Environnement

Les banques vertes : concilier économie et écologie ?

Non c’est vrai, « vous n’êtes pas Rothschild ». Vous comptez au quotidien, peu ou prou, et vous mettez quelques deniers de côté à la fin du mois quand vous le pouvez. Vous serez peut-être surpris, mais vous êtes ainsi à la base de l’économie capitaliste. L’accumulation de l’épargne de millions de personnes comme vous représente des sommes colossales. Cette puissance financière est utilisée par les banques afin de financer les grands projets, industriels notamment. Vous apportez donc les fonds nécessaires à ce qui pollue votre environnement, alors même que vous avez sans doute des idées plus écologiques. Cette pensée a entraîné l’émergence de banques tournées vers des projets plus sains pour l’avenir de nos enfants. Mais ces banques vertes permettent-elles vraiment de concilier économie et écologie ? Voici quelques éléments de réflexion qui vous décideront peut-être à vous mettre au vert.

Les banques vertes : concilier économie et écologie ? - Le blog du hérisson

Pourquoi des banques « vertes » ?

La première question à se poser concerne le fonctionnement des banques. Pourquoi aurait-on besoin de créer et de faire appel à de nouveaux établissements, au lieu de demander à nos banques de nous aider à construire un monde meilleur ?

• Les travers du système bancaire traditionnel

Les banques dites « classiques » financent sans ciller des projets nuisant à l’écologie ou à tout ou partie de l’humanité. Notamment les investissements liés aux énergies fossiles, à l’industrie massive, au tourisme de masse également, qui sont autant d’exemples privilégiant trop souvent le gain d’argent à la vie humaine ou animale. Sans compter qu’elles sont empêtrées dans le lobbying industriel – quand elles n’appartiennent pas carrément aux magnats des industries polluantes. En clair, les banques traditionnelles ne se préoccupent que de la rentabilité des investissements sans considérer leur efficience éthique et morale. Ce qui choque dorénavant l’opinion publique.

Deux ONG, les Amis de la Terre France et Oxfam France, ont même interpellé le gouvernement français fin 2019, l’enjoignant à légiférer afin d’obliger les banques à retirer leurs financements des projets portant sur l’expansion des énergies fossiles, et d’en promouvoir ainsi la fin. C’est un exemple démontrant de façon claire que la volonté de changement s’intensifie.

• Une préoccupation écologique qui tient surtout de la communication

La plupart des banques réagissent à la nouvelle préoccupation environnementale de leurs clients, notamment en tentant de compenser l’impact carbone de leur propre activité. On peut citer la Banque Postale et la Société Générale qui ont mis au point une taxe carbone interne de 10€ par tonne de CO² émise, qui servira à financer des projets éthiques. Le Crédit Mutuel a mis en place un projet similaire, et la BNP Paribas annonce à ce jour un bilan carbone neutre. Le Crédit Agricole a créé un fond appelé Livelihoods qui veut compenser les émissions carbones du groupe, et travaille en parallèle à réduire son empreinte directe.

Mais… cela ne concerne nullement les projets financés, seulement leur empreinte interne voire celle des moyens de paiement émis. Pour redorer leur blason, les banques traditionnelles font croire à leur action écologique globale, qui reste donc le plus souvent un simple écran de fumée masquant le réel résultat de leurs financements : augmentation incessante des inégalités, perte d’emplois, destruction d’écosystèmes entiers (on repense à l’huile de palme, au bambou mais aussi à la surpêche et au projet Montagne d’Or en Guyane, par exemple).

Il apparaît urgent aujourd’hui d’engager des actions sortant de ce cadre du tout-argent, qui selon toutes les projections, risque de priver nos petits-enfants de beaucoup de richesses que nous admirons sur notre planète.

La place des banques « vertes » dans notre société

Leur émergence est récente, mais leur succès grandissant. Les banques éthiques ont ceci de différent qu’elles concourent à mettre en place une autre philosophie du « vivre ensemble », basée sur l’intérêt général de l’humain et de la nature, plutôt que sur l’idée du profit à tout prix.

• L’évolution des modes de pensée

Dans un nombre croissant de pays, notamment en Europe et aux Etats-Unis, la mentalité évolue vers l’idée de la décroissance. Ou plutôt, vers l’idée que la croissance peut s’harmoniser avec une économie florissante. Car le tri des déchets, la réutilisation des matières comme leur transformation, la réparation des appareils en panne, constituent en soi des activités qui créent de l’emploi, donc de l’épargne et de la consommation. Il suffit de modifier la base de nos productions afin de les créer à partir de l’existant plutôt que d’extraire toujours plus de richesses naturelles dont la pénurie nous guette. 

Les banques vertes s’inscrivent dans cette optique, en cessant de répondre à la pression des industries vieillissantes et nuisibles. Et en favorisant l’émergence des projets qui permettent la transformation de notre économie vers un cycle continu durable et vertueux.

• Et toc l’éthique !

C’est dans cet esprit que les banques vertes ont vu le jour. Mais attention, quand on parle de banque verte, on ne parle pas que d’écologie au sens strict du terme. De la même façon que la permaculture ne désigne pas seulement une autre façon de cultiver ses légumes mais plutôt une philosophie de vie globale : observer les ressources naturelles présentes et les optimiser par des interactions fructueuses, plutôt qu’utiliser des produits chimiques pour forcer le résultat. 

Eh bien la banque verte suit la même idée : financer des projets qui font progresser la société dans le bon sens, vers le bien-être général et la préservation de nos ressources pour les générations futures, plutôt que vers le profit à tout prix au détriment de l’humain et de l’équilibre planétaire.  Suivant ainsi l’orientation que souhaite prendre une part croissante de la population, vers une économie plus en accord avec l’idée de monde que nous souhaitons laisser à nos enfants.

Quelle banque éthique choisir ?

Elles se multiplient sur la place publique, et leur approche novatrice ne facilite pas le choix. Si leur principe de base est avant tout la transparence, il faut pouvoir déterminer comment les différencier par leur action concrète. 

• Les indicateurs de progrès

Une banque pour laquelle l’écologie est un paramètre contraignant, c’est chouette ! Mais concrètement, comment vérifier que l’on ne nous enfume pas ? Plusieurs indicateurs ont été élaborés, afin de mesurer l’impact véritable que ces banques ont sur le monde, elles qui se taguent de la couleur de l’herbe.  

Le premier, et peut-être le plus important par les temps (chauds) qui courent, est la mesure de l’impact carbone. Ainsi, tout projet financé sera passé au crible, pour déterminer l’ensemble des conséquences qu’il va avoir : émissions directes, transports liés, émissions des fournisseurs, etc. 

Ensuite, dans la logique de l’efficience sociétale, les banques éthiques mettent en avant comme pilier de fonctionnement une valeur fondamentale : la transparence. Par la publication de la liste des projets financés principalement, voire par une traçabilité totale de l’épargne de tout un chacun qui peut ainsi savoir précisément à quoi va servir son argent. Certaines vont même plus loin en proposant à leurs clients de choisir entre plusieurs projets qui seront financés par leur épargne ! 

• Quelles sont les banques éthiques ?

Pour la petite histoire, les initiatives peuvent s’appuyer sur la FEBEA (Fédération Européenne de Finances et Banques Ethiques et Alternatives) créée en 2001 à Bruxelles. Elle vise à regrouper les acteurs financiers tendant vers une éthique de fonctionnement plus importante. Sa fondation est le fruit de banques françaises, italiennes, belges et polonaises. Elle compte désormais 28 membres, dont treize banques mais également des coopératives et fonds d’investissement de quatorze pays d’Europe.

En ce qui concerne les acteurs français, seuls deux rentrent à l’échelle nationale dans la catégorie qui nous intéresse. Ils font d’ailleurs partie des membres fondateurs de la FEBEA.

  • La Nef, créée en 1988 et rassemblant à ce jour 37000 sociétaires (les clients en sont donc en partie propriétaires est sans doute l’établissement qui définit le mieux ce que l’on peut attendre de la banque de demain. Non seulement elle refuse de financer les projets liés à l’exploitation des énergies fossiles, au nucléaire et même aux agro-carburants, mais elle publie chaque année la liste précise de tous les projets soutenus.

Ajoutons à cela qu’elle privilégie des projets à plus-value écologique mais également sociale, et qu’elle les évalue dans une démarche de positivité. Agriculture biologique, espaces de coworking, librairie en sont des exemples. 

  • Le Crédit Coopératif ne fait pas preuve d’autant de transparence que la Nef mais s’en rapproche. Il s’agit du deuxième établissement véritablement éthique en France. Plus ancien, il a été créé en 1893 et s’est longtemps adressé aux associations et acteurs de l’économie solidaire. Aujourd’hui, elle s’est ouverte aux autres formes d’entreprises ainsi qu’aux particuliers.

Cette banque met l’accent sur la proposition de services à visée éthique : cartes, livrets, etc. avec par exemple une partie des intérêts finançant des projets solidaires.

  • À défaut d’opter pour l’un de ces établissements, certaines banques traditionnelles se distinguent tout de même des autres. Nous pouvons ainsi citer La Poste qui a une véritable politique d’accessibilité bancaire, ce qui constitue une véritable avancée sociale. Le Crédit Agricole quant à lui, est le seul à mesurer l’impact carbone des projets qu’il soutient. Enfin, le Crédit Mutuel propose des éco-prêts à taux zéro à ses clients réalisant des travaux visant à des économies d’énergie.

De manière générale, la transition du secteur bancaire est lente, du moins en France. Les initiatives se multiplient mais sans trouver de cohérence globale tirant le système vers le haut. Il n’est aucunement question de cesser d’investir ou de réduire nos ambitions. Il est dans la nature humaine de progresser et de voir les choses en grand. Mais nous pouvons peut-être le faire avec davantage de respect pour la planète et pour nous-mêmes. 

Encore peu nombreuses, les banques « vertes » font de plus en plus parler d’elles, et gagnent des clients rapidement. Particuliers, mais également les entreprises et associations agissant dans les domaines de l’écologie ou de l’éthique, de plus en plus nombreuses. Acteurs qui se tournent naturellement vers les établissements bancaires éthiques dont les valeurs répondent aux leurs. Il semble que le respect de l’Homme et de la Nature ait vocation à devenir la règle guidant nos pas à grande échelle, et c’est tant mieux !

Guillaume Depaemelaere

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