comptait seulement 1000 gynécologues pour recevoir 30 millions de patientes, soit 1 professionnel pour 30 000 femmes ! En 1997, 60 % d’entre elles consultaient régulièrement leur spécialiste, alors qu’en 2012, le chiffre tombe à 25 % du fait d’une pénurie de la profession, notamment en zone rurale. Des chiffres inquiétants, quand l’on sait que 61 % des cancers qui touchent les femmes sont d’origine gynécologique.

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©Tim Mossholder

• Les hommes ont tendance à négliger leur santé

Comme nous l’avons vu plus haut, la santé d’un individu peut varier selon sa profession, son hygiène de vie ou même son niveau d’études. D’après l’INSERM, ces critères auront un impact plus ou moins élevé selon le sexe de la personne. Par exemple, les hommes auront l’habitude de consulter moins rapidement leur médecin que les femmes pour des pathologies similaires.

Également, les normes de la masculinité ont des conséquences négatives sur la santé et le bien-être des hommes de tous âges :

  • encouragement au tabagisme, sous prétexte de virilité ;
  • prise de risques dans leur comportement et leur sexualité ;
  • incitation à la consommation d’alcool et à la violence ;
  • procrastination dans les démarches de santé ou d’accompagnement.

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• Le genre dans le soin influence les rapports médecin-patient

En sciences sociales, la féminité est le sexe évoquant le plus la fragilité, la sensibilité et favorisant le dialogue. La masculinité, quant à elle, renvoie à des marqueurs de virilité, de résistance au mal ou à l’effort et de prise de risque. Ainsi, une pathologie n’est pas prise en compte de la même façon suivant que l’on s’appelle « Marc » ou « Sophie » et son interprétation est, de même, influencée par ces stéréotypes de genre de la part des médecins et autres professionnels de santé.

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©Bernd Müller

• Exemples dans le domaine du soin illustrant les inégalités de genre :

► L’infarctus du myocarde : Longtemps « réservée » aux hommes à cause de leur image de professionnels confrontés régulièrement au stress, cette maladie est, hélas, plus souvent interprétée comme une crise d’angoisse chez les femmes. Avec des symptômes décrits de façon identique, Sophie se voit donc prescrire des anxiolytiques, alors que Marc est orienté en consultation chez le cardiologue !

► L’ostéoporose : Cette pathologie est cette fois plus souvent décelée chez les femmes ménopausées, au détriment des hommes. Véritablement, si Marc se casse le col du fémur ou la hanche en glissant sur une plaque de verglas, 1 fois sur 3 cela est dû à une décalcification osseuse.

► La dépression : Marc et Sophie sont vulnérables à égalité face à ce fléau. Attribuée avec facilité (trop, sans doute) aux femmes, la dépression s’exprime de façon atypique chez l’homme. Pour Marc, elle se traduit par une agressivité exacerbée ou un comportement à risques et peut s’aggraver si elle n’est pas décelée.

• Autres exemples d’inégalité homme femme dans la santé

Cette liste n’est pas exhaustive, loin de là ! Le sexe et le genre en santé peuvent être la cause de diagnostics tardifs et donc d’une moins bonne prise en charge dans de nombreux cas :

  • maladies chroniques ;
  • autisme ;
  • addiction ;
  • douleur ;
  • réactions médicamenteuses.

Médecine et genre : la sous-représentation des femmes fausse la donne

• Une prise en compte tardive du sexe et du genre en France

Dès la fin des années 80 et le début des années 90, les Etats-Unis agissent pour adapter leur politique de santé à la notion de genre. En 2002, l’OMS a plaidé pour l’optimisation de l’accès aux soins et à l’information en faveur des femmes. Elle a porté divers projets renforçant l’équité entre les sexes et selon les genres. À cette même période, des organismes français comme le CNRS, l’INSERM ou l’INED (Institut national d’études démographiques) ont commencé leur réflexion sur le sujet. Enfin, en 2013, le Comité d’Éthique de l’INSERM a formé un groupe de travail dédié à la sensibilisation de ses chercheurs et médecins sur les inégalités de santé entre l’homme et la femme.

Le poids des représentations sociales est un facteur majeur d’inégalités entre les sexes dans l’accès aux soins et la prise en charge médicale

Catherine Vidal, neurobiologiste, directrice de recherche honoraire à l’Institut Pasteur et membre du comité d’éthique de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM).

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©Ryan McGuire

• Une recherche en laboratoire trop approximative

La recherche biomédicale n’est pas épargnée par ces préjugés. Au niveau cellulaire, il a été prouvé que certaines réactions à travers divers tissus humains peuvent être distinctes selon le sexe. Cependant, la majorité des expériences incluant des animaux se font sur des mâles. Les raisons qui expliquent ce phénomène sont trompeuses : le cycle menstruel des femelles est mis en cause, car il influerait sur leur comportement. Pourtant, récemment, il a été démontré que c’est le nombre d’espèces contenues dans la cage qui serait le vecteur principal de variabilité et non le sexe… Cliché, quand tu nous tiens !

• Où sont les femmes ?

Il n’y a pas si longtemps, la majorité des essais cliniques étaient menés sur des individus masculins (hic !). À tel point que des études sur les risques de cancers gynécologiques ont été réalisées avec des… hommes (double hic !). Heureusement, depuis 1993, la législation pharmaceutique aux Etats-Unis impose des essais cliniques sur les deux sexes. Il faudra attendre 10 années supplémentaires pour que l’Europe suive le même chemin, avec malgré tout, une sous-représentation des femmes.

« Sexe, genre et santé », le rapport de la HAS dénonce les écarts entre hommes et femmes en matière de santé

Fin 2020, la Haute Autorité de Santé a déposé un rapport intitulé « Sexe, genre et santé » auprès du Gouvernement et du Parlement français. À travers 10 propositions, l’objectif de cette étude est de faire progresser la qualité et l’égalité d’accès aux soins médicaux. La prise en compte des disparités de chacun des genres à travers les deux sexes est l’axe majeur de l’expertise de la HAS, afin de n’exclure aucune minorité. Les principaux destinataires de ce rapport sont :

  • les pouvoirs publics ;
  • les professionnels des secteurs sanitaire, social et médico-social ;
  • les universitaires ;
  • le monde associatif ;
  • les entreprises privées ou publiques collectant et analysant des données de santé.

Même si aujourd’hui, les politiques de santé sont plus inclusives, les personnes transgenres et intersexes ont encore du mal à accéder aux services de santé et à un accompagnement adapté. Au-delà d’une catégorisation des personnes, la HAS entend nuancer davantage les profils d’individus pour ne pas réduire la santé des femmes à leur santé reproductive, les personnes trans aux éléments liés à leur identité de genre et les personnes intersexes à leur développement sexuel différent.

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©Viarami

Pour réduire les inégalités entre hommes et femmes dans le domaine du soin et permettre à tous une médecine de qualité, il est important et urgent d’inclure le genre en santé. L’objectif est de prendre en compte ces variations en les intégrant dans la recherche, l’apprentissage et les consultations, tout en se méfiant des stéréotypes trompeurs. Espérons que le réveil des consciences, soutenu par les propositions de la HAS et les divers organismes internationaux, amène un nouvel élan dans le domaine de la santé, pour le bien-être de l’homme et de la femme.

Séverine Robert

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