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Cunk on Earth, série mockumentaire Netflix

Qu’est-ce qu’un mockumentaire appelé aussi documenteur ou faux documentaire ? La popularité du genre refait surface avec cette série britannique réalisée avec l’accord entre Netflix et BBC, coécrite par Charlie Brooker (Black Mirror). Philomena Cunk, journaliste fictive, nous emmène où bon lui semble, en interviewant toutes sortes d’experts sur la civilisation humaine. Couvrant les domaines de l’histoire, la religion, la science et la culture, elle pose des questions souvent si bêtes qu’elles font rire et même réfléchir. Cultivez votre savoir et votre humour avec Cunk on Earth, cette série mockumentaire Netflix bientôt sur vos écrans !

Cunk on Earth, série mockumentaire Netflix - Le blog du hérisson
©BBC

Philomena Cunk, un personnage phénoménal

Jouée par Diane Morgan, Philomena Cunk est l’élément-clé de la série (son nom figurant littéralement dans le titre). La moue triste avec un débit laconique, Philomena est une femme qu’on a dû mal à cerner à part le fait qu’elle soit incroyablement sotte. Elle porte toujours la même tenue : un long blazer gris par-dessus une chemise bleue et un pantalon noir avec des bottines. Tout ce qu’on sait d’elle c’est qu’elle a un ex infidèle, Shaun, un ami infortuné, Paul, et une tante Carole, qu’elle évoque sans crier gare, en plein milieu d’une scène.

À l’origine, elle apparaît dans Charlie Brooker’s Weekly Wipe en tant que présentatrice idiote de télévision et le créateur y a vu un potentiel. « Tu peux donner une réplique à Diane et elle va la rendre dix fois plus marrante » (Charlie Brooker, interview pour BFI). En effet, l’actrice baigne dans la comédie avec des rôles décalés comme Kath, manager excentrique du journal Tambury Gazette dans la série After Life de Ricky Gervais, ou Liz, maman chaotique, dans Motherland.

Philomena Cunk est aujourd’hui le rôle culte qui a révélé Diane Morgan aux yeux du public. Son jeu d’acteur est si brillant qu’on n’en oublie que c’est un personnage fictif. La comédienne dit avoir parodié les célèbres Brian Cox (professeur physicien) et David Attenborough (journaliste scientifique) connus pour avoir réalisé des grands documentaires. C’est elle-même qui a insisté pour jouer avec son accent posh, un anglais bourgeois, lui donnant un côté snob londonien. Ce qui en devient irrésistiblement drôle alors qu’elle prétend connaître son sujet face à de véritables érudits. Un contraste qui fait de Philomena un personnage phénoménal en comédie. Est-ce de la pure bêtise ou de la sournoiserie déguisée ?

Cunk on Earth, série mockumentaire Netflix - Le blog du hérisson
©BBC

Cunk on Earth, un documentaire Arte ou Raté ?

Rappelons la définition d’un documentaire, selon le Larousse c’est un « Film, à caractère didactique ou culturel, visant à faire connaître un pays, un peuple, un artiste, une technique, etc. » Cunk on Earth possède ce style télévisuel qu’on pourrait retrouver sur Arte. La série est tournée de manière si professionnelle qu’on peut se demander si des spectateurs vont la visionner au premier degré. Il y a tous les composants d’un excellent documentaire : une journaliste qui fait un reportage aux quatre coins du monde, une voix-off, une équipe de tournage avec des caméras… Alors ? Est-ce un documentaire raté ?

Dès le premier épisode, on comprend très vite qu’on entre dans une série mockumentaire. Le point de repère dans la frise chronologique de Cunk : le tube Pump Up The Jam. Un clip Techno récurrent qui lui sert de comparaison face à une date significative. On reconnaît également l’interface d’un jeu vidéo (clin d’œil à Weekly Wipe quand Philomena Cunk dit que les Mayas sont les créateurs de Minecraft) pour simuler l’architecture de la cité de Tikal. Histoire d’imiter les techniques scientifiques en 3D. Des informations saugrenues sont placées çà et là dans Cunk on Earth, comme si l’idée était de ne rien apprendre.

La série parodique de BBC Two joue beaucoup sur les barbarismes. Une mauvaise prononciation ou une utilisation intelligente d’une homophonie qui provoquent des quiproquos amusants comme lorsque Philomena déclare que les Grecs de l’Antiquité ont introduit la culture dans le monde via le yaourt grec. Un effet raté pour un soi-disant documentaire qui veut se prendre au sérieux. Malgré les nombreux gags, Cunk on Earth offre un contenu étonnamment informatif, tant que vous sachez discerner le vrai du faux.

Philomena et Jésus-Christ dans l'épisode 2 sur Netflix - Le blog du hérisson
Philomena Cunk et Jésus-Christ dans l’épisode 2 – Faith/Off ©BBC

Une caméra cachée des doctorants

Les producteurs sont quand même allés au bout de leur délire en filmant des personnes réelles. Dans ces interviews, moments phares de la série, Philomena Cunk a l’art de poser des questions abracadabrantes :

Était-elle en partie girafe ou il n’arrivait pas à faire les cous ? (à propos de la Vénus de Botticelli)

Une sorte de caméra cachée pour le plaisir des téléspectateurs ou l’inconfort des doctorants déstabilisés par ses questions. Ces derniers ne sont pas briefés sur ce qu’il va se passer. La seule consigne : la traiter comme une enfant. L’actrice Diane Morgan joue sur l’improvisation pour les prendre au dépourvu et les réactions obtenues sont authentiques.

C’est en quelque sorte les grandes interrogations qu’un enfant peut demander auxquelles on n’a pas de réponse, tout en restant des questions valides. – Sam Ward, producteur de Cunk on Earth.

On peut se demander si piéger ces doctorants comme pour leur faire dire des fausses déclarations, les embarrasser ou les laisser sans voix, a pour but de les faire paraître à leurs tours incompétents aux yeux de l’auditeur. Dans l’épisode final où l’on couvre le sujet de la conquête de l’Espace, Philomena réfute tout simplement l’existence de la Lune, ou va jusqu’à affirmer qu’il n’existe pas de plus grand nombre après 700. Elle conseille YouTube comme si c’était une source d’information supérieure à l’experte assise devant elle, déniant franchement ses connaissances.

Heureusement, pas une fois on a l’impression que l’interviewé est moqué, le cadre restant légal et consenti. On peut rire (moi je l’ai fait) de la méprise sémantique de Philomena sur l’Union Soviétique tandis que l’hôte Ashley Jackson (professeur d’Histoire militaire et impériale) essaie de patiemment rectifier son « Oignon Soviétique ». Dans cette situation incongrue, on ne peut qu’admirer son sang-froid et son sérieux professionnel. Ces académiciens sont une forte valeur ajoutée à cette série mockumentaire sur Netflix et parviennent finalement à nous enseigner des choses en corrigeant notre Philomena.

Cunk on Earth, série mockumentaire Netflix - Le blog du hérisson
Professeure Shirley Thompson répondant aux interrogations de Philomena sur l’histoire de la musique ©BBC

Cunk on Earth, Série mockumentaire Netflix à l’humour pince-sans-rire

Philomena interprète l’histoire de l’Humanité à sa façon (« Aristote a dit « Dance like nobody’s watching ») et fait beaucoup d’anachronismes. Elle arrive à faire dire que Jésus Christ a été la première célébrité victime de la cancel culture. Ce à quoi elle ajoute « il n’avait que douze abonnés » en mentionnant ses disciples, comme si Jésus avait Instagram. Autre exemple désopilant : la révolution française de 1789 qu’elle qualifie de topless, à cause de la femme seins nus (allégorie de la Liberté) de la célèbre peinture d’Eugène Delacroix.

Derrière cette façade de documentaire parodique qui parvient tout de même à nous instruire, se cache une satire de notre société. Si les habitants de la Grande-Bretagne sont connus pour leur humour pince-sans-rire, le ton mortellement sérieux est présent tout le long de la série Netflix, Cunk on Earth. La perspicacité est (finalement) démontrée dans la bouche sans filtres de Philomena Cunk :

Les femmes, largement utilisées comme animaux de compagnie pour les hommes (…) Enfin, les femmes peuvent choisir l’homme qui leur dira quoi faire, à propos du féminisme

Sans parler d’une pub commerciale pour un séjour dans un hôtel cinq étoiles intégrée à la série dans une belle satire des sponsors.

C’était il y a si longtemps. Pourquoi devrais-je m’en soucier ?

Cette question posée bêtement cache une vraie problématique actuelle sur notre sensibilisation au monde. On peut se demander si Philomena n’est pas une caricature d’une génération mal informée dont on attire l’attention qu’avec le sensationnel ou des références pop culture. Quand est évoqué le sujet des armes nucléaires (Episode 4 – Rise of the Machines), la journaliste est bouleversée en apprenant qu’il en existe encore de nos jours et se met à verser des larmes de tristesse, nous amenant à avoir un cas de conscience sur le monde actuel.

Cunk on Earth, une série mockumentaire sur Netflix épicée qui ne fait pas de mal, à regarder sous tous les degrés sauf le premier. Peut-être rirez-vous au moment de l’audio book ou lors d’une discussion au sujet d’Elvis Presley qui n’est filmé qu’au-dessus du bassin. Un humour utilisé habilement par Cunk on Earth pour soulever un voile de vérité, nous faisant rire et par moments, cogiter sur ce qui fait de nous des êtres humains. Ce n’est que le début car d’autres épisodes croustillants sortiront prochainement sur Netflix.

AhnJu Ader

→ Cunk on Earth 🤣 Trailer – BBC

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