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Les walking simulator sont-ils des jeux vidéos ?

Qu’est-ce qu’un jeu vidéo ? Au vu de tous les styles existants, certains méritent-ils d’être privés de cette appellation sous prétexte qu’ils ne sont pas ce que l’on attend d’eux ? Ce fût le cas (et ça l’est toujours parfois) du walking simulator. Si le style n’est pas forcément révolutionnaire, il a eu le mérite de mettre un coup de pied dans la fourmilière vidéoludique. Mais alors, les walking simulator sont-ils des jeux vidéos ? Voyons comment la naissance d’un nouveau genre a créé le débat sur la représentation que l’on a du jeu vidéo.

Les walking simulator sont-ils des jeux vidéos ? - Le blog du hérisson
Firewatch ©Campo Santo

Naissance d’un genre controversé

En 2012, un ovni débarque dans le monde du jeu vidéo. Dear Esther, bâti sur un mod du célèbre Half-life 2, bouscule les conventions en proposant une expérience pour le moins surprenante. Ici il ne s’agit pas de sauver une princesse ou de décimer des hordes d’ennemies à grand renfort d’armes à feu. Non, dans Dear Esther vous allez marcher et écouter une histoire.

Vous débarquez sur une île, en vue à la première personne, la voix d’un narrateur se fait entendre. Il s’adresse à une certaine Esther et vous accompagnera tout au long de votre route. Ici, pas d’adversaire, pas de quête, pas d’armes ; votre seul objectif est de marcher, d’explorer et d’écouter le récit qui se déclenche lorsque vous passez un endroit stratégique. Parfois une musique vient rompre le silence car, les seules choses que vous entendrez seront le bruit de vos pas, du vent et de l’océan. D’autres jeux suivront comme Gone Home ou The Vanishing of Ethan Carter rencontrant malgré les mauvaises langues leur petit succès. On nomme alors ce genre le walking simulator ou simulateur de marche dans la langue de Molière. Un nom un tantinet condescendant pour bien montrer que dans ce style de jeu votre principal objectif est «juste» de marcher.

Au moment de sa sortie, Dear Esther divise. Beaucoup le considèrent alors ennuyeux, sans intérêt, trop court (il peut se finir en moins de deux heures) et vont jusqu’à dire qu’il ne peut pas être considéré comme un jeu vidéo. D’autres au contraire adorent ; l’aspect contemplatif, la musique envoûtante et l’atmosphère onirique invitent au lâcher-prise. Pas de challenge, pas de montée de niveau, juste une histoire mystérieuse qui ne demande qu’à vous emporter l’espace de quelques heures.

Qu’est-ce que c’est vraiment un walking simulator ?

Alors qu’il aurait pu finir oublié comme bien d’autres jeux qui ont tenté quelque chose de nouveau, Dear Esther a ouvert une porte. Les années suivantes, plusieurs studios (quasiment tous indépendants) s’engouffrent dans la brèche avec plus ou moins de succès.
Le genre commence à être de plus en plus connu et reconnu (et même récompensé).
L’essence du walking simulator tient dans sa narration et l’atmosphère qu’il met en place pour nous emporter dans son univers. Fantastique, horreur, réflexion métaphysique ou simple tranche de vie, tout est possible.

Généralement de budget modeste, les jeux n’en sont pas bâclés pour autant. Là où d’autres vont tout miser sur le gameplay ou l’intelligence artificielle, le walking simulator s’affranchit des codes et choisit de jouer sur l’émotionnel. Ici, sauf pour quelques exceptions, on ne meurt pas. Pas de combats, pas d’armes, le but est de découvrir, de ressentir. La vue à la première personne permet de s’immerger dans l’aventure. Vous êtes le protagoniste, à vous d’interagir avec votre environnement pour trouver des indices et faire progresser l’histoire. Le genre se prête également à tous les styles de graphismes, réalistes, originaux, dessins animés, etc. Il n’y a que peu voire pas d’interface et l’inventaire est minimaliste. Tout est fait pour vous plonger pleinement dans le récit que l’on est en train de vous conter.

C’est quoi un jeu vidéo ?

Tout d’abord, existe-t-il une définition ? Celle de Wikipédia est intéressante :

Un jeu vidéo est un jeu électronique doté d’une interface utilisateur permettant une interaction humaine ludique en générant un retour visuel sur un dispositif vidéo. Le joueur de jeu vidéo dispose de périphériques pour agir sur le jeu et percevoir les conséquences de ses actes sur un environnement virtuel.

Donc si on part de ce postulat, il n’est alors pas question de graphismes ou de durée de vie. Ce que certains reprochent à des jeux comme Dear Esther, c’est qu’il n’entre pas dans le cadre d’un jeu conventionnel.

Un jeu vidéo est avant tout une expérience vidéoludique. Il rassemble plusieurs facteurs : le gameplay, les graphismes, l’histoire et bien d’autres, pour créer un tout cohérent (normalement, mais nous ne nous égarons pas sur ce qu’est un bon ou un mauvais jeu). Depuis des décennies, le schéma des jeux vidéos agit sur le biais de progression = récompense. On progresse dans l’histoire, on monte de niveau, on obtient des armes ou des compétences plus puissantes et l’action va crescendo jusqu’au boss final. Dans le walking simulator, votre récompense, c’est l’histoire.

Le manque d’action est d’ailleurs l’un des reproches récurrents qu’essuie le walking simulator. Mais est-il vraiment nécessaire de passer 70 heures frénétiques à tirer sur tout ce qui bouge et parcourir une carte gigantesque pour considérer jouer à un vrai jeu vidéo ? Bien sûr il y a autant d’avis que de joueurs, et prétendre détenir la vérité serait bien présomptueux. Néanmoins, renier un genre, car il est différent, ne fait pas non plus avancer le schmilblick. Comme pour tout, il en faut pour tout le monde et pour tous les goûts. Et le fait d’apprécier simplement se balader, sans pression et de se laisser porter par un récit, qu’il soit palpitant ou non, ne devrait nécessiter aucune justification. Chacun a sa propre vision des choses, et le mieux est de respecter les différentes opinions.

Quelques perles pour découvrir le genre

• Firewatch

Produit par Campo Santo, vous incarnez ici Henry. Quadragénaire qui vient de vivre un drame personnel, il accepte pour l’été un travail de firewatch (sorte de garde forestier spécialisé dans la surveillance des incendies). Vous êtes responsable du secteur que l’on vous a attribué, par conséquent, vous êtes complètement seul. Votre unique contact sera Delilah, votre supérieure avec qui vous communiquerez exclusivement par radio. Le job semble simple et une vraie complicité s’installe avec Delilah. Mais bientôt d’étranges évènements se produisent, il semble que vous ne soyez pas si seul que ça.
Avec son univers magnifique et ses personnages attachants, Firewatch vous entraîne dans une histoire palpitante aux multiples rebondissements.

Firewatch - Le blog du hérisson
Firewatch ©Campo Santo

• Everybody’s gone to the rapture

Suite spirituelle de leur premier jeu Dear Esther, le studio The Chinese Room livre ici un petit bijou. Vous voilà transporté dans le village anglais de Yaughton. Personne à l’horizon, tout est désert et seul le silence accompagne vos pas. Que s’est-il passé ? Où sont les habitants ? Et que sont ces étranges sphères de lumière qui semblent reproduire les souvenirs des villageois ? À vous de le découvrir.
Envoûtant et onirique, voilà ce qui pourrait le mieux traduire Everybody’s gone to the rapture. Les doublages exceptionnels et la bande-son de toute beauté vous plongent dans une aventure qui vous touchera en plein cœur.

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Everybody’s gone the rapture ©The Chinese Room

• What Remains of Edith Finch

Vous incarnez Edith qui revient dans sa maison d’enfance après l’avoir quittée précipitamment il y a plusieurs années. Perdue sur une île, cette maison est pour le moins originale. On parle d’accéder à certaines pièces par des passages secrets et quand il n’y a plus de place, on construit des chambres supplémentaires sous forme d’une tour. Les membres de la famille Finch seraient affublés d’une malédiction, et nombreux sont ceux qui ont connu une mort prématurée. Leurs chambres sont depuis scellées en l’état et vous revivrez au travers d’Edith leurs derniers instants de façon plutôt romanesque. Il faut dire que peu de jeux proposent d’incarner une chouette, un tentacule lovecraftien (si, si) ou une main qui fait des vagues à la fenêtre d’une voiture.
Original et décalé dans sa narration, What Remains of Edith Finch est une expérience à vivre au moins une fois.

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What Remains of Edith Finch ©Giant Sparrow

• The Stanley Parable

Développé par Galactic Cafe, vous êtes Stanley, employé numéro 427. Votre travail consiste à appuyer quand il le faut sur une série de boutons. Un jour Stanley ne reçoit plus d’instructions, alors il se lève de son bureau et le jeu commence. Vous êtes accompagné d’un narrateur qui décrit tous vos faits et gestes et vous souffle la conduite à suivre. À vous de lui obéir… ou pas.
Brisant le principe du quatrième mur, The Stanley Parable s’adresse directement au joueur et propose une expérience drôle et originale. Choisirez-vous de suivre aveuglément le narrateur ou plutôt votre libre arbitre ?

The Stanley Parable - Le blog du hérisson
The Stanley Parable ©Galactic Cafe

Depuis sa naissance, le jeu vidéo n’a eu de cesse d’évoluer et de créer de nouveaux genres. Certains se renouvellent quand d’autres disparaissent. Le walking simulator, n’en déplaise aux «vrais» gamers (les mêmes qui critiquent quand on joue en mode facile) est simplement une autre façon de s’amuser devant son écran. Alors si un style vous plaît, foncez ! N’ayez pas peur et prenez simplement du plaisir, c’est ça la vraie essence du jeu vidéo.

Laurie Venturi

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